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EAN : 9782251447810
202 pages
Les Belles Lettres (09/02/2018)
3.82/5   66 notes
Résumé :
« Ce livre parle avant tout d’amour : le grec ancien a été l’histoire la plus longue et la plus belle de toute ma vie.
Peu importe que vous connaissiez le grec ou non.
Si c’est le cas, je vous dévoilerai des caractéristiques de cette langue dont personne ne vous a parlé au lycée, quand on vous demandait d’apprendre par coeur conjugaisons et déclinaisons.
Si ce n’est pas le cas, c’est encore mieux. Votre curiosité sera comme une page blanche à re... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (18) Voir plus Ajouter une critique
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Un livre plein de surprises, à commencer par son titre. le lecteur attend un argumentaire en neuf points passionnants, le lyrisme des neuf muses filles de Zeus appelées à la rescousse pour chanter le logos. J'ai cherché en vain…
Je m'attendais à un « antimanuel » de grec ancien, ce livre est beaucoup plus que cela, un essai sur l'agonie des mots et peut-être leur réincarnation par celles et ceux qui les font vivre.

Je m'empresse de préciser que dans ma période lycéenne et universitaire erratiques je n'ai suivi aucun enseignement de latin ou de grec ancien. Disons le d'emblée, malgré la promesse de la quatrième de couverture, pas toujours facile de suivre le propos de l'auteure pour le lecteur qui ne dispose d'aucun point de repère académique en grec voire en linguistique. A cet égard, pour le vocabulaire technique un glossaire aurait été le bienvenu.

Naturellement, la lecture de cet essai apporte d'autant plus de plaisir si les univers de Platon, Sophocle … ne sont pas totalement inconnus, mais on imagine que celle ou celui qui ouvrira ce livre a déjà quelque affinité et plus avec « l'été grec » pour reprendre le titre du magnifique livre de Jacques Laccarière.

Abstraction faite de l'écueil susévoqué, affleurement de récifs égéens dans l'azur des cyclades, on se laisse emporter par la fougue, la passion, la drôlerie de l'auteure.

Assurément, pas besoin d'être docteur es études homériques pour percevoir le legs du grec à la langue française, ces lieux philosophiques légendaires « l'académie » de Platon, le « lycée » d'Aristote si différents aujourd'hui et bien sur cette richesse étymologique qui donne sens au mot à commencer par « philosophe », qui aime la sagesse et non pas le sage, ce n'est pas tout à fait pareil cela peut même être très différent.

Andrea Marcolongo chante les subtilