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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
De Simon Libérati, je n'ai lu que « California Girls », et quel bouquin !!! J'avais littéralement « a-do-ré » et il est resté dans mon top ten d'ailleurs ! Certes, c'était plutôt pour le sujet que je m'étais penché sur ce récit (en non pour l'auteur que je découvrais alors…), mais cette fois-ci c'est bien pour l'écrivain que j'ai choisi de chroniquer ce livre…

D'ailleurs au passage, je remercie les Editions Stock et la plateforme Netgalley pour leur confiance et pour m'avoir permis de découvrir « les démons » en avant-première !

Alors, ce livre, il est assez difficile d'en parler, car il se passe de mots et de commentaires. C'est un roman d'atmosphère, d'ambiance, de connivence entre les personnages. Qui se lit comme on respire, d'une traite.

Les personnages sont multiples et ont eux-mêmes aussi de multiples facettes. Les trois héros principaux plus un « satellitaire » sont : Serge, Taïné et Alexis, la fratrie des Tcherepakine, des russes blancs échoués à Paris. Riches, ils n'ont pas besoin de travailler. Ils trainent donc leur jeunesse et leur ennui, de bar en fêtes, de soirées en journées qui s'étirent mollement. Car ils s'ennuient… au point de tomber directement dans les pires turpitudes, les pires déliquescences. de provocations en défis toujours plus « dangereux » et sulfureux, ils entretiennent leur décadence et soignent leurs dérives.

Taïné est belle et influençable. Serge son frère a beaucoup d'emprise sur elle. Il en profite pour instaurer entre eux une relation sulfureuse, à la toute limite de l'inceste. Taïné est mariée jeune à un homme qui ne la touche que pour la sodomie. Taïné n'a pas de « repères » moraux, si ce n'est ceux de son frère…

Lorsque celui-ci décède lors d'un accident et que Taïné, rescapée, reste défigurée, sa vie va basculer dans la décadence et la débauche et l'amoralité totale dans laquelle elle se jette à corps perdu.

Il y a aussi, le jeune frère, Alexis : provocant, plus décadent encore s'il en est, homosexuel, complètement fou et incontrôlable. Celui-ci vit en marge de ses deux ainés, mais les copie en tous points tout en cherchant à aller plus loin encore.

Le fameux personnage « satellitaire » de l'histoire, Donatien, va jouer à la fois un rôle de mauvais génie et de « sauveteur ». C'est lui, qui en secret, paiera les onéreuses opérations de chirurgie réparatrice de Taïné aux États-Unis. En fait, il espère se marier avec elle. Amour ? Vénalité ? On est en droit de se poser la question, car celui-ci entretien par ailleurs des relations homosexuelles, donc la frontière est plus que floue.

Floue, tout l'est dans ce roman, rythmé par les aventures troubles des personnages. Tous portent des masques (qui représentent des démons ou qui les cachent ?) qu'on n'arrive pas toujours à cerner. Ces personnages cherchent d'ailleurs à s'en affranchir avec plus au moins de succès. Certains y parviendront, d'autres non. C'est une quête de soi aussi à travers des chemins chaotiques et prohibés. Aller jusqu'au bout de soi-même, de ses possibilités dans l'abject, la dépravation et les excès. Toucher le fond pour mieux renaitre… peut-être.

Tout ce beau monde, va côtoyer quelques écrivains à la mode à l'époque, Truman capote, l'américain, Elsa Triolet, Aragon et tant d'autres. Cela situe l'époque. Celle le la fin des Sixties, 1967 exactement. Ils se posent ainsi en précurseur de la future révolution et libération sexuelle qui aura lieu en 68.

Ce roman est une belle réussite. Il se lit bien et vite. J'ai ressentie néanmoins quelques longueurs où j'ai eu une impression de redite. Mais l'écriture est claire, sans fioriture. Parfois concise et très directe. On y note quelques envolées poétiques au travers des brouillards d'alcool et d'opium dans lesquels baignent les personnages. La plume est languissante et indolente quand il le faut, mais pas trop. Il arrive à nous faire ressentir les atmosphères poisseuses (en Thaïlande par exemple), les sentiments ambivalents des personnages. On est plongé au coeur même des intrigues et des manipulations des protagonistes.

