AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,3

sur 169 notes
5
18 avis
4
13 avis
3
5 avis
2
1 avis
1
0 avis
Cette fois-ci, Ian Manook n'a pas bâti une histoire policière comme avec Yeruldelgger, Les temps sauvages et La mort nomade, thrillers qui se déroulent en Mongolie. Il n'a pas non plus parlé du génocide arménien comme il l'a fait avec L'oiseau bleu d'Erzeroum, l'histoire de ses grands-parents, mais il m'a ramené en Islande comme dans Heimaey, thriller qui m'a motivé pour découvrir encore un autre genre littéraire démontrant tout le talent de cet écrivain.
Avec À Islande !, celui qui se nomme Patrick Manoukian confirme sa parfaite connaissance de cette île à cheval sur deux plaques tectoniques et c'est, pour moi, une nouvelle découverte complétée par le monde de la pêche à la morue.
C'est en pleine campagne de cette pêche, en 1904, sur un bateau, une goélette partie de Paimpol, que tout débute. Elle fait voile à Islande, comme on disait à l'époque.
S'inspirant de faits réels, Ian Manook fait vivre ces pêcheurs embarqués sur le Catherine. Leurs conditions de vie sont effroyables. L'hygiène à bord n'existe pas. Ils doivent travailler dur, aller au-delà de leurs forces pour gagner une misère avec le risque du naufrage, de la blessure grave ou de l'épidémie à bord.
Ian Manook utilise le vocabulaire des pêcheurs et son récit est rythmé, prenant. Je fais connaissance avec Corentin Lequéré qui a déjà dix campagnes à Islande et qui connaît bien la pêche et la navigation. Il devient vite un personnage essentiel. Il a pris en charge Kerano, blessé et fiévreux, que le capitaine ne ménage pas. Instituteur en Bretagne, il avait été conquis par Pierre Loti et son Pêcheur d'Islande, « lui qui n'a jamais navigué dans ces eaux. »
Quand la tempête fait rage et que la température descend à moins quinze degrés, il y a une trentaine d'équipages sur la zone et le risque d'abordage est réel. Tout au long de son récit, l'auteur m'apprend quantité d'informations comme cette tempête du 6 avril 1901 qui a vu quatorze goélettes mises à mal dont huit ont coulé corps et bien pour un total de 117 disparus laissant, à Paimpol, 45 veuves et 67 orphelins.
Finalement, le Catherine se fracasse sur le rivage, près de Fáskrúdsfjördur qu'on appelle aussi Búdir. Là, j'apprends comment les locaux organisent le sauvetage des hommes et se rétribuent en récupérant le maximum de choses du bateau.
Au moment où tout cela se passe, un certain Camille Pelletan, homme de lettres, ami de Verlaine et de Rimbaud, s'occupe de laïciser la marine française. Les oeuvres religieuses en place pour s'occuper des marins doivent être remplacées par du personnel laïc. Or, voici Marie Brouet qui, par un hasard que je vous laisse découvrir, se retrouve à Búdir pour seconder le Docteur Gunnarsson, directeur du nouvel hôpital. Les soeurs Elisabeth et Justine, obligées de s'effacer devant cette nouvelle organisation acceptent mal ce qui se passe mais l'histoire développée par Ian Manook révèle encore bien des surprises.
C'est donc à Búdir que se retrouvent Lequéré et Kerano. Ils font connaissance avec Eilin Arthurdottir, institutrice au village et avec son père, Arthur. Ma lecture, comme dans Heimaey, me fait découvrir l'Islande et sa géologie unique, ses bains d'eau sulfurée et ses tremblements de terre avec un volcanisme toujours actif. Entre la découverte des lieux et les échos sur les conditions de vie des marins-pêcheurs, les occasions de trembler, d'admirer, de s'indigner aussi ne manquent pas.
Quand L'Hermine fait escale devant Búdir, elle est en quarantaine à cause d'une épidémie. La typhoïde sévit mais Marie et le Docteur Gunnarsson n'hésitent pas à monter à bord pour constater que le poste d'équipage est un cloaque glauque et visqueux où se mêlent les odeurs de morue et de merde. Les hommes font leurs besoins sur le pont et personne ne nettoie. Les armateurs se moquent de tout ça, ne pensant qu'au profit. de plus, l'alcool fait des ravages car une goélette n'embarque que quatre litres d'eau par jour pour tout l'équipage. Par contre, le vin, le cidre et l'eau de vie abondent…
Ces morues que l'on pêchait au large des côtes bretonnes au XVe siècle, aiment l'eau froide. À cause du réchauffement climatique, elles cherchent les hauts fonds islandais. L'église catholique imposant de nombreuses périodes sans viande, la demande en poisson était importante et nous savons qu'aujourd'hui les problèmes de pêche sont toujours bien réels, surtout que les fonds marins ne sont pas inépuisables.
Avec son talent de conteur que j'adore, Ian Manook mène l'histoire de Marie Brouet, Lequéré, Elisabeth, Eilin, Arthur et Kerano jusqu'au bout donnant même des informations sur la fin de vie de ses principaux personnages dans « Épilogues ».
À Islande ! est un livre captivant, très instructif, témoin d'une époque pas si lointaine à ne pas oublier, foisonnant d'informations très intéressantes et j'ai à nouveau été conquis par Ian Manook. de plus, je connais un peu mieux l'Islande, son histoire et ses habitants sans y être jamais allé…

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
Commenter  J’apprécie          13912
Ian Manook n'est pas Pierre Loti. Il pose un autre regard sur les pécheurs d'Islande du début du XXe siècle. Un regard qui n'a rien d'esthétique ni de romantique puisqu'à travers une fiction richement documentée il raconte ce qu'il y a de moins glorieux et de plus sombre dans ces campagnes de pêche à la morue qui voient s'éloigner des côtes françaises les islandais de Paimpol pendant six mois.
L'auteur s'attachant à rendre sensible l'itinéraire de ces pêcheurs dans sa dimension sociale et politique, on découvre des marins amarrés à presque rien naviguant entre deux drames, le pire de l'existence qu'ils mènent c'est la dureté et la maltraitance érigées en mode de fonctionnement élémentaire à bord des goélettes, conséquence du cynisme des appétits des armateurs.

Il y a donc de la noirceur et un sentiment d'impuissance qui embrassent le récit mais l'humanisme et le volontarisme qui animent les protagonistes éloignent la tentation du misérabilisme. Dans ces eaux receleuses de désastres, l'auteur a su se tenir à bonne distance de tout ce qui lesterait son histoire. Les personnages dotés d'une noblesse morale et de caractère sont attachants, l'écriture particulièrement immersive nous laisse voir ce que les légendes préfèrent ignorer et le texte dense est mené magistralement.
J'ai véritablement été fascinée par la précision du langage, des phrases réfléchies capables de renvoyer des images qui transpercent les yeux, pénètrent l'esprit et trouvent facilement prise sans que la langue soit spécialement travaillée ou sonore. En aventurier qu'il a été, Ian Manook donne richesse à un texte en décrivant parfaitement les paysages minéraux, ces falaises de basalte baignées par des eaux noires toujours menaçantes qui attendent leur heure en léchant les rochers des côtes islandaises.

Ce roman à la puissance incomparable n'est certes qu'une fiction mais l'exactitude de ses évocations l'érige en véritable recueil commémoratif.
Lecture passionnante.
Commenter  J’apprécie          825
Ce roman se passe en Islande, et ce n'est pas un polar.
L'auteur de ce roman est Ian Manook, et je confirme, ce n'est pas un polar.

