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EAN : 9782914773324
144 pages
Zellige (20/05/2010)
4.12/5   4 notes
Résumé :
Pendant plusieurs années, Fouad Laroui a noté dans un petit carnet des anecdotes, des choses vues, des dialogues entendus dans les rues d'Amsterdam et d'autres villes des Pays-Bas.

Au bout d'une dizaine d'années, il a pensé avoir assez de «matériel» pour tenter d'esquisser un portrait de cet animal élusif qui en intrigue plus d'un : le Marocain des polders.

Sans prétendre faire oeuvre d'ethnologue ou de sociologue, Fouad Laroui propose ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique

L'auteur d'origine marocaine sait de quoi il parle, puisque cela fera bientôt 3 décennies qu'il vit et travaille dans le pays des polders. En Hollande, où après avoir enseigné l'économie et les sciences environnementales à l'université d'Amsterdam, il y enseigne, depuis 2006, la littérature française et la culture arabe. Fouad Laroui a appris le Néerlandais en lisant des journaux avec un dictionnaire et a obtenu la nationalité néerlandaise en 1995.

Le parcours de l'auteur d'Oujda, près de la frontière algérienne, où il est né en août 1958 à Amsterdam est tout bonnement impressionnant : à 10 ans le lycée français à Casablanca ; en 1977 l'École Nationale des Ponts et Chaussées à Paris ; retour au Maroc et travail comme ingénieur civil ; retour à Paris et diplômé en économétrie ; 1990 Amsterdam, 1992-1995 spécialisation aux universités de Cambridge et York en Angleterre.

En 1996, Fouad Laroui a publié son premier livre "Les dents du topographe", qui a remporté le Prix Découverte Albert-Camus. Depuis la liste de ses publications est tellement longue que l'on peut se poser la question s'il lui arrive de se reposer ! Il a reçu en France le Prix Goncourt de la Nouvelle, en 2013 et l'année suivante le Grand Prix Jean Giono. Aux Pays-Bas, lui a été décerné l'important Prix Edgar du Perron pour l'ensemble de son oeuvre. Son premier livre écrit directement en Néerlandais avait le titre amusant
"Étranger ? Enchanté !" (en 2001).

Le nombre de Marocains aux Pays-Bas s'élève à presque 400.000, soit 2,3 % de la population globale. Parmi les personnalités, il convient de mentionner Ahmed Aboutalib, depuis 10 ans maire de Rotterdam et Ahmed Marcouch depuis 2 ans D Arnhem. La présidente de la 2ème Chambre du Parlement s'appelle Khadija Arib, qui s'est prononcée contre l'ouverture de mosquées et écoles orthodoxes.

Un autre écrivain apprécié d'origine marocaine se nomme Hafid Bouazza, qui comme Laroui est né à Oujda mais en 1970, et qui a eu un très grand succès avec son roman "Paravion" en 2003. Une histoire sur ceux qui partent et ceux qui restent dans des villages marocains à l'écart et qui reçoivent du courrier "par avion" des villageois fraîchement émigrés.

Dans un très court avant-propos d'à peine une page, l'auteur raconte que durant une dizaine d'années il a noté dans un minuscule carnet une multitude d'anecdotes en vue de mieux comprendre ce qu'il nomme le "Marocanus polderiensis". Fouad Laroui ajoute gentiment que s'il arrive à illustrer que cette espèce humaine n'est pas tout à fait pareille à un autochtone, ni pour autant complètement différent, il aura atteint son but.

C'est à quoi s'emploie l'auteur avec sa vaste culture arabe, française, anglaise, néerlandaise et son esprit précis de mathématicien et économiste.
Avoir opté pour la voie des anecdotes relève, à mon avis, d'un choix judicieux dans la mesure où l'anecdote illustre souvent mieux la réalité qu'une explication théorique et qu'en plus elle reste manifestement plus longtemps ancrée dans la mémoire, certainement si l'anecdote frappe par son aspect humoristique.

Ci-après donc suivent quelques exemples qui vont dans ce sens.

Un matin l'auteur reçoit un coup de fil d'un pote qui lui demande pourquoi les femmes marocaines ne roulent pas à bicyclette ? Surpris, il se met fébrilement à réfléchir et trouve 2 explications : d'abord c'est contraire à la dignité féminine et ensuite c'est un signe de pauvreté. Par la suite, une 3ième lui vient à la tête : la bicyclette est totalement absente dans la tradition poétique arabe. Si celle-ci connaît au moins 3 douzaines de mots pour désigner un cheval, le moyen de transport favori des Bataves n'y figure absolument pas. C'est vrai que ce n'est guère facile de trouver en Arabe classique un terme qui rimerait avec "aérodynamique" par exemple.

Dans une cour de justice, un père marocain veut aller en appel contre son propre fils. Celui-ci avait été arrêté pour tentative de vol avec effraction d'une boutique à Rotterdam. le juge, clément à cause de l'âge du jeune, l'avait condamné à une sanction alternative de 240 heures d'entretien d'un jardin public, à la fureur du père qui estimait que son rejeton devrait se retrouver derrière les barreaux et qui demanda au juge s'il pensait vraiment que son fiston deviendrait un honnête homme en arrosant des pâquerettes ?

L'auteur cite aussi quelques anecdotes entre Marocains et non Marocains en dehors des Polders. Un Oussama Bendriss est devenu Sam Bendriss sur le conseil d'un fonctionnaire des douanes des États-Unis et un autre citoyen avait droit à la remarque : "Mohammed ? Vous ne trouvez pas que vous avez déjà la peau assez foncée ?"
Notre auteur se sentait choqué lorsqu'une secrétaire de l'universite d'York lui demandait si elle ne pouvait pas l'appeler tout simplement "Fred" au lieu de Fruwad, Fawud ?
Une minorité d'immigrés dont on ne parle pratiquement jamais est la diaspora chinoise au Royaume de Guillaume-Alexandre, et bizarrement certains jeunes Chinois étaient offusqués qu'on les ignore à ce point.
Comme quoi il s'avère délicat de trouver la juste mesure !

