Je quitte, à regret, l'écriture de
Robert Lalonde et peut-être aussi un peu
Robert Lalonde lui-même parce que Vallier, c'est tout de même bien, sûrement, peut-être, un peu lui.
Un garnement qui entend et ausculte les paroles, les dictons, observe les animaux, les oiseaux, la végétation, écoute la nature, les hommes, pourchasse le fil des histoires et des mots ! Un garnement parce que sa tête remplie d'étoiles l'entraîne toujours sur le fil entre raison et bêtise, entre sagesse et imprudence
.
S'il rêve de voler, certain de réussir, il s'élance de tous les promontoires rencontrés et tant pis, si les ailes lui manquent, il est tellement persuadé d'être un volatile qu'il a déjà traversé le ciel tout entier et a déjà survolé maintes fois le toit de la maison...
S'il découvre les secrets du cordonnier, c'est d'abord pour l'écouter raconter son histoire, faire revivre ses frères de sang et de misère, sentir la chaleur de l'été lui caressait le visage alors qu'il neige dehors, c'est pour mieux faire chanter l'harmonica, visiter les contrées inconnues, partir, rencontrer...
S'il vous parle de la fête foraine, ce n'est pas la joie de voir les lampions, les couleurs, la musique qu'il décrit mais bien la détresse du vieux lion, la solitude de la "grosse femme" et celle tout aussi réelle de cette jeune fille horrifiée par le manque de respect des hommes devant les "différents" et qui court vers sa folie pour quitter ce monde ...
Parce que Vallier parle de l'enfance, de ce trépignement, de ces années où il faut piétiner sur place avant de prendre son envol, de courir voir ce qui se cache derrière la colline, partir, marcher, s'éloigner et rencontrer d'autres Cultures, d'autres idées.
Il est fantasque, espiègle, téméraire, farceur, mais il cache aussi un coeur d'une grande bonté, prenant soin de celui qui est seul - homme ou bête -, écoutant celui que tout le monde a oublié, celui qu'on a relégué loin parce que sa folie visionnaire met trop mal à l'aise, il est aussi celui qui, malgré lui, joue les passeurs pour d'autres mondes...
Robert Lalonde est un écrivain-poète-conteur qui vous prend dans son filet, ses mots qui le tissent, chantent, hurlent, galopent, pirouettent, et finissent par exploser dans une pluie d'étoiles pour ne vous laisser que le souvenir d'une histoire qui, sous des allures de drôlerie et de rires étouffés, cachent bien des questions sur l'existence. On repose le livre lu, si vite, ressentant la rencontre si éphémère, le coeur cependant encore un peu léger parce que la magie opérera, c'est certain, dès les premiers mots, dès les premières phrases du prochain livre de l'écrivain qu'on ouvrira : c'est cela , le pouvoir des mots !
(Mai 2021)