Depuis que sa femme Ève a disparu, le pauvre
John Blake est inconsolable. Bien que peu friand de spiritisme, l'homme se résout malgré tout à solliciter l'aide d'une certaine Mary-Gaëtane Lafay qui parvient effectivement à le faire entrer en contact avec le fantôme de son épouse défunte. Pendant cinq ans, ce rendez-vous annuel satisfera le couple... jusqu'à ce qu'un jour, la jeune femme ne réponde plus à l'appel... Après un premier roman destiné à la jeunesse, Christine Luce signe avec «
Les papillons géomètres » son premier ouvrage pour adulte, une « fantasy spirite » mêlant enquête policière et magie dans le Londres du début du XXe siècle. le programme est alléchant, et pourtant je constate malheureusement un frustrant manque d'enthousiasme qui s'explique par plusieurs éléments. Premier problème : j'ai eu beaucoup de mal à me faire à la plume de l'auteur. le vocabulaire employé par Christine Luce est très soutenu (ce qui, en soi, n'est pas du tout un problème) mais les tournures de phrases sont un peu trop alambiquées à mon goût. Il en résulte parfois une impression de lourdeur, la forme primant alors sur le sens, ce qui peut rendre la lecture assez ardue. Les dialogues sont les premiers à pâtir de cet excès d'effets de style qui leur donne un côté artificiel. Certains passages sont cela dit joliment tournés, que ce soit lorsque l'auteur se penche d'un peu plus près sur le décor londonien qui sert de cadre à son roman, ou lorsqu'elle donne la parole à ces esprits invisibles qui peuplent la ville, invisibles aux yeux du commun des mortels.
Pour ce qui est des personnages, je suis, là encore, assez mitigée. Trois protagonistes se partagent le devant de la scène : l'Enquêteur, un esprit évoluant dans cet univers parallèle superposé au notre, et deux jeunes femmes : la spirite Mary-Gaëtane et son acolyte Maisy. le premier parvient sans mal à éveiller l'intérêt du lecteur et même à l'émouvoir par la profondeur de sa solitude qui ne laisse pas indifférente. Les secondes, en revanche, sont à mon sens plus difficiles à apprécier. D'abord parce qu'elles ont la fâcheuse tendance à s'exprimer de manière pompeuse ce qui leur donne un petit côté hautain. Ensuite et surtout parce que, bien que se définissant comme détachées des carcans de la société de l'époque, toutes deux font preuve d'un peu trop de pudeur et d'indignation dès qu'un personnage ne fait ne serait-ce qu'une légère entorse à l'étiquette. L'intrigue commençait pour sa part plutôt bien, distillant un certain nombre de mystères que le lecteur ne pouvait qu'être avide de voir résoudre (qu'est-il arrivé à la femme de
John Blake ? Pourquoi son fantôme ne se manifeste-t-il plus ? Quelle est la cause de la folie qui a gagné tous les ancêtres de la spirite ?...) La clé de toutes ces énigmes se révèle cependant assez décevante, certaines révélations étant expédiées en une ou deux phrases tandis que d'autres se révèlent moins saisissantes qu'on l'espérait. L'ambiance légèrement glauque qui baigne l'ensemble du récit est par contre une vraie réussite, la ville nous apparaissant sous un jour inquiétant qui ne laisse pas indifférent et qu'on souhaiterait même côtoyer davantage.
Vous l'aurez compris, je n'ai que modérément accroché au roman de l'auteur qui dispose pourtant de solides atouts, malheureusement contrebalancés par un certain nombre de bémols qui m'ont à plusieurs reprises freiné dans ma lecture. Je vous encourage malgré tout à vous faire votre propre opinion, d'autres lecteurs pouvant tout à fait trouver plaisant des choses qui, personnellement, m'ont rebuté.