Jünger est un auteur hors normes, et le Traité du Rebelle est injustement méconnu, du moins en France. Les liens de l'auteur avec le nazisme n'y sont sans doute pas étranger. On a pourtant tout à gagner à lire ce traité. Outre la qualité de sa plume, Jünger porte un regard intéressant sur le concept de rébellion.
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Le Rebelle est l’individu concret, agissant dans le cas concret. Il n’a pas besoin de théories, de lois forgées par les juristes du parti, pour savoir où se trouve le droit. Il descend jusqu’aux sources de la moralité, que n’ont pas encore divisées les canaux des institutions. Tout y devient simple, s’il survit en lui quelque pureté.
Nous avons vu que la grande surprise des forêts est la rencontre avec soi-même, le noyau inaltérable du moi, l’essence dont se nourrit le phénomène temporel et individuel. Cette rencontre, qui peut tout faire pour la guérison et le triomphe sur la crainte, tient aussi, en morale, le rang le plus haut. Car elle mène jusqu’à cette strate qui fonde toute vie sociale et contient depuis les origines toute communauté. Elle conduit vers cet homme en qui réside, en deçà de l’individuel, notre richesse première, et dont rayonnent les individuations.
Cette zone a plus à nous offrir que la communion : là se trouve l’identité : ce dont le symbole de l’éternité donne le pressentiment.
Le moi se reconnait en l’autre : il se conforme à la vieille formule : « Tu es celui-là ! » L’autre peut être la bien-aimée, ou encore le frère, le dolent, le dépourvu. Lui prêtant secours, le moi se fortifie par là même dans l’impérissable. Acte en lequel se confirme la structure morale du monde.
Ce sont des faits d’expérience. On ne saurait compter, de nos jours, ceux qui ont dépassé les centres de l’enchaînement nihiliste, les lieux mortels du maelström. Ils savent qu’ailleurs le mécanisme dévoile de plus en plus clairement ses menaces ; l’homme se trouve au centre d’une grande machine, agencée de manière à le détruire. Ils ont aussi dû constater que tout rationalisme mène au mécanisme et tout mécanisme à la torture, comme à sa conséquence logique : ce qu’on ne voyait pas encore au XIXe siècle. (pp. 125-126)
On ne revient pas en arrière pour reconquérir le mythe ; on le rencontre à nouveau, quand le temps tremble jusqu’en ses bases, sous l’empire de l’extrême danger. Il ne faut pas dire non plus : ou le cep ou le navire, mais : et le cep et le navire. Le nombre de ceux qui songent à abandonner le navire croît, et l’on trouve parmi eux aussi des têtes claires et des esprits fermes. Mais au fond, ce serait là débarquer en pleine mer. Surviennent alors la faim, le cannibalisme et les requins, bref, toutes les horreurs que l’on rapporte sur le radeau de la Méduse. Il est donc prudent, quoi qu’il arrive, de demeurer à bord et sur le pont, fût-ce au risque de sauter avec les autres.
Quand toutes les institutions deviennent équivoques, voire suspectes, et que dans les églises même on entend prier publiquement, non pour les persécutés, mais pour les persécuteurs, c'est alors que la responsabilité morale passe à l'individu ou, pour mieux dire, à l'individu qui ne s'est pas encore laissé abattre.
Le rebelle est l'individu concret, agissant dans le cas concret. Il n'a pas besoin de théories, de lois forgées par les juristes du parti, pour savoir où se trouve le droit. Il descend jusqu'aux sources de la moralité, que n'ont pas encore divisées les canaux des institutions. Tout y devient simple, s'il survit en lui quelque pureté.
La forêt est secrète. Le mot est l’un de ceux, dans notre langage, qui recèlent ses contradictions. Le secret, c’est l’intime, le foyer bien clos, la citadelle de sécurité. Mais c’est aussi le clandestin, et ce sens le rapproche de l’insolite, de l’équivoque. Quand nous rencontrons de telles racines, nous pouvons être sûrs qu’elles trahissent la grande antithèse et l’identité, plus grande encore, de la vie et de la mort, que les mystères s’attachent à déchiffrer.
Les catastrophes éprouvent à quelle profondeur hommes et peuples demeurent enracinés dans leurs origines. Qu’une racine, du moins, puise directement au sol nourricier – la santé et les chances de survie en dépendent, alors même que la civilisation et ses assurances ont disparu.
Dans son nouveau roman "Le barman du Ritz", l'homme de radio, Philippe Collin, nous plonge dans la période de l'Occupation française. Imaginez un rendez-vous de hauts dignitaires nazis, de personnalités à la mode, de collabo et de résistants qui se croisent autour d'un verre sous l'oeil d'un barman virtuose, Frank Meier, un agent double à ses heures perdues. Dans le bar du grand palace de la place Vendôme, qui bénéficiait d'un statut spécial lui permettant de rester ouvert, on y croisait entre autres, Jean Coctzau, Gabrielle Chanel, Sacha Guitry, Barbara Hutton, Ernst Jünger ou Hermann Göring. Pendant ces années sombres, l'élite parisienne se retrouve donc à trinquer avec les SS. Et pour servir ce petit monde, Frank Meier, un fils de prolétaire juif, né en 1884 et issu du Tyrol autrichien. Expatrié aux Etats-Unis, il va rejoindre un hôtel de luxe de New-York et gravir les échelons jusqu'à devenir l'un des papes des barmen, avant de finalement rentrer en France. Naturalisé Français grâce à sa participation à la Première Guerre mondiale, il atterrit ensuite au Ritz en 1921. Derrière son bar, métaphore d'une ligne de front, il voit alors l'arrivée des Allemands dès 1940. Dans ce palace, véritable modèle réduit de la France occupée, il assiste en tant que spectateur, puis acteur de cette partie sombre de l'Histoire. Une question se pose alors : comment réagir ?
Retrouvez l'intégralité de l'interview ci-dessous : https://www.france.tv/france-5/la-grande-librairie/
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