AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782021533248
160 pages
Seuil (15/09/2023)
4.1/5   5 notes
Résumé :
Comment devenons-nous ce que nous sommes ? De quoi héritons-nous exactement ? Choisissons-nous vraiment nos relations, ou est-ce l’inverse ? Autant de questions que la sociologie n’a cessé de se poser, à rebours de la vogue du développement personnel et des manuels qui confondent compréhension de soi et magie de l’auto-persuasion.

Dans ce nouvel ouvrage, Wilfried Lignier suit les principales étapes de la genèse sociale d’une personne, c’est-à-dire la... >Voir plus
Que lire après La société est en nous. Comment le monde social engendre des individusVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Le seul reproche que j'ai à faire à ce livre, c'est qu'il ne soit pas aussi long que ceux de Bernard Lahire... (ou son propre livre "Prendre")

Je ne plaisante qu'à moitié. Comme une critique doit faire 250 caractères, je citerai ses propos en fin d'ouvrage qui m'ont beaucoup parlé :

Par ces dernières questions, je m'adresse plutôt aux chercheurs. Mais je voudrais, pour clore ce livre, parler encore un peu au lecteur que je me suis donné dès l'introduction, celui qui cherche à s'analyser, sociologiquement, lui-même.

Il me faut insister sur l'autre rapport à soi que peut faire naître l'usage introspectif de la sociologie. L'introspection est une activité presque irrépressible dès l'instant où l'on parvient à s'approprier le capital culturel, les outils intellectuels qui la permettent – dès l'instant, par exemple, où l'on est disposé à lire des livres comme celui-ci. On se trouve volontiers intéressant, et c'est compréhensible. D'un autre côté, cette tendance introspective, telle qu'elle se pratique en général, nous isole des autres, nous pousse à prêter attention à ce que notre histoire, notre conscience des choses a d'unique (voire de prestigieux), bref, elle nous singularise – elle a, en ce sens, une dimension presque aristocratique.

Ma conviction est que cela n'est pas une fatalité. En passant par soi, on peut aussi retrouver les autres, ou mieux : réaliser à quel point nous sommes liés à eux. Devenue sociologique, l'introspection n'est en effet plus une culture de soi. Elle constitue au contraire une bonne façon de penser ce que nous devons à l'investissement des autres, à l'intérêt des autres, à la persévérance des autres à notre égard – mais aussi, car on ne saurait négliger les versants plus sombres de nos relations sociogénétiques, à la domination et à la violence exercée sur ou par les autres, aux inégalités par rapport aux autres, aux conflits larvés ou déclarés avec eux. Se ressaisir sociologiquement, ce n'est donc pas seulement dénaturaliser ce que nous sommes, en déconstruisant les traits d'une personnalité dont nous pressentons qu'elle n'était en rien obligée. C'est, plus profondément, nous rendre compte de notre condition éminemment relationnelle, collective.

C'est faire exister la société autrement que comme une abstraction, au-dessus de nous, ou même autour de nous. La société n'est pas optionnelle : elle est en nous, et c'est pour cela qu'elle importe. C'est pour cela qu'elle mérite toute notre attention, non seulement scientifique, mais aussi morale et politique.


Commenter  J’apprécie          60


critiques presse (2)
NonFiction
03 octobre 2023
"La Société est en nous. Comment le monde social engendre des individus" discute des rapports entre la personnalité individuelle et les structures sociales.
Lire la critique sur le site : NonFiction
LeMonde
22 septembre 2023
Un essai remarquable.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (4) Ajouter une citation
[sur la musique]

La racialisation de l’habitus repose ainsi en partie sur cette logique sociale qui associe les habitudes objectivement variées des groupes sociaux, leur hiérarchisation du fait de la domination symbolique et matérielle réalisée par les groupes sociaux majoritaires, et finalement l’inégalité des expériences quotidiennes, sociogénétiquement décisives, qui en découle pour les membres de chacun de ces groupes. Cette logique sociale se perpétue aux âges plus avancés.

