Se méfier de l'emballage.
Je me suis encore fait avoir mais j'ai des circonstances atténuantes. Il y a d'abord cette couverture pleine de promesses avec la présence fantomatique de
Buster Keaton dont le spectre semble exhumer du Mécano de la Générale, qui m'a fait de l'oeil au milieu des garnitures insipides et sans imagination des autres romans mis en page comme des briques sur un toit.
Néanmoins, avec l'âge, une oeillade ne suffit plus à me tourner la tête et j'ai approfondi le sujet en toisant l'envers du décor, la quatrième de couverture, popotin du bouquin et baratin de l'éditeur. Et bien, le petit mot doux qui appâte les incrédules dans mon genre avec un personnage qui traque les lignes ferroviaires abandonnées a terminé de me séduire. Emballé, c'est pesé. Oui, l'esprit est aussi faible que la chair.
Outre Xavier, l'archéologue du rail rouillé, ce roman suit son frère Benoît, qui a réussi à compenser des troubles autistiques grâce au théâtre et qui à défaut de pouvoir exprimer des émotions normales, maîtrise de façon mécanique les usages de la société. Au fil des pages, s'immisce également le souvenir des parents avec la description de vieilles photos de famille et le personnage d'Ana, l'amie de la mère qui vit ses derniers jours en Israël.
Comme jouer aux petits trains ne remplit pas la vie de ce cheminot des mauvaises herbes, Xavier tombe amoureux, non pas d'une déléguée syndicale de la SNCF, mais de Clara, universitaire dont les recherches portent sur les écrivains qui ont cessé d'écrire. Elle pourrait peut-être s'intéresser dans un prochain roman aux écrivains qui continuent à écrire alors qu'ils n'ont plus grand-chose à dire.
Guillaume le Touze n'a pas ce problème et son style est très abouti mais ce que je reproche essentiellement à ce roman, c'est au contraire, de ne pas en dire assez. Dans une ambition poétique, l'auteur survole des personnages qui pris individuellement sont d'une richesse et d'une justesse incroyables. A vouloir capter les émotions et les sensations, l'auteur a oublié l'incarnation. La prose élégante laisse les personnages un peu hors-sol.
J'aurai ainsi aimé que le lecteur puisse accompagner davantage Xavier dans ses fouilles dans les hautes herbes, les pieds boueux et les ongles pleins de terre, que Clara puisse rencontrer plus d'auteurs qui ont décidé de laisser les pages blanches immaculées ou assister aux représentations de Benoît sur scène.
La structure de ce récit fragmenté dont j'ai compris la résonance avec l'histoire familiale et le handicap du frère, isole trop selon moi les personnages. Chacun reste dans son monde et les liens qui les unissent ne franchissent que trop rarement les barricades des chapitres.
J'ai ressenti plus de frustration que de déception car l'écriture est belle, les personnages séduisants mais j'ai l'impression de ne pas avoir dépassé le stade des présentations.
Trop vaporeux pour moi.