Dans un roman aux personnages très attachants, Ian Manook nous parle de la pêche à la morue, aux abords de l'Islande, dans les premières années du vingtième siècle. Ceux dont on suit l'histoire sont des bretons de Paimpol, pécheurs par tradition, par obligation, parce qu'il ne savent rien faire d'autre, parce que rester à terre ne rapporte rien.
Les conditions de vie à bord des bateaux sont inhumaines et beaucoup y laissent leur vie.
Le Catherine pris dans une tempête s'échoue sur la cote islandaise, les rescapés sont pris en charge dans le tout nouvel hôpital, que le gouvernement français vient d'ouvrir, pour mettre fin à l'emprise du clergé sur les soins apportés aux marins.
L'auteur nous décrit plus précisément pendant les quelques semaines qui suivent le naufrage la vie de quelques personnages, Corentin Lequéré, pécheur expérimenté qui voudrait oeuvrer pour l'amélioration de la vie des marins, Kérano, instituteur, embarqué par romantisme, il voulait vivre par lui-même Pêcheur d'Islande. Il y a Marie, nouvelle arrivée en Islande, infirmière en chef, Soeur Elizabeth, qui jusqu'à présent s'occupait des soins aux marins, Eilin l'institutrice islandaise et son père Arthur. Leurs destins vont s'entrecroiser pour le meilleur et parfois le pire.
Le talent de l'écrivain se révèle tout autant dans ce récit que dans ses polars. l'écriture nerveuse prend aux tripes. L'Islande est là dans toute sa beauté sauvage, les personnages nous deviennent proches et nous captivent. Et chose appréciable pour ceux qui comme moi n'aiment pas quitter ceux qui ont peuplé notre esprit pour quelques heures, l'auteur nous donne dans des épilogues le détail de la fin de vie de chacun.
Un roman surprenant, découvert grâce à la critique de mon ami Fandol et l'appréciation positive de mon mari. Je n'aurais jamais pensé en l'ouvrant l'aimer autant.

Commenter  J’apprécie          7428
Ian Manook vient de m'embarquer à la pêche à la morue et ça n'a pas été de tout repos, croyez-moi.
Je suis parti de Paimpol, cité bretonne, pour me retrouver dans les eaux glacées à Islande, c'est ainsi que l'on dit, dans le milieu.
Si vous connaissez l'expression, "les forçats de la mer", elle prend, ici, tout son sens.
Les conditions de vie à bord du Catherine sont quasi inhumaines.
Ces hommes, pour faire vivre leur famille, se sacrifient littéralement, au profit d'armateurs qui les exploitent.
Lequéré et Kerano sont de ceux-là.
Sous la plume du romancier, le lecteur est plongé (croyez-moi, là aussi, le terme est approprié) dans le coeur et dans le corps de ces marins.
Les ordres du capitaine, le roulis, les vagues, le poisson qu'on remonte avec peine, la sueur, la crasse, la fatigue que l'on doit oublier, la maladie, les hommes harassés et soudain la tempête, vicieuse, mortelle.
Marie Brouet, jeune infirmière,  est envoyé pour reprendre, aux religieuses, les institutions françaises établies sur l'île pour prendre en main les soins des quelque cinq mille marins qui, chaque année, se retrouvent dans la région pour ces grandes pêches.
Ce sont ces personnages que vous allez suivre tout au long d'un roman captivant et d'un réalisme incroyable, comme sait les écrire Manook.
Avec lui, vous allez vivre des moments de folie, celle des hommes et celle d'une nature qui a souvent le dernier mot.
À Islande, vous sentirez le vent, le crachin, vous allez vous perdre dans la brume, mais vous allez aussi être tenté de vous baigner nus dans les fameuses sources d'eau chaudes.
Parce que l'écriture de Ian, c'est tout cela qu'elle vous fait vivre et ressentir et vous allez vous attacher à ces personnages aux destins tragiques.
Après la Mongolie (Yeruldelgger) ou le Brésil (Mato grosso) je ne regrette pas ce voyage à Islande, même si, la mer agitée, je ne suis pas très fan...





Commenter  J’apprécie          420
Inspiré de faits réels, ce livre nous conte l'histoire des pêcheurs paimpolais se rendant près des côtes nord-est de l'Islande pour la pêche à la morue. Nous sommes en 1904. Fervents catholiques, les français consomment beaucoup de poissons, seul met synonyme de jeûne lors des très nombreuses périodes de carêmes annuels. Auparavant présente près des côtes bretonnes, la morue s'est déplacée vers des eaux plus froides et c'est près du port de Fàskrùdsfjördur que l'histoire se passe.

