Il n'y a ni le rythme, ni la profondeur. On y trouve bien cet oeil attentif et critique sur la société de son temps. Mais il n'y a pas (ou seulement au travers de quelques rares extraits) la phrase entortillée sur elle-même développant son sujet au travers l'univers de ses possibles et de ses contradictions. Il n'y a pas la sensualité, ni la musique. Encore moins les odeurs.
Mais cela reste en effet un plaisir que de pouvoir se remémorer la recherche à travers une galerie de personnages résumés et cités. Des photos, des documents d'époque viennent illustrer le tout.
Le No spécial du point manque parfois d'avis divergents, se répète par contre entre les différents articles et couvre trop à mon avis la vision sociologique mais bien trop peu, la place du temps, ce personnage à part qui transcende toute la recherche.
On appréciera par contre l'ajout du document intitulé "L'esthétique de Marcel Proust" qui écrit de la main de Proust ! nous propose une critique des plus subjectives mais éclairée de l'oeuvre.
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Elle (Odette de Crécy) était apparue à Swann non pas certes sans beauté, mais d'un genre de beauté qui lui était indifférent, qui ne lui inspirait aucun désir, lui causait même une sorte de répulsion physique, de ces femmes comme tout le monde a les siennes, différentes pour chacun, et qui sont l'opposé du type que nos sens nous réclament. Pour lui plaire elle avait un profil trop accusé, la peau trop fragile, les pommettes trop saillantes, les traits trop tirés. Ses yeux étaient beaux, mais si grands qu'ils fléchissaient sous leur propre masse, fatiguaient le reste de son visage et lui donnaient l'air d'avoir mauvaise mine ou d'être de mauvaise humeur.
La Recherche est, plus que tout autre chef-d'oeuvre, un livre miroir, c'est à dire un livre qui se transforme selon l'âge et l'état d'esprit de celui qui le lit. C'est, du coup, un livre sans cesse renouvelé, dont chaque lecture procure des réponses aux questions qu'on ne se posait pas lors d'une lecture précédente. Les proustiens les plus exigeants suggèrent ainsi que ce livre doit être lu trois fois.. Une fois pour être ébloui et n'y rien comprendre. Une deuxième fois pour guérir de son premier chagrin d'amour.. Une troisième fois pour se préparer à mourir. Chacun y puisera donc quelque chose qui l'aide à mieux vivre, et même, à l'occasion, à mieux mourir, et pas seulement à passer le temps, qui, avec Proust, n'est jamais perdu mais toujours, comme chacun sait, retrouvé.
Un grand écrivain très fervent admirateur de Du côté de chez Swann qui avait paru alors, fut si choqué par une scène entre Mlle Vinteuil et son amie, qu’il supplia M. Marcel Proust de la supprimer. Cette scène étai courte, M. Proust ne l’aimait guère, Swan “tenait” sans elle. Il voulut la retrancher pour faire plaisir à son Maître. Mais alors il s’aperçut que cette scène, nullement indispensable dans le premier volume, soutenait entièrement le sixième et le septième, lesquels se fussent effondrés sans ce pilier. La scène en elle-même insignifiante, grande par les conséquences sentimentales, morbides et tragiques que sa brusque réminiscence déchaînera un jour, cette scène resta. Les volumes qu’elle étaya ne sont pas encore parus. Ils feront comprendre sa nécessité architectonique.