Cette guerre n’était pourtant que le dernier, le sanglant épisode d’une lutte politique et morale qui remontait à bien des années, et qui avait laissé sa trace dans l’histoire entière des États-Unis.
Deux questions fondamentales divisaient les combattants, une question constitutionnelle et la question de l’esclavage; mais la première fut d’abord posée seule. Sur l’un des drapeaux on lisait : Sécession ; sur l’autre : Union. D’un côté, on revendiquait pour les États le droit de se retirer à leur gré de la fédération ; de l’autre, on prétendait que la souveraineté réside seulement dans le pouvoir fédéral, et que les États ne peuvent se soustraire à leurs obligations envers l’Union.
Qu’arriva-t-il cependant quand M. Lincoln fut appelé à la présidence ? En quelques mois, ce grand corps, qui semblait animé de tant de vie et de santé, entra en décomposition ; l’équilibre savamment établi par les auteurs de la constitution entre le gouvernement fédéral et les États particuliers fut violemment rompu ; deux armées se disputèrent la capitale ; les explosions de haine et de colère qui éclatèrent de l’autre côté de l’Atlantique égalèrent en violence tout ce qu’on peut attendre de deux peuples animés d’une inimitié historique et séculaire. L’Europe assista avec étonnement à ces déchaînements de la guerre
civile, et attendit que les événements se chargeassent
de résoudre ses doutes.