Martin de Tours

Hiver 334. Ambianorum.
Martin de Tours est juché sur son cheval et fend de son épée son manteau pour en donner la moitié à un pauvre, à terre.

Voici la scène d'ouverture du livre de Mina Süngern qui sur cinq chapitres donne la voix aux pensées et réflexions des exclus de l'Église, contemporains du Saint, dont certains luttent pour l'accompagner à sa dernière "demeure".
L'on retrouve les mots de Sulpice Sévère et Grégoire de Tours à l'ouverture de chacun de ces cinq tableaux.

L'auteur décrit avec une précision affûtée la nature et les corps. L'acuité dont elle fait preuve couplée à un vocabulaire soutenu donnent à ces 85 pages un condensé de richesse.

Un livre à découvrir, lire et relire pour laisser aux mots le temps d'infuser et résonner.

Lire le Martin de Tours de Mina Süngern, ce n'est pas lire une grande épopée dantesque ou un récit de la Légende dorée, c'est même tout le contraire. Ce n'est pas l'histoire d'un héros mais c'est donner une voix narrative, c'est trouver le ton juste qui n'écrase pas et qui laisse chacun, surtout les sans-voix, parler. Sans que l'on aille à paraphraser Victor Hugo, il est très appréciable que les oubliés de l'Histoire puissent raconter leurs histoires qui ont elles aussi autant si ce n'est plus leur intérêt. Et de ce qui n'était qu'un conte sortent des personnages vrais et sincères dans leurs préoccupations très humaines. On appréciera aussi un humour sans cruauté, presque tendre mais aussi et surtout le vaste effort de documentation, s'en porte garante une riche bibliographie en fin d'ouvrage. Très jolie plume, vocabulaire choisi avec soin, je recommande vivement ce bref roman qui ne saurait souffrir la précipitation dans la lecture, il faut prendre le temps de contempler chacun des tableaux que Mina Süngern compose.