En Flandre nous avons également une écrivaine originaire du Royaume chérifien, Rachida Lamrabet, dont les vues sont proches de celles de Fouad Laroui. En 2017, cette écrivaine et avocate a sorti un essai important "Zwijg, allochtoon" - 'Tais-toi, allochtone' - dans lequel elle se penche plus particulièrement sur le statut de la femme parmi les immigrés musulmans et dont je ferai une critique sous peu. Dans son ouvrage, Laroui lui jette d'ailleurs des fleurs.

J'ai apprécié ce livre parce que j'admire les efforts de Fouad Laroui de jeter des ponts entre les 2 communautés de façon sympathique, ce qui tranche avec les éternelles rengaines simplistes d'une droite populiste et nationaliste en Europe.
Comme le dit un ancien proverbe français : "La tolérance est mère de la paix".
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Des Bédouins dans le polder est le titre d'un recueil d'anecdotes « tragi-comiques », aussi réelles que peuvent l'être des histoires après avoir été plusieurs fois contées, sur l'émigration des Marocains aux Pays-Bas. L'auteur, qui vit depuis plusieurs décennies entre Paris et Amsterdam, les a entendues ou en a été témoin direct. La prose est presque uniformément humoristique, les textes ont d'ailleurs la forme du bon mot, d'une longueur de deux ou trois pages au plus. La seule exception, remarquable, à l'ironie, est celle des textes qui, dans le chapitre concernant la religion, ont trait à la radicalisation islamiste (cf. infra 3e cit.). Néanmoins, tous les sujets traités ont également une gravité certaine, et il ressort de l'éloignement, pour le lectorat francophone, du contexte hollandais dont on se fait l'idée d'une tolérance pluriséculaire et d'une liberté de moeurs enviable, que celui-ci n'est pas exempt des problèmes de réception de « chez nous » : le racisme, la ségrégation sociale, les irrationalités du judiciaire, les absurdités administratives, les préjugés des médias et de l'opinion ; d'autre part, les problèmes d'insertion et d'intégration des migrants marocains là-bas semblent identiques à ceux que nous connaissons en France et ailleurs en Europe. Dans son humour, l'auteur ne se prive pas, bien entendu, d'émettre ses critiques des uns et des autres, dans la meilleure tradition... hollandaise d'un certain Érasme, dont on trouverait d'autant plus d'influences en y regardant de plus près. La culture de Laroui et son rationalisme lui permettent de surcroît le détachement et le fameux sourire voltairien. Et cette bonne humeur, par bonheur, est contagieuse.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
« Où l'on voit un paradoxe de l'intégration : quand on refuse de raser les murs puisqu'on n'est plus tout à fait un étranger, on devient l'étranger radical, par le vêtement et par le comportement...
Ce qui inquiète le plus, c'est que cette forme d'islam qu'adoptent ces jeunes fait entièrement l'impasse sur tout un pan de la pensée islamique, son côté rationaliste, questionneur et innovateur. Parce que leur foi provient davantage d'un sentiment de frustration que de conviction, ils s'en tiennent à l'observance rigoureuse de ce qu'ils croient être l'islam véritable, aux dépens d'une véritable réflexion sur la foi […]. Leur foi n'est qu'une "orthopraxie" qui ne se pose aucune question et n'en tolère aucune. » (pp. 102-103)
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« À l'époque, j'ai eu la curiosité d'aller voir le genre de questions que ce "test d'insertion civile" pouvait contenir. En voici quelques-unes :
"Vos voisins ont mis la musique très fort. Que faites-vous ?"
Il n'y a que trois réponses possibles :
a – j'appelle la police,
b – j'appelle mon avocat,
c – j'appelle une ambulance.
La bonne réponse est a (j'appelle la police). Mais tous les Marocains que j'ai interrogés estiment qu'il devrait y avoir plusieurs autres possibilités :
d – je vais acheter un pain de sucre, je l'offre aux voisins et je me joins à la fête,
e – j'appelle mes cousins Rachid, Farid et Mimoun et on casse la gu... aux voisins,
f – je mets du raï dix fois plus fort. Ma chaîne hi-fi est bien plus puissante que la leur. Rira bien qui rira le dernier. » (p. 38-39)
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« Il fut un temps – disons, de la chute de Constantinople jusqu'à dimanche 26 novembre 2006 – où les choses étaient simples : être Blanc, c'était bien ; être Noir, moins bien ; et être Arabe, c'était l'abomination de la désolation. Tout cela était un peu injuste, certes, mais c'était les types les plus forts qui l'affirmaient, il fallait bien les croire. Il y a un demi-millénaire, ces costauds disposaient d'arbalètes, aujourd'hui ils alignent dix mille têtes nucléaires, mais c'est tout comme : techniquement, ils ont une longueur d'avance sur nous, pauvres métèques, et nous sommes réduits à quia. » (p. 91)
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Vidéo de Fouad Laroui
Insatiable arpenteur de la planète, assoiffé de connaissances, dévoreur impénitent de toutes formes de textes, Fouad Laroui manifeste dans chacun de ses livres son émerveillement face à la beauté de la vie. Dans ce recueil de chroniques cursives, lapidaires et lumineuses, il vante l'intelligence intarissable des êtres humains et pourfend, dans un même mouvement, leur insondable stupidité. Un régal !
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