En même temps, la France, république laïque et sous l'impulsion du ministre de la Marine, Camille Pelletan, décide de supprimer toutes subventions accordées aux curés et religieuses qui assistaient dans les hôpitaux et dispensaires maritimes, depuis 400 ans, les marins-pêcheurs victimes de naufrages ou de maladies.
La mise en place d'un nouvel hôpital français et la venue d'un chirurgien et d'infirmières bretonnes, attirés par des primes alléchantes, aurait pu susciter rancoeurs et jalousies dans ce petit port situé au bout du monde. Il n'en fut rien, face à l'étendue de malheurs que vivaient les pêcheurs. Gangrène, typhoïde, pneumonie, dysenterie, dues aux conditions de vie déplorables sur ces goélettes, véritables cloaques de merdes et de puanteurs propices aux pires maladies. En effet, les armateurs et capitaines étouffaient la honte de leurs hommes à grand renfort d'alcool emportés sur les bateaux en lieu et place de l'eau. Des hommes qui embarquaient, déjà malades, en l'absence de visites médicales obligatoires, attirés par la seule paye du retour ou de la prime de veuve ou d'orphelin pour leur famille, mais seulement quand l'armateur acceptait de payer la prime d'assurance avant le départ. Des hommes que l'on qualifiait de héros de la mer parce qu'ils étaient le chaînon indispensable à l'expansion économique du pays mais qui n'étaient en réalité que des forçats de la mer en raison des conditions infâmes dans lesquelles on les forçait à se maintenir tant qu'ils étaient utiles.

Ce livre est écrit comme un roman, avec des personnages plus qu'attachants et des histoires d'amour magnifiques. J'y ai vécu des naufrages, j'ai survécu à une tempête et aux bris des mâts, je me suis perdue dans un brouillard laiteux et opaque. Je me suis réchauffée aux sources chaudes, j'ai contemplé les fjords du haut des montagnes, j'ai bravé les sentiers escarpés, accrochée à la crinière volante de mon cheval. J'ai souffert et espéré avec les personnages et je me suis émerveillée devant cette nature rude que l'auteur décrit de manière flamboyante.
Commenter  J’apprécie          4118
Ian Manook est un conteur passionnant
Nous voici donc en Islande avec ces bretons de Paimpol venu faire fortune dans les eaux poissonneuses autour de l' Islande
Très vite l'affaire est entendue :ce sont les armateurs qui dictent leur loi et amassent les bénéfices
Les autres , les marins ,hormis le capitaine ne comptent pas
Accrochez-vous bien au début quand Ian Manook décrit les conditions de pêche et de survie à bord
C'est époustouflant. Quel talent pour nous immerger dans cet environnement hostile , puant , où ne compte que la quantité de poisson
Le pêcheur n'est rien .Aucune hygiène , des blessures, des maladies , des morts, voilà le quotidien
Il y'a tellement de dégâts que la France se sentira obligée de créer des dispensaires en Islande qui seront tenus par des congrégations religieuses avec les moyens du bord , quasiment rien hormis les prières et des soins dévoués et rudimentaires issus des coutumes locales
C'est là que se retrouveront deux pêcheurs bretons Lequéré et Kerano après le naufrage
Lequéré, instituteur breton avait été séduit par le récit de Loti, Pécheurs d' Islande qui décrivait à Paimpol de véritables héros à leur retour de pêche
Mais , il le dit lui-même
« Utopie prétentieuse des rêveurs,Je voulais me frotter,sur un bateau à la Rimbaud, à l' océan majestueux de Loti.Je ne savais pas encore la vague scélérate et l ‘ écume traîtresse.La mer, Eilin, ce n'est pas Loti, la mer c'est Hugo »
Oceanopo Nox, ô combien de marins, combien de capitaines…..
Eilin, c'est l'instutrice islandaise , francophone et cultivée qu'il a rencontré dans le petit village de Budir
Il y'a aussi Marie , une jeune infirmière bretonne qui accompagne le docteur officiel qui vient mettre de l'ordre et de la rigueur scientifique dans ce petit dispensaire
Conflit immédiat entre la religieuse qui est là depuis des années et les nouveaux arrivants, sûrs de leur savoir
C'est le seconde partie du roman beaucoup plus douce
Un peu d'amour, de beaux échanges entre deux personnages cultivés et beaucoup de questions
La première : retourner à Paimpol , reprendre la vie de marin pour l'un, rester en Islande où les gens sont simples dans leurs habitudes mais cultivés, adopter leur philosophie de vie bien éloignée des appétits mercantiles
C'est vraiment un très beau livre qui sait passer de la fureur à de beaux moments de sérénité
Une vraie réussite et un talent qui se confirme au fil des livres
Je vous conseille ce livre dur et subtil à la fois
Commenter  J’apprécie          320
Le récit commence par une description sur la vie à bord d'un bateau de pêche à la morue début du XXeme siècle dans les eaux glaciales d'Islande . Les conditions à bord de ces marins de Paimpol sont effarantes par leur dureté : absence totale d'hygiène , maladies, blessures, faim, froid , agressivité , peur etc ... La consommation d'alcool est encouragée pour supporter tout cela, de toute façon il y n'y a pas vraiment d'eau potable . La pêche est une lutte farouche contre les éléments marins , il faut attraper le plus de morues pour satisfaire les armateurs rapaces et espérer rapporter un peu d'argent au foyer.

