: La première de couverture est amusante, notre personnage semblera représenté à la manière d'un modèle de tableau, dans un style de peinture très coloré et légèrement naïf. Les décors et leurs angles sont d'un cubisme maitrisé, c'est joliment décoratif en plus d'être original.
Nous ne douterions pas du sérieux de l'affaire si Henri n'avait pas la tête d'un ours, ce qui renvoie le style à la parodie.
Sans doute cela annoncera évidement ce qui nous attend à plusieurs titres, le ton et l'esthétique.
Nous voyagerons dans le temps, dans une Amérique du début du XXème siècle. L'image nous le dira à partir de quelques indices.
Des ours en costume d'époque, c'est très chouette.
De quoi est-il question?
D'un pari entre amis.
Nous sommes à l'époque du chemin de fer et les deux décideront d'aller voir dans la ville voisine ce qui s'y passe.
Pitchburg( ou plutôt Pittsburg pour ceux qui l'aurait reconnu) est à 30 miles -soit 48,2803 kms- .
Il y aura un challenge dans l'espace et le temps puisque nous profiterons aussi d'un décalage dans le départ. Tandis que l'un économisera un peu et travaillera pour se payer son billet de train, l'autre commencera déja à
marcher car il préférera la marche à pied.
Nous nous étonnerons du choix et peut être nous attendrons nous à une astuce.
Il n'y aura rien à gagner donc nous pouvons aussi en douter, contrairement au concours de la fable
De La Fontaine " Lièvre et la Tortue".
C'est très amusant, nous avons deux alternatives qui fera réfléchir.
Et nous aurons du mal à choisir qu'elle est la solution la plus pertinente.
Henri aura du temps devant lui, en marchant jusqu'à Pitchburg. Cela semblera absurde et pourtant Henri prendra le temps de profiter du voyage et de ses charmes, sans en souffrir. La qualité de l'ours fera peut être la différence.
Mais il avancera très lentement sur cette grande distance.
Son ami attendant son heure, sans perdre son temps, se tuera un peu à la tache pour toucher parfois une misère. Il faudra cumuler les services rémunérés pour obtenir son ticket.
Mais combien coûte t-il?
Gagner et mériter son voyage semblera également une saine chose. Mais à quel prix?
Les jeunes lecteurs devront raisonner un peu et faire preuve de jugeotte pour soupeser les choix, sans pour autant arriver à choisir.
Et ça, c'est aussi irritant qu'amusant.
L'un offrira une réalité très urbaine, pour vivre dans une ville et obtenir des choses, il faut le gagner, travailler, parfois durement. de l'autre côté, Henri partira à l'aventure et devra se débrouiller avec ce que peut permettre et offrir la nature pour passer l'épreuve. Il faudra bien la connaitre et se montrer finalement aussi obstiné, patient et débrouillard.
L'album tiendra son inspiration d'un roman "Walden" d'
Henri David Thoreau.
Nous saisirons la leçon qui fascinera l'auteur américain B. B. Johnson.
Rappelez-vous la leçon de sagesse souvent prononcée: "...Dans un voyage ce n'est pas la destination qui compte mais toujours le chemin parcouru, et les détours surtout.."
C'est une parabole d'une vie bien menée.
En d'autres termes, il ne faudra pas hésiter à s'arrêter de temps en temps et faire le point sur notre plaisir. Notre époque nous le permet, suivant les endroits de la planète.
Notre Henri l'ours ne manquera aucune occasion de vivre pleinement chacune de ses expériences et d'observer le monde qui l'entoure. Ce qui n'était pas toujours possible à l'époque très dure de l'Ouest sauvage en construction, sans cheval, ni argent, ni possessions.
Nous décelons une seconde lecture offerte pour les grands lecteurs, certe, autour d'une nécéssité, une priorité matérielle pernicieuse, mais aussi à la hauteur des plus jeunes, les invitant à savourer l'enfance, à profiter de la vue tout en ajoutant quelques jalons pour gravir leur "petite montagne".
Un album d'une richesse simple, esthétique et spirituelle.
Nous avons bien aimé l'aventure.