Je n'ai ressentie par contre aucune empathie, pour aucun des personnages. Je les ai trouvé tous plus « répugnants » les uns que les autres avec leurs sales petits secrets. Seule Odette, la grand-mère a suscité chez moi un peu de sympathie. Mais, il n'est nul besoin d'aimer les personnages pour en apprécier leur histoire. L'histoire d'une époque qui se termine, qui s'échoue, qui se perd et qui se noie. L'histoire d'une obsolescence prévisible et programmée.
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Dans son nouveau roman Simon Liberati « ressuscite » les vedettes des sixties ayant traversé cet âge d'or fulgurant en y insérant quatre personnages fictifs, les damnés qui rêvent d'écrire, d'inspirer ou d'être aspirer entre les pages d'un livre. Prières exaucées.
LE livre s'ouvre en 1966, la première page comme un plan cinématographique zoome sur le grand escalier du Pavillon des Rochers, près de Fontainebleau on découvre les lieux et Taïné jeune héritière russe « aux yeux gris, aux pommettes de Kirghise .» Elle vit dans le château familial décrépi, entourée de son frère Serge un peu despote, ils forment un terrible duo incestueux. Il y a aussi Alexis seize ans, le plus jeune des frères, homosexuel au look émoussé d'un roman de Fitzgerald. Mariée dès l'àge de dix-sept ans Taïné désoeuvrée, se languit dans cette mollesse immobile et snob auprès d'une mère fantomatique, d'un père absent, et de Odette la grand-mère.
Une prémonition funeste évanescente entre les phrases, entre les mots s'abat le soir du légendaire concert de James Brown à l'Olympia et scelle une tragédie: Serge décède dans un accident de voiture, Taïné miraculée est défigurée. Elle se refait un visage à New-York et côtoie la Factory d'Andy Warhol. Alexis, désormais seul à Paris accompagne Donatien dans sa quête chez les auteurs de Paul Morand à Aragon. Donatien « aux mains d'assassins » est tourmenté par les hurlements de son ambition et de ses grandes espérances envers Tainé qui l'ignore. de retour à Paris, shootée à la morphine, Taïné amorphe, dépossédée de son âme, une nouvelle identité l'habille. Elle correspond avec Truman Capote avec une intuition démente que son jeune frère Alexis pourrait inspirer un des personnages du livre qu'il écrit. de Paris à Cannes ou Bangkok cette litanie de devenir écrivain ou d'inspirer les auteurs de cette époque ne les quittera jamais. Dans ce maelström, Ils croisent dans la frénésie de l'ivresse, la mélancolie des fêtes luxueuses d'un monde éphémère et fragile, qui est entrain de basculer vers la guerre du Viêtnam. le prélude d'une nouvelle époque. Taïné part à Bangkok entre opium et orgies elle se découvre dans ce paradis artificiel.
Simon Liberati signe le premier opus envoûtant sulfureux et hypnotique d'une trilogie. La décadence de ces années est étincelantes entre les 333 pages magnétiques et drôles. Il estampille ses phrases d'oxymores, de comparaisons hallucinantes et hallucinées. Un peu comme s'il levait le voile sur le processus créatif, une mise en abyme des démons. Une écriture éblouissante et somptueuses.
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Splendeurs et misères des courtisans

Avec Les démons, le romancier Simon Liberati, découvert au début des années 2000 par Frédéric Beigbeder, explore de nouveau la décennie des années 1960, qui lui a inspiré plusieurs livres. L'actrice Jayne Mansfield était le thème principal de son quatrième roman, qui lui valu le Prix Femina mais qui ne fut pas un succès de librairies pour autant. Quelques années plus tard, le massacre perpétré par la secte de Charles Manson est au coeur de California girls, tout comme il servira d'intrigue de fond à Quentin Tarantino pour son Once upon a time in Hollywood. Il a aussi écrit des textes plus ou moins autobiographiques, en tout cas dont les personnages lui sont familiers, dont par exemple un ouvrage inspiré par sa compagne Eva Ionesco. Ici il met en scène juste avant mai 1968 une famille fictionnelle de russes blancs désoeuvrés, dont le père est membre de la commission de censure du Centre national de la cinématographie, et qui naviguent comme des poissons dans l'eau en pleine jet set.

En 1966, la banlieue parisienne accueillait dans le pavillon des Rochers la famille Tcherepakine, propriétaire du château depuis le XIXe siècle. Dans l'orangerie, Nathalie, surnommée Taïné, fume une cigarette en compagnie de son frère aîné Serge, tandis qu'en fond sonore on entend La Walkyrie de Richard Wagner. Elle a froid, il l'enlace à la manière d'un amant et lui raconte son dernier voyage en Suisse, où il fit la fâcheuse découverte que leurs comptes sont pratiquement vides. Puis ils font l'amour, un acte qu'ils accomplissent ensemble presque par habitude depuis quelques années. La quittant, Serge pense à sa carrière, lui qui, sortant de Polytechnique, s'est vu proposer par une société américaine un poste à l'étranger. Mais il attend de savoir si le Général de Gaulle va décider que la France doit sortir de l'Otan, comme la rumeur le pressent. Il pense aussi qu'il doit trouver une épouse et arrêter ces jeux sexuels avec sa soeur, qui, à 19 ans, s'apprête à divorcer d'avec son homosexuel de mari.

Les personnages des Démons pourraient tout aussi bien figurer chez Honoré de Balzac ou bien chez Bret Easton Ellis. Donatien possède en lui des échos de Lucien de Rubempré, qui est d'ailleurs explicitement cité au détour d'une phrase, tandis que l'environnement de ces jet-setteurs n'est pas sans rappeler les figures croisées dans Glamorama. À ce détail près , et qui a son importance, que l'intrigue du roman ne se déroule pas au XIXe siècle comme dans Les illusions perdues, ni dans les États-Unis dont est originaire Victor Ward. Ainsi, les protagonistes des Démons naviguent dans l'univers parisien de la fin des années soixante, passant leurs soirées chez Régine et leurs journées au Flore, croisant à la fois Louis Aragon et Marie-Laure de Noailles, mais aussi la femme qui a inspiré le personnage d'Emmannuelle ainsi que Truman Capote. Ne se rendant pas compte de ce qu'ils sont en train de vivre, ils sont perdu contact avec la réalité et leur quotidien tourne à vide.

Car les figures qui peuplent Les démons passent leur temps à faire la fête, se droguer, faire l'amour et accessoirement écrire. Rien ne leur fait peur, que ce soit l'homosexualité ou l'inceste, l'opium ou bien toutes sortes d'alcools. Ils ont entre seize et vingt ans et veulent vivre vite, s'affranchir de la tutelle de leurs aînés et inventer un monde nouveau. Si eux-mêmes ne vont pas initier Mai 1968, on sent à la fin du roman qu'ils vont s'engouffrer dans la brèche, et sans doute prendre de plein fouet la décennie des années 1970 et le désenchantement du Monde. Dès le début du roman, l'aîné Serge le voit déjà venir, tandis que sa soeur va parcourir en Asie son enfer personnel, ne parvenant que très difficilement à s'extraire d'une situation malsaine. le petit frère Alexis, à fleur de peau, va avoir du mal à trouver sa voie, et à son jeune âge il va traverser diverses expériences qui vont l'aguerrir trop tôt. L'enfance n'est plus, l'âge adulte pointe le bout de son nez, et ces trois jeunes gens en sont une parfaite incarnation.

Ce qui est fascinant dans Les démons, c'est à la fois l'univers dans lequel gravitent les protagonistes du roman et l'écriture en elle-même de Simon Liberati. On a envie de voguer auprès de Donatien, Taïné et Alexis dans ce Paris où les moeurs sont libérées et où tout semble encore possible. C'est l'époque du Drugstore des Champs-Élysées et de la Factory d'Andy Wahrol, où souffle un vent de jeunesse et excentricité. La partie thaïlandaise est par contre moins convaincante, et même si on comprend où l'auteur veut en venir l'intrigue perd petit à petit de son intérêt et tourne un peu en boucle. Mais le verbe de l'auteur sait nous happer et nous envoûter par des circonvolutions langagières un peu désuètes mais non sans charme. On ressentirait presque par les mots les vapeurs de drogues et d'alcool que les personnages ne cessent d'ingurgiter, sans se soucier ni de leur santé ni du lendemain. Les démons est un grand roman moderne de la vanité et de l'insouciance, où la chute et la descente ne semblent jamais loin.
Lien : https://www.panodyssey.com/f..
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De Simon Liberati, j'ai adoré "California Girl" et "Jayne Mansfield". Je n'ai pas accroché sur "Eva" consacrée à sa compagne, même si c'est le film "my little princess" de cette dernière qui m'a amené à lire cet auteur.
Son dernier roman qui se passe dans la fin des années 60, début des années 70, m'a permis de retrouver l'ambiance étrange et délétère qui me semble-t-il parcourt son travail. Ici, nous assistons à la déconstruction d'une famille et d'une époque. J'ai beaucoup pensé à la famille Mdivani, qui comprenait une soeur et ses frères et qui firent partie de la jet society des années 30 (l'un des frères épousa Barbara Hutton, richissime héritière de l'empire Woolworth, Roussy la soeur forma un ménage à 3 avec le sculpteur José Maria Sert et sa compagne avant de mourir d'abus divers). Certains trouveront certaines scènes "gênantes" car entre inceste, drogue et scènes de sexe à plusieurs, on ressent une grande tristesse à voir des vies vidées de tout sens. J'ai aussi cru reconnaître celle qui fut l'égérie de Warhol, Eddie Sedgwick aux potentialités immenses et dont la vie fut massacrée entre père abusif, mère aveugle et drogues. Les démons est un roman passionnant, terrible et juste comme une Alice au pays des merveilles sous acide ...
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