Un autre récit m'interpelle, celui de La Petite Marchande d'allumettes. J'ai vécu la violence de cet abandon. Quand la vie frappe trop fort. Quand la chance vous quitte. Quand ceux qu'on a aimés ne vous reconnaissent plus. Comme elle, je me suis retrouvée sur un trottoir de neige. Je n'ai pas eu sa malchance. Je ne suis pas morte de froid, mais éter- nellement je garderai en mémoire la morsure du gel, ce sentiment d'abandon. Mais je garderai aussi l'espoir fou de ne jamais voir s'éteindre l'étincelle de la dernière allumette. Est-ce pour cette raison que j'ai été attentive aux choses de l'amour, à entretenir ce feu de chaque jour qui ne souttre pas la médiocrité, les fautes d'attention ? Aujourd'hui, il s'agit de reprendre ma vie, ramasser trois morceaux de bois et m'obliger à faire un feu pour moi seule. M'obliger à ne pas mourir de froid.
A lutter.
Elle savait que cette désaffection naissante pour les arbres, les êtres, la parole échangée, cette insidieuse anesthésie de tout son être, était le signe d'un certain détachement. L'éloignement de la vie chaude, exaltée, émerveillée, celle où l'on rit de bonheur sous un cerisier en fleurs. Où l'on títube de joie, simplement en regardant le ciel.
Elle sentait qu'elle abordait un long exil en elle même, déportée vers un pays glacé, une sorte de Sibérie de l'âme.
Tout son être commençait à geler.
Donner sa langue à couper
Perdre ses mots
J'ai été transformée en écume de mer avec La Petite Sirène pour avoir très imprudemment donné ma langue à couper en gage d'amour. Ma langue, je le comprends seulement maintenant, c'est ma voix. Et ma voix, c'est mon écriture. Il s'agit d'un gage d'amour. J'abandonne ma voix pour tenir une promesse. Donner la priorité à l'amour. Aux enfants. Aux urgences de la vie qui laminent toujours l'écriture. Oui, chaque fois que j'ai aimé, jai abandonné ma voix. Tant d'autres choses vous occupent et vous exaltent dans l'amour, qu'écrire apparait comme un acte contre nature.
Une activité taciturne.