On peut prendre l’exemple des pratiques musicales, dans l’adolescence et la jeunesse – ce qui est, du reste, une occasion de saisir la racialisation dans son versant plus immédiatement symbolique. À partir du début du XXe siècle, la musique s’est historiquement organisée suivant une opposition majeure entre musiques noires (plutôt dansantes, rythmées, authentiques, « actuelles ») et musiques blanches (plutôt introspectives, mélodiques, sophistiquées, « classiques »). Aujourd’hui, dans nombre de sociétés, le lien entre appartenance ethnoraciale et tendances musicales est puissant, à tel point qu’il s’avère possible, d’après certaines études expérimentales, de deviner la couleur de peau (autodéclarée) d’un auditeur anonyme à partir des seules informations sur les morceaux qu’il écoute. La musique est donc racialement structurée ; et c’est pour cette raison qu’elle s’avère racialement structurante. Il ne suffit pas de dire, par exemple, que « Radiohead est un truc de Blancs » (ou Pink Floyd, ou Orelsan). Il faudrait plus justement dire que c’est en écoutant à longueur de journée ce genre racialement distinctif de musique (ou son équivalent structural, dans une autre société, à une autre époque) que des adolescents et des jeunes deviennent blancs, ou du moins contribuent pratiquement à se générer comme tels. Cela est vrai non seulement parce que, comme on le sait, les goûts, les choix esthétiques sont au fondement de la distinction des groupes entre eux, ici ethnoraciaux, mais aussi parce que les pratiques culturelles exprimées dans l’interaction contribuent au renforcement des liens internes, au sein de chaque groupe distingué (ici, entre Blancs). Concrètement, connaître Radiohead, avoir envie d’en discuter, d’en écouter avec d’autres, oriente tendanciellement vers des sociabilités blanches (et sans doute aussi vers les adolescents et les jeunes des classes moyennes). Mais il y a plus : ce genre de musique contribue à entretenir ou à engendrer, comme c’est toujours le cas, des dispositions plus générales, non strictement musicales. La blanchité que Pink Floyd, Radiohead, Orelsan soutiennent en nous, c’est aussi possiblement une façon de s’habiller et de se coiffer (comme les membres – blancs – du groupe, pourquoi pas ?), une façon d’aimer (avec une tendance au romantisme), ou encore de se positionner politiquement (un engagement minimal faisant partie des propriétés de base de ces styles musicaux, comme il a pu l’être du free jazz à une époque antérieure). Là encore, ce n’est pas qu’une différence de style – musical, esthétique, moral, politique – qui s’élabore, mais une hiérarchie. Que les uns aient le sentiment de toucher au subtil et au sublime en écoutant telle musique implique structuralement qu’ils renvoient les autres au simplisme, à la vulgarité.
Commenter  J’apprécie          32
L’habituation sociale a pour partie des sources anciennes et diffuses. On peine alors à l’associer à des activités situées dans le temps et dans l’espace. Il s’agit plutôt de choses que nous pensons, que nous faisons, parce qu’« on » les pense, les fait, en général, par défaut, sans s’en rendre compte, dans notre société ou dans notre groupe social particulier. On peut parler d’habituation institutionnelle. C’est, pour reprendre l’exemple du premier chapitre, cette habituation qui nous fait penser spontanément au marteau lorsqu’on nous demande de citer un outil. Pour qu’il en soit ainsi, nous n’avons pas nécessairement été en contact récurrent avec des lots d’outils, parmi lesquels se trouvaient très souvent (plus souvent) des marteaux ; ou encore, nous n’avons pas nécessairement utilisé (ou vu utiliser) un marteau chacune des fois où nous avons pu être engagé dans du bricolage (même si cela est possible et contribue alors aussi à notre habituation). C’est beaucoup plus sûrement l’exposition diffuse et constante à des institutions qui a des effets d’habituation sur nous : la multitude de marteaux rendus présents, par exemple, par le langage du quotidien, les histoires, les représentations imagées, les chansons en circulation dans le monde qui est le nôtre, etc. Sur Google, que l’on peut par extrême simplification tenir pour une image déformée de l’univers symbolique institué, l’entrée « marteau » donne environ 20 millions de résultats, soit bien plus, par exemple, que l’entrée « tenaille » (environ 1 million de résultats) – un outil auquel on pense, de fait, moins spontanément. Dans ces résultats, il y a des usages métaphoriques, figurés (« Être complètement marteau »), qui, comme dans la vie quotidienne, contribuent encore à faire exister davantage en nous cet outil-là plutôt qu’un autre. Ce qui s’institue avec une chose (ici, un outil remarquable), ce n’est du reste peut-être pas tant une matière et une forme singulière (la composition de bois et de métal qui fait le marteau) ou même une activité spécifique (taper pour enfoncer, dans le cadre précis du bricolage), qu’un schème d’action (« marteler » au sens large, ce qui se fait autant avec un clou qu’avec une idée) – schème abstrait et générique qui peut être métaphoriquement transposé à un grand nombre de contextes pratiques.