Cela glace les sangs et on est plus proche du documentaire que du roman. Je n'avais jamais lu de descriptions aussi sordides mais que l'on veut bien croire véridiques , des conditions de vie de ces marins ...

Pendant ce temps là , en France, un ministre, Camille Pelletan décide au nom de la laïcité d'envoyer des infirmières remplacer les soeurs qui soignaient jusqu'à présent les français blessés ou malades dans un hospice islandais .

Ian Manook introduit ensuite et heureusement une partie plus romancée avec l'histoire de deux marins, de Marie, une jeune infirmière envoyée en Islande , d'une soeur danoise qui s'occupe de l'hospice et d'une jeune institutrice islandaise .

Si il est souvent question dans ce livre du beau roman Pêcheur d'Islande de Pierre Loti , et il existe une similitude entre les sentiments de solidarité et d'amour et les descriptions de la mer, on s'en éloigne largement par la réalité crue de cette pêche et de la misère de ces pêcheurs, par le ressentiment qu'ont les islandais de se faire voler leurs biens halieutiques , par la description assez exhaustive des différentes maladies et blessures qui affectent les hommes .

A chaque époque littéraire son style , celui de Ian Manook correspond sans doute mieux à ce qu'attend le lecteur d'aujourd'hui . Je l'en remercie .
Commenter  J’apprécie          300
En 1900, partir pêcher la morue autour de l'Islande, c'est l'enfer sur mer ! Tant d'hommes sont partis de Paimpol pour ce voyage qui sera pour beaucoup sans retour, et les transformera en rien de moins que des forçats.

Ces expéditions maritimes de l'extrême vers cette île, les marins les appelaient « À Islande ». Ian Manook nous raconte une part méconnue de ces destins vrais, à travers une fiction.

Initialement, ce projet devait être un documentaire, un genre que propose régulièrement les éditions Paulsen. Ce récit de voyage s'est transformé en une fiction de voyage. Dans le temps. Et à travers une mer hostile et une terre exigeante.

L'auteur s'est basé sur des faits réels, et un environnement minutieusement reconstitué. Avec comme point d'appui, le destin d'une infirmière française venue mettre en place un hôpital laïc en Islande. C'est l'époque où le gouvernement français sépare les pouvoirs de l'Église et de l'État.

