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EAN : 9782709642774
284 pages
J.-C. Lattès (05/03/2014)
3.41/5   11 notes
Résumé :
Argentine, 1976. À la suite d’un coup d’État, la Junte militaire commandée par Videla, Massera et Agosti prend le pouvoir. Le climat est délétère, la méfiance s’installe, les gens ont peur. Les opposants de gauche sont traqués comme des bêtes. Peu à peu, des hommes « disparaissent ».Tamara, la narratrice, est encore une enfant lorsqu’elle voit, un soir, son père se faire emmener de force par des hommes. Ils le jettent dans une voiture et démarrent. À cette même péri... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Le roman se situe pendant la période des années noires de l'Argentine où trente mille personnes «disparurent» sous la dictature. Parmi eux, Hector, le père de Tamara arrêté en 1976 alors qu'elle avait sept ans. C'est forcément douloureux, traumatisant et incontestablement tragique.
Seulement voilà, j'étais pleine d'empathie pour Tamara au début du livre mais au fil des pages, j'ai peu à peu pris mes distances avec notre héroïne.
Le livre est, en effet, construit autour d'elle (elle en est la narratrice dans la grande majorité du roman) et de sa famille.
Sa mère qui semblait déjà dépressive avant l'arrestation du père va se détacher de sa fille, noyer son chagrin avec des amants et seule, la grand-mère va entretenir une certaine complicité avec elle. Elle va également se rattacher à ses ancêtres et nous raconter l'exil d'Italie de son arrière grand-mère Josefina.
Le climat de peur et de méfiance est très bien retranscrit et l'on comprend que Tamara se réfugie peu à peu dans son monde intérieur peuplé de poésies, de dessins, de chansons, de papillons mais aussi de livres.
On apprend l'horreur que subirent la plupart des «disparus»: torture puis «vols de la mort» pendant lesquels ils étaient tout simplement précipités en plein vol dans le fleuve Rio de la Plata ou en pleine mer, après avoir été anesthésiés.
Vivian Lofiego nous fait part également de la position de l'Eglise assez ambivalente pendant cette sombre période. Une partie fermait les yeux mais certains membres du clergé se battaient comme ces deux religieuses françaises, Léonie Duquet et Alice Dumont, qui furent également victimes des «vols de la mort» car combattant auprès de l'organisation des Mères de la place de Mai.
Ce qui me gêne dans ce livre, c'est qu'il est vraiment centré sur le personnage de Tamara (prénom d'origine hébraïque qui veut dire «celle qui donne la protection» y apprend-on. En l'occurrence c'est vraiment elle qui en aurait eu besoin d'un peu plus). Elle souffre et c'est plus que légitime mais il y des répétitions qui, finalement, desservent le propos. Je pense par exemple à la scène de l'arrestation du père au petit matin, emmené violemment dans une voiture et que Tamara a observée depuis une fenêtre qui revient comme une ponctuation. Les relations (ou plutôt leur absence) entre la mère Ana et sa fille sont évoquées sans cesse...
Lorsque plus tard, son petit ami Valentin est contraint d'aller aux Malouines pour y faire la guerre, on a le sentiment que c'est encore elle la plus grande victime.
Par ailleurs, le grand nombre de comparaisons et parallèles faits entre des grands classiques de la littérature comme L'Illiade et l'Odyssée d'Homère, l'Antigone de Sophocle, ou encore Hamlet de Shakespeare et la situation de Tamara m'ont agacée.
Enfin, ça n'est pas déterminant mais tout de même troublant: on sait que Tamara avait sept ans lors de l'arrestation de son père en 1976. Or, elle nous raconte son souvenir des premiers pas sur la Lune vus à la télévision le 16 juillet 1969, l'année donc de sa naissance ce qui fut même l'occasion pour elle de boire sa première gorgée de cidre...
En conclusion, c'est un roman que l'on n'oublie pas sitôt la dernière page fermée et qui a le mérite de rendre hommage à ces disparus victimes de la répression exercée par le régime militaire en Argentine ainsi qu'à leur famille mais je n'ai pas été séduite par la forme.
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Peut-on évoquer les horreurs de l'histoire récente de son pays par le biais romanesque ? C'est le choix fait par Vivian Lofiego dans son premier roman : le Sang des papillons .