L’habituation institutionnelle passe par notre mise en relation répétée, durable, souvent peu consciente, avec des réalités principalement abstraites et symboliques, quand bien même elles peuvent se présenter sous des formes plus cristallisées (images, sons, objets, etc.). Cette mise en relation est presque toujours fortement contrainte. Il est impossible que nous circulions de façon entièrement libre dans l’univers d’institutions légué par l’histoire collective : non pas seulement parce que l’on ne connaît toujours, de toute façon, qu’une petite partie de sa propre culture, mais aussi et surtout parce que notre habituation institutionnelle est objectivement réglée, voire dûment régulée.
Commenter  J’apprécie          32
Notre intériorité, d’abord, est pour Bourdieu un habitus, c’est-à-dire un ensemble systématique de dispositions à agir d’une certaine façon plutôt que d’une autre. Ces dispositions correspondent davantage à des formes, des schèmes d’action, qu’à des types d’activités ou à des buts spécifiques. Cela leur permet d’opérer dans des contextes très variés, y compris dans des contextes inconnus.
Commenter  J’apprécie          10
Tout l’enjeu d’une langue sociologique de l’intériorité consiste à spécifier ces interactions et ces institutions qui nous font ; à comprendre leur nature, leurs origines, leurs orientations relatives, leurs formes et leur efficacité respectives. Le questionnement s’affine.
Commenter  J’apprécie          10

Videos de Wilfried Lignier (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Wilfried Lignier
Rencontre avec Wilfried Lignier autour de la société est en nous. Comment le monde social engendre des individus paru aux éditions du Seuil.


Rencontre organisée avec Sciences Po Toulouse et animée par Éric Darras


Wilfried Lignier est chargé de recherche au CNRS (CESSP, Paris). Il a notamment publié La Petite Noblesse de l'intelligence (La Découverte, 2012) . Au Seuil, il a publié L'Enfance de l'ordre (2017, avec Julie Pagis) ainsi que Prendre. Naissance d'une pratique sociale élémentaire (2019).
--
18/01/2024 - Réalisation et mise en ondes Radio Radio, RR+, Radio TER
+ Lire la suite
autres livres classés : institutionsVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (65) Voir plus



Quiz Voir plus

Philosophes au cinéma

Ce film réalisé par Derek Jarman en 1993 retrace la vie d'un philosophe autrichien né à Vienne en 1889 et mort à Cambridge en 1951. Quel est son nom?

Ludwig Wittgenstein
Stephen Zweig
Martin Heidegger

8 questions
156 lecteurs ont répondu
Thèmes : philosophie , philosophes , sociologie , culture générale , cinema , adapté au cinéma , adaptation , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *}