Là-bas, dans la commune de Plouguerneau, sur une île faisant face aux éléments, s'érige un monument qui fait la fierté de ses habitants. de l'autre côté de l'océan, la Statue de la Liberté n'a qu'à bien se tenir.
Le phare de l'Île Vierge fait partie de ma culture, c'est certainement le monument historique que j'ai le plus souvent visité dans ma vie, mes racines sont profondément ancrées dans cette commune. Tous les étés, en famille, nous faisions notre pèlerinage et montions les 365 marches du plus haut phare du monde en pierre de taille. On donnait 1 franc par personne et on montait sur le banc humide d'un vieux canot en bois qui sentait le crabe, les algues et l'essence, une odeur lourde et écoeurante si familière pour les gens du coin, la traversée n'était pas très longue, on partait alors de Kastell Ac'h. Aujourd'hui on part de
Perros dans l'Aber, dans un bateau de promenade de groupe avec les sièges alignés, qui sent moins mauvais mais, c'est moins rustique, la traversée est plus longue, le tarif n'est plus le même, l'organisation est plus touristique, mais l'île est toujours aussi belle. Arrivés sur l'île, on en faisait le tour avant de monter les marches de cette grande spirale, dans ce fût d'opaline bleue, le plus vite possible, on arrivait essoufflés en haut et on admirait la vue, puis on essayait de situer notre maison, celles des grands-parents, des oncles et des tantes, des cousins… Je me souviens avoir vu la proue de l'Amoco Cadiz à 14 km de là.
Goulc'han Kervella dans un texte simple et concis, nous raconte tout ce qu'il faut savoir sur ce site, la vie du lieu avant et après l'installation des phares : les moines, les gardiens de phares, les goémoniers. Il raconte un pays auquel il est attaché, ça se sent. Les mots bretons viennent nous rappeler que nous sommes au bout du monde. Il est très investi dans la mise en avant du patrimoine, archéologique, historique, culturel du coin, la rencontre avec Emmanuel le Page lui offre une nouvelle occasion de vanter les mérites de notre pays.
Emmanuel le Page accompagne le texte d'aquarelles remarquables, vivantes et lumineuses, le phare se perd dans les brumes matinales ou dans les fumées du goémon que l'on brûle pour en extraire de la soude. Il peint la mer, les rochers, les phares, les bateaux, les gens, les goélands, avec beaucoup de talent. Emmanuel Lepage est désormais peintre officiel de la Marine, ce n'est peut-être qu'un titre un peu pompeux pour beaucoup d'entre vous, mais pour les brestois, ça fait son petit effet.
Petit aparté : ce phare ne fait pas partie de la catégorie “Enfer”, il est construit sur une île et pas juste sur un cailloux comme
Ar Men ou La Jument. le phare de l'Île Vierge est un “Purgatoire”, les gardiens vivent relativement isolés, mais ils ne sont pas coincés dans la tour. Les phares installés sur le continent sont des “Paradis”.
Bref, ce beau livre vous invite à vous rendre sur l'Île Vierge, si vous passez dans le coin, allez y faire un tour, c'est quand même mieux quand il fait beau, mais ça, on ne peut vous le garantir. Et en revenant, pourquoi ne pas vous offrir cet album en souvenir, un livre didactique, intelligent, plein d'embruns salés et de beauté sauvage et qui rend un bel hommage à ce lieu.
Je mets 5 étoiles et je ne vous en voudrais pas si vous me soupçonnez de chauvinisme, mais c'est quand même un superbe livre.