Cet essai tente d'établir des ponts entre la démarche scientifique et la réflexion politique. Il est assez unique en ce sens que ce souci échappe à l'écrasante majorité du débat public et à l'essentiel de la production littéraire contemporaine. Ce n'est pas
Etienne Klein que me contredira !
A la toute fin (p. 183), l'auteur livre son intention : « Ma conviction est que l'apport intellectuel et culturel des sciences modernes n'est pas suffisamment considéré. […] La démarche engagée par [les grands scientifiques comme
Prigogine, Monod, Chaisson et tant d'autres pourrait] trouver un débouché politique, elle pourrait inspirer un renouveau de la philosophie politique. Il est essentiel de sortir de cette étanchéité croissante des deux cultures [littéraire et scientifique] pour esquisser un récit global [capable de répondre aux nombreux défis qui se posent à notre planète]. »
De mon point de vue, cet objectif est irréprochable. Et urgentissime.
Vincent le Biez, à l'évidence déplore le fossé qui se creuse entre les apports fulgurants des sciences depuis Quatre siècles et l'indigence des connaissances dont fait preuve le débat public face aux défis qui se posent.
Le livre est une tentative fouillée, érudite et sincère de créer ces « ponts » entre ce que les sciences ont défriché et les questions d'organisation de la Cité auxquelles il faut trouver des réponses : réchauffement climatique, concentration urbaine, évolution des espèces, optimisation et transition énergétiques, etc.
Le propos est ambitieux et passionnant.
Hélas, l'auteur a créé un livre peu accessible au lecteur. Il y manque une sérieuse dose de pédagogie. le but du livre apparaît vraiment à l'avant-dernière page ! Deuxième écueil, il faut une très bonne culture scientifique pour comprendre ce livre. Ce qui n'est pas vraiment compatible avec l'objectif, me semble-t-il.
C'est d'autant plus regrettable que l'auteur essaie, de fait, de remédier à la mise en garde qu'avait faite
Carl Sagan en son temps : « Vivre dans des sociétés pétries de technologies, faire un usage quotidien d'outils technologiquement ultra sophistiqués SANS rien comprendre aux sciences et aux techniques qui ont rendu ces objets et ces outils possibles, est la voie la plus sûre pour que cela se termine en catastrophe. » [cité de mémoire, in Dernière interview avec Charlie Rose]
Lorsqu'on comprend l'urgence climatique, que l'on comprend un tant soit peu les sous-jacents thermodynamiques de production décarbonée Et que l'on observe les débats qui se déchaînent contre l'éolien, on se dit que nous y sommes.
Carl Sagan avait raison et
Vincent le Biez aussi.
A lire, donc. de toute urgence.