Voix

État de siège intérieur quand les portes se ferment, que la clef est perdue, qu'elle est arbitrairement (ou pas d'ailleurs) détenue par les autres, que la crise se déclare et que alarmes menacent de se déclencher en cas de faux pas. Grison, prison quand la [vwa] s'entend plus qu'elle ne se lit, quand désirant dessiner on assassine. Indicible souffrance ! Les mots servent-ils encore ? À qui, à quoi ? Revienne la paix, bienheureuse levée d'écrou ! À la fin comme une sorte de haïku: "Je ramène les pans de mon manteau. Je m'allonge dans la neige. J'écoute siffler le vent. Je regarde le ciel bas. Une profonde paix descend en moi."

État de siège intérieur quand les portes se ferment, que la clef est perdue, qu'elle est arbitrairement (ou pas d'ailleurs) détenue par les autres, que la crise se déclare et que alarmes menacent de se déclencher en cas de faux pas. Grison, prison quand la [vwa] s'entend plus qu'elle ne se lit, quand désirant dessiner on assassine. Indicible souffrance ! Les mots servent-ils encore ? À qui, à quoi ? Revienne la paix, bienheureuse levée d'écrou ! À la fin comme sorte de haïku la paix.

Des livres de Linda Lê que j'ai lus à la fois le plus court, le plus expérimental, probablement le plus personnel même si, finalement, ils le sont tous et qu'on ne sait jamais trop ce qui se rapproche de la vie d'un auteur ou pas. du point de vue du lecteur, cela se mesure à l'impression d'assister à quelque chose à quoi, en temps normal, on ne devrait pas avoir accès. Forcément subjectif. Voix. Une crise. Titre subjectif.

Linda Lê a reconstitué dans ce court roman l'univers mental d'une crise de délire paranoïaque.

Le parallèle est clairement établie avec les climats de terreur instaurés pas les dictatures nazies et communistes : sont en effet évoqués deux suicides "politiques", celui d'un écrivain allemand en septembre 1940, Walter Benjamin, après l'entrée des troupes nazies dans Paris et celui d'une poétesse russe résidente un temps à Meudon et qui se suicida lors de son retour en URSS (Marina Tsvetaïeva en Août 1941).

L'auteure souligne ainsi de façon efficace les relations de la dictature avec la folie : ce qu'imagine le paranoïaque devient réalité à l'occasion de la mise en place de régimes persécuteurs.

Dans les deux cas, seule la mort compatissante peut dispenser le retour à la sérénité.

Ce petit texte est bien écrit, poétique (hard) et évocateur, mais sans véritable originalité. J'ai cependant bien aimé le rapprochement entre un esprit malade qui se pense persécuté et une société malade qui pratique la persécution.

Les deux rouages, individuel et collectif, sont complémentaires et obéissent à des lois mécaniques effroyables qui préexistent au déchaînement des pathologies : il suffit que survienne un évènement qui grippe l'engrenage, et c'est l'autoroute de l'enfer (ou l'Apocalypse, comme le dit Linda Lê).

J'ai fait une première infidélité à l'Oiseau, avec le court roman de Linda Lê, intitulé Voix (1998). C'est le second roman que je lis d'elle, après In memoriam (2007)*.

Voix évoque les voix que la narratrice est la seule à entendre, celles d'une organisation qui veut sa peau et qui joue avec ses nerfs.

Ce roman est très court, j'ai eu un peu de mal à entrer dedans, dans cet univers confus, sans ordre. L'écriture est rapide et se précise au fil du roman (notamment avec l'apparition de ponctuation).

L'auteur se serait inspirée de sa propre expérience pour décrire la folie de la narratrice ! ...


* : j'ai d'ailleurs eu l'occasion de l'écouter lors d'une lecture, à l'automne :)