La captation de la physionomie humaine semble consubstantielle à l’art occidental. Peu de sujets, sans doute, suscitent un intérêt aussi spontané qu’un visage et peu sont capables comme lui de provoquer l’empathie, l’identification ou le rejet du spectateur. Après une longue mise en sommeil durant la période médiévale, c’est avec une sorte de frénésie que la peinture européenne renoue avec l’art du portrait au cours de la Renaissance. L’émulation avec l’art romain (et son goût marqué pour les effigies « exactes ») et un sentiment aiguisé de soi-même concoururent à encourager une production croissante de portraits et d’autoportraits. Le genre allait connaître une diffusion exponentielle en Europe à partir du XVIIe siècle avec une accélération spectaculaire dans les Pays-Bas.
"Figures et portraits", Alexis Merle du Bourg
Ces qualités se retrouvent certainement dans une magnifique école de nature morte qui prend son essor à Utrecht, Haarlem, Leyde ou Amsterdam et appréhende le monde à travers l’objet, avec une intensité qui sera rarement égalée. Subtilement rythmée, savamment composée, la Nature morte au jambon de l’Haarlémois Willem Claesz. Heda appartient au genre fourni des collations (Ontbijtje). Elle illustre une orientation assez tardive de la nature morte hollandaise vers l’ostentation et témoigne d’un goût pour les objets coûteux qui rompent avec la frugalité des collations du début du siècle. Cette démonstration de prospérité ne va toutefois pas sans mauvaise conscience. La vanité n’est jamais bien loin de l’étalage satisfait de richesses.
"Le Siècle d'or hollandais", Alexis Merle du Bourg