Nous sommes en Argentine en 1976. Tamara, très jeune enfant, voit son père se faire emmener de force vers un probable lieu de détention ou d'exécution, elle ne le sait pas encore .Très vite, le roman, qui a la particularité de n'inclure que très peu de dialogues directs, s'imprègne du sentiment de la peur, de l'omniprésence de la mort. Après avoir évoqué la situation d'un lieu à Buenos Aires, La ESMA, l'auteure rappelle ce que ce lieu a représenté pour les Argentins qui y furent internés : un centre de torture, d'internement .Vivian Lofiego précise les méthodes de répression : « Ces terres donnèrent une fleur atroce. Une fois que les prisonniers avaient été interrogés, humiliés, torturés, on les assassinait. (…) En réalité, ils montaient dans les vols de la mort. Endormis, nus on les jetait, on les précipitait en plein vol dans le fleuve. On appela ce crime une forme chrétienne de mort. »
Ce récit s'attache également à la description de la famille de Tamara .Ainsi apprend-on que sa mère, Ana, sombre dans la dépression au moment de l'arrestation de son époux, elle vacille .Est-ce à cause de cet événement immédiat ou en raison de sa condition e femme argentine ? L'auteure, sans nous donner de réponse définitive, suggère que ce pourrait être le cas : « Ana sait que les mercenaires sont toujours plus cruels avec les femmes qu'avec les hommes .Pourquoi ? Il en été toujours ainsi, cette pensée la terrorise et l'attriste, elle se sent petite, elle croit mieux comprendre la femme d'Ulysse et percer secrètement son astuce, cette façon originale de survivre, confrontée à la décimation des amants dans son palais et à la disparition du mari. »
Il y a dans ce récit des évocations et comparaisons des situations des personnages ,Tamara, la fille, Ana , la mère, Angelica , la grand-mère, avec certains épisodes de l'Odyssée d'Homère, des personnages de l'Antigone de Sophocle , ce qui fait accéder ce roman à l'universel . On ne manquera pas de remarquer également le jugement de l'auteure sur l'attitude de l'Eglise face au régime : partagée entre le consentement et la révolte : « Une partie de l'Eglise catholique était par ailleurs consentante, une autre, celle des curés tiers-mondistes, combattait aux côtés des guérilleros, des bidonvilles, des opprimés, au prix de leur vie, comme l'avait fait le père Mugica. »

L'auteure évoque également l'assassinat de religieuses françaises par la junte militaire, jetées à la mer, lors d'un « vol de mort. » C'est un récit empreint d'une grande dureté, qui parvient à restituer toute la barbarie de cette période, tout en mettant en perspective le sort de cette famille, en évoquant ses origines, italiennes et juives. Vivian Lofiego réussit le pari d'évoquer la destinée d'une famille, tout en la reliant à l'histoire de ce pays : l'Argentine.
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papillons.
Vivian Lofiego
Traduit de l'espagnol (Argentine) par Claude Bleton
Roman
Edition JC Lattès
La première de couverture est merveilleuse, un oiseau volant au-dessus du glacier Périto Moréno dans la vaste Patagonie Argentine. Elle est tout simplement splendide et incite à ouvrir ce fabuleux livre.
Vivian Lofiego écrit son histoire de vie. Bouleversante, triste, la sienne, celle de sa famille et du peuple argentin. Ce dernier, opprimé de par la dictature en 1976 sera la trame de ce récit de vie.
Trois femmes, trois générations, d'une même famille, la grand-mère Angélina, la mère Ana et Tamara la narratrice de ce roman seront les piliers de cette troublante et sinistre époque où l'encre qui coule noire vient de la source de Videla, Massera et Agosti.
Comment se construire une identité pour Tamara ? Comment survivre après la disparition de son père emporté par un vol de la Mort ? Comment couvrir les cris des torturés pendant la coupe du monde du foot en Argentine ? Les spectateurs savaient, le monde entier aussi. le lecteur se sent mal et affronte de plein fouet cette dictature de malheur.
Le sang des papillons inonde cette terre bafouée par ses pairs, les militaires. Magistralement bien écrit, ce récit de Vivian Lofiego raconte, délivre par les mots les maux de son peuple tant aimé. Ce n'est pas un exutoire, la volonté de Vivian Lofiego est de démontrer comment les militaires ont pu briser sa vie et celle de sa famille et des argentins, ou chacun devenait suspicieux pour l'autre.
Page 29 : « la ville ne sait rien, dans son ventre obscur les cris se replient, s'éteignent, s'étouffent, se taisent. »
Page 70 : « Dans un parc de Belgrano, on lui rognait les ailes de son enfance. Elle avait vu couler du sang, le sang des papillons. »
Cette parabole superbe et triste chantée par les mères de la Place de Mai à Buenos Aires est sombre et lugubre. Cette violence faite aux mères, épouses, soeurs de disparus restera gravée à jamais dans le coeur de ces femmes détruites à jamais.
L'écriture est pourtant douce, jamais agressive. Tamara veut comprendre. Mais peut- on analyser la folie des hommes ?
Ce récit, est néanmoins calme .la trame semble un envol des papillons. La construction mentale de Tamara se réalisera après toutes ces épreuves. Mais jamais elle n'oubliera. Ce n'est pas dans l'ordre du possible. Vivian Lofiego ose les confidences de ce peuple cher à son coeur. Son récit est majeur, indispensable pour elle et pour nous. Ecrit avec son coeur il réussit à défaire les noeuds de cette période de folie qui laissera des traces à jamais pour les opprimés.
Les Editions JC Lattès viennent de publier une oeuvre majeure, un récit de vie qui restera à jamais la page mémorielle de l'histoire de l'Argentine, de Tamara et de son double Vivian Lofiego



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Le Sang des papillons est un roman porté par une plume éminemment délicate, ce qui offre un saisissant contraste avec le sujet, sombre au possible. Ici, il est questions de ces milliers de "disparus", enlevés par le régime, puis sommairement jetés dans le Rio de la Plata par les "vols de la mort".
A l'âge de 7 ans, Tamara assiste, en pleine nuit, à l'enlèvement de son père par la police. Elle ne le reverra jamais.
Commence alors une vie gouvernée par la peur et le silence. Interdiction de parler du père, de dire ce qu'elle a vu, de parler de ce qui s'est passé. Ce silence dévore peu à peu les habitants de la maison, et tous ceux qui ont, un jour, perdu un de leurs proches car il n'avait pas des idées appréciées par le régime en place.
Vivian Lofiego s'attache à questionner ce silence, en revenant sur la vie, les aspirations, les brutales prises de conscience de Tamara, d'un style élégant et dont l'apparente délicatesse (voire la fragilité, qui n'est pas sans rappeler celle de Tamara) ne fait que renforcer l'impression d'horreur qui se dégage des événements rapportés. Pour autant, le Sang des papillons n'est pas un réquisitoire ; c'est le portrait d'une enfance brisée, et c'est ce qui fait toute la force de ce texte.
Lien : http://encres-et-calames.ove..
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Mais la maison s'assombrirait entièrement quand on enlèverait papa. Depuis ce jour, la scène de son arrestation se répétait sans arrêt dans ma tête, comme un film muet chaque scène se déroulait au millimètre près, si fort était le traumatisme, et c'est ainsi que je retournai au degré zéro de la peur.
La maison ensorcelée qui amusait tant mes cousins devint la maison maudite pour nous. Il est vrai qu'elle avait conservé un charme, celui d'être en suspension dans le temps, une a-temporalité qu'il nous fallait vivre sans nous poser trop de questions. Il n'y eut pire fantôme à compter de ce jour que cette douleur incessante, la scène qui se répétait à tout moment et m'agressait de façon obsessionnelle. Mon père me regardant pendant un millième de seconde pendant que je me cachais derrière un rideau en retenant ma respiration, le cri, le poids qui retombait sur nous.
Cette douce mélodie du vent au petit matin, du léger froissement des feuilles dans les arbres. Les chaudes larmes sur les pieds nus, les ongles fichés dans le bras pour s'assurer que ce n'était pas un rêve, ça se passait vraiment, cela avait été réel, car la chair montrait des marques de sang et mon cœur était vide, ma vie était une maison vide que rien ni personne ne pouvait remplir.
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J'avais le corps en feu, je ne cessais de pleurer en leur demandant pourquoi ils avaient tué mon [agneau].
Un adulte voulut m'expliquer, croyant ainsi me calmer, que les plus forts - eux - mangeaient les plus faibles - nous -, car telle était la loi de la survie. Les hommes chassaient les animaux pour se nourrir, les mettaient en captivité et au bout d'un certain temps les mangeaient sans scrupules.
Ceux qui avaient emmené papa, ceux qui avaient tué Mme Paletti, étaient les plus forts, le monde était plein de chasseurs qui vivaient à l'affût de ceux qui ne pensaient pas comme eux.
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Les disparus se multipliaient, les massacres, les enlèvements, les vols se multipliaient jusqu'au paroxysme, la douleur des pertes que subissait la société était si vive qu'elle finit par remonter à la surface. On peut étouffer un cri pendant un certain temps, mais il finit par affleurer, d'une façon ou d'une autre. Le silence n'était autre que le cri qui brisait le pays, qui arrivait jusqu'à la cordillère des Andes et se brisait sur les neiges éternelles.
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Ana sait que les mercenaires sont toujours plus cruels avec les femmes qu’avec les hommes .Pourquoi ? Il en été toujours ainsi, cette pensée la terrorise et l’attriste, elle se sent petite, elle croit mieux comprendre la femme d’Ulysse et percer secrètement son astuce, cette façon originale de survivre, confrontée à la décimation des amants dans son palais et à la disparition du mari.
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Les mots sont des fils qui communiquent entre eux, ils créent une trame, une phrase, un vers, une histoire, un pont qui nous mène vers quelque chose qui nous abrite, comme un gilet ou une écharpe.
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