BILLARD. TÉLÉPHONE.
Des lettres en relief, sur la vitre des cafés
où l’on consultait autrefois l’annuaire,
pendant que le hasard sur tapis vert
préparait ses carambolages en calculant
sa vitesse et ses trajectoires.
Est-ce à cause du marc ou de la sciure
qu’on répandait sur le parquet
pour balayer les restes du jour ?
Des conversations autour du comptoir
où les attardés devant leur verre
essayaient de tenir debout,
malgré le monde qui va de travers ?
C’est plus sûrement à cause de la boule
imitant le cristal, en bas de l’escalier,
que me revient déformée cette fausse promesse :
ICI ON CONSULTE LE DESTIN
C’est au roi de la nuit
que je parle du monde en cherchant le sommeil.
Je lui raconte nos fleuves empoisonnés,
la noirceur de nos usines et la splendeur des nuages
qui se font et se défont en jouant dans les airs,
comme les baleines dans les vagues et les éléphants de
mer.
C’est au roi de la nuit
que je raconte le monde, à ce roi en exil
quand le jour se lève, et qui craint davantage
les nuits de pleine lune que les démons de midi.
Les paroles remontent comme des bulles…
Les paroles remontent comme des bulles :
du fond de quel lac
où flotte le cœur entre deux eaux ?
Le cœur et les viscères,
les poulpes et les polypes,
dans un marigot où prolifèrent
des espèces rescapées de l’ère prénatale
Des ombres qui appellent…
Des ombres qui appellent
et d’autres qui répondent
Une table et deux chaises
où ne sont plus mes parents
La lune en plein jour…
La lune en plein jour
qui se souvient de la nuit
Dans les miroirs,
le temps qui passe et l’eau qui gèle