De Charles le Quintrec auteur breton que je ne connaissais pas , je viens de terminer "les chemins de Kergrist". Il m'a été conseillé par un libraire lors de mon passage à Tréguier (22). Publié en 1959 c'est l'histoire d'une famille de paysans bretons entre les deux guerres, racontée par Guillerme le fils. Adulte il n'a pas repris la ferme familiale et se souvient de son enfance, de la vie de labeur de ses parents, de Thérèse la petite de l'assistance recueillie par le couple. D'un village, d'un coin de lande, de terres, du quotidien d'un peuple aux traditions de "sorciers et trimardeuses" vivant si proches de la nature! De paysages typiques en personnages pittoresques l'auteur nous parle d'un temps révolu, de l'enfance authentique. C'est une belle littérature et on en retient une certaine nostalgie toute empreinte de poésie portée par une écriture qui touche le cœur. Un vrai régal qui sent bon le terroir!
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L’enfance hésite entre l’enchantement et la peur, passe du rêve debout au cauchemar lucide. D’un mot, elle permet au soleil de danser mais tremble dès que le phénomène se déclenche. L’enfance aime les oiseaux pour les nids qu’elle détruira demain ; les arbres pour les initiales qu’elle apprendra à graver sur leurs troncs ; les nuages pour les isthmes, les péninsules, les volcans qu’ils dessinent dans le ciel. Et bientôt, tout vit, tout vibre dans la joie d’un matin qui sait rendre aux êtres le juste reflet de leur pureté première.
Les hommes d’argent et leurs hommes de paille ne s’intéressaient pas à ces arpents de terre dure à travailler, dure à retourner, insensible aux caresses calleuses de ceux qui, avec des moyens de fortune, voulaient la féconder de force. Pour vivre là, séparé du monde, il fallait y être né, avoir toujours eu devant les yeux ces collines de bruyères et d’ajoncs, cette rivière encombrée de roseaux et de plantes porteuses de libellules.
Je me souviens encore de ses morceaux de bravoure et de ses exhortations au civisme. Avec vingt ans de recul, il me semble que ses discours patriotards et sa ferveur cocardière auraient dû me faire rire. Eh bien non ! En ce temps-là tout ce que disait notre maître était parole d’évangile, d’autant plus que Salonique, très digne dans sa soutane lustrée, profitait du catéchisme pour prêcher aussi sur ce ton.
Dans nos campagnes, on ne perd pas son temps à caresser les bêtes. On les aime pour le bien-être qu’elles procurent et la somme d’argent qu’on en pourra tirer, entre deux paris, certain jour de foire. On n’aime que les animaux utiles. Les autres, il faut les supprimer sans plus attendre.
C'était un pays de pierres et d'argile que les "tourisiens" n'avaient pas encore profané. Il n'existait pas de routes dans cette région et, pour pousser jusqu'à notre ferme, il fallait emprunter, à l'abri des haies et des arbres, un cahotant chemin de charrette. (p.11)
Charles le Quintrec
Bernard PIVOT reçoit
Charles LE QUINTREC qui vient de publier le deuxième volume de son
journal : "Les lumières du soir". Il explique comment il répartit son énergie entre les différentes formes d'écriture,
poésie,
roman... Puis il raconte son arrivée à Paris, les premières années de "
pauvreté radieuse" qu'il y passa, ses rencontres, et exprime l'amertume qu'il ressent à être...