A ses côtés, l'écrivain va modeler plusieurs personnages forts, deux autres femmes de caractère, et quelques pêcheurs qui n'acceptent plus leur sort. Des personnages magnifiques, à la fois lumineux et en pleine phase de questionnements. Des gens qui tentent de sortir de leur condition, cherchent un sens à une vie qui n'est que labeur et extrême souffrance. Pour eux, et pour des autres qu'ils tentent de soulager à leurs manières.

D'une certaine façon, ce roman se rapproche beaucoup du précédent de Ian Manook, L'Oiseau bleu d'Erzeroum, avec cette forme de biographie romancée, qui permet de toucher le vrai du doigt tout en s'attachant à des personnages. Un pan de l'Histoire vu à travers leurs yeux, leurs douleurs, leurs amours, leurs sensibilités et les coups du sort.

Les deux longs premiers chapitres mettent dans l'ambiance. Attendez-vous à vivre cet enfer au plus près des marins. A ressentir l'horreur de leur travail, l'épouvante de leurs conditions de vie. On se retrouve littéralement plongé dans ce passé pas si lointain mais pourtant inimaginable, à croupir dans la crasse, côtoyer les maladies, pourrir sur pied dans d'atroces souffrances. Pour toujours plus de morues, qui valent davantage que la vie des hommes des mers.

Qu'on est loin des récits glorieux de marins bien éloignés de la dure réalité ! Mer et terre hostiles pourraient faire perdre toute humanité. Elle est sauvée par la grâce de belles âmes, que l'auteur va rassembler pour construire une histoire et raconter un pan de leurs vies entrecroisées.

Comme pour son livre sur le génocide arménien, la noirceur de ces existences touche au coeur parce qu'elles sont au plus proche de la réalité passée. Un roman autant historique et social que fictionnel, en somme.

On sort enrichi d'une telle lecture. A découvrir ce qu'était ce début du XXème siècle, à travers un autre prisme. A côtoyer des personnages bouleversants. Et des contrées qu'on ne voit nulle part ailleurs.

Ian Manook fictionne le réel, raconte le passé à travers des âmes, sans rien édulcorer de la dureté de leurs vies. Cette virée À Islande laisse des traces. le genre de lecture atypique et inclassable, profondément humaniste.
Lien : https://gruznamur.com/2021/1..
Commenter  J’apprécie          291
« Autour du navire, des masses d'eaux veinées d'écume se dressent et s'affrontent, sumos furieux qui se ruent l'un contre l'autre. C'est plus qu'un combat. le fracas des flots devient terrifiant. C'est une rixe, un pugilat. Des déferlantes jaillissent du ventre de la mer, chevaux d'écumes cabrés jusqu'à hauteur des huniers. Les premiers paquets de mer s'effondrent sur le pont et assomment les hommes détrempés. C'est une tempête de nord-est, l'ouragan boréal des sinistres légendes, et la peur tord les tripes des hommes dès qu'ils le comprennent. »

Ian Manook a l'art des démarrages tonitruants.

Embarquée sur le Catherine, une goélette de Paimpol, j'ai été bousculée, malmenée, éreintée, tourmentée par une séance de pêche à la morue dantesque suivie d'une tempête tout aussi effroyable. Des premiers chapitres très impressionnants qui propulsent le lecteur dans l'enfer de ces campagnes de pêche à haut risque, où l'homme semble bien impuissant face à la fureur des éléments. Les conditions de vie à bord sont tout aussi épouvantables entre promiscuité, crasse, odeurs pestilentielles, maladies et manque de sommeil. On sent que l'auteur maîtrise son sujet, tout est décrit avec minutie en utilisant de nombreux termes spécifiques à la navigation et à la pêche. Les spécialistes apprécieront.

Un début de roman très réussi mais c'est non sans un certain soulagement que j'ai pu poser le pied sur les terres islandaises en compagnie de Lequéré, Kerano et les autres. L'Islande apparait alors comme un havre de paix avec ses vallées pastorales, ses petites maisons de tourbe perdues dans les collines, ses sources d'eaux chaudes et ses fjords majestueux. Ian Manook capture magnifiquement bien les lumières, les couleurs et les détails de ces paysages uniques et spectaculaires.

« Au-dessus d'eux, la bruine s'est teintée d'un halo lumineux, blanc d'abord, puis d'un jaune pâle de plus en plus chaleureux et évanescent à mesure qu'ils progressent. Quand ils émergent soudain du brouillard gris qu'ils ont traversé, tout s'illumine de nouveau dans le paysage. de vieux sommets usés et enneigés sur leur gauche, quelques affleurements montagneux de roches sombres roussies de mousse sur leur droite, et rien devant eux qu'une vaste mer de nuages. Kerano est sidéré par la beauté de ce paysage d'îles éparses sur un océan de brumes. »

J'ai été par contre moins captivée par l'histoire à Bùdir. En se basant sur des faits réels, Ian Manook nous décrit l'envers du décor de la pêche dans les mers islandaises en cette fin du XIXème. Comme souvent malheureusement, on découvre donc que l'appât du gain d'une minorité se fait aux dépens des pêcheurs contraints de risquer leur vie pour un salaire misérable. Des conditions de vie précaires, inhumaines et révoltantes.
Mais le récit semble parfois hésiter entre roman et documentaire. C'est particulièrement perceptible dans les dialogues qui ne paraissent pas toujours très naturels. L'histoire et les personnages perdent alors en finesse et en émotion.

Un roman que j'ai beaucoup aimé pour son côté complètement immersif dans le monde de la pêche et pour ses très belles descriptions de paysages, un peu moins en revanche quand il devient plus documentaire.
Commenter  J’apprécie          232
Encore un récit sur les pécheurs de Paimpol, ces forçats de la mer.
Comme Kerano, l'instituteur, qui s'engage pour une campagne de pêche en mer d'Islande après avoir lu et cru Pierre Loti, je me devais de lire celui-ci.
Lequéré, fort de ses 10 campagnes, le prend sous son aile car, très vite, Kerano est dépassé par les conditions de travail éreintantes, les conditions de vie, d'hygiène épouvantables qui règnent à bord, les mauvais coups que lui font ses « camarades » et pour finir une vilaine blessure à la main que le capitaine se fait fort d'ignorer.
Au-delà de cette évocation, c'est aussi à l'occasion du naufrage de la Catherine de rencontrer les Islandais, les vrais, quoique…
En confrontant par des dialogues les intérêts et convictions des uns et des autres on découvre l'opposition entre les autorités françaises qui envoient Marie Brouet, infirmière, seconder le médecin sur place, évinçant ainsi les religieuses qui ont toujours pris en charge les malades sur l'île mais aussi les naufragés, les équipages malades. Elle, investie de sa mission républicaine, pleine de certitudes se doit représenter le nouvel Etat laïc, vs soeur Elisabeth, qui pleine de dévouement réalise que le sort des pécheurs est conditionné par les interdits alimentaires de consommer de la viande près de deux cents jours par an. Eilin, l'institutrice, confronte la soi-disant générosité de l'Etat français qui dote l'île d'un hôpital mais oublie de préciser qu'il pille littéralement les eaux islandaises. Et que dire des armateurs qui calculent jusqu'au moindre millimètre de cambuse abominable pour faire toujours lus de bénéfices, de ces capitaines qui acceptent les conditions scandaleuses qu'on impose aux hommes.
Ce récit a le mérite d'être très réaliste. Sur fond d'histoires d'amour, il expose la triste réalité des forçats de Paimpol dont le sacrifice est magnifié dans l'imaginaire populaire et par Pierre Loti, lui-même.
Pour autant, j'ai adoré « Pécheur d'Islande » et ce sont Yann Gaos et Gaud qui m'ont touché au coeur.
Commenter  J’apprécie          180




Lecteurs (405) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (2 - littérature francophone )

Françoise Sagan : "Le miroir ***"

brisé
fendu
égaré
perdu

20 questions
3673 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature , littérature française , littérature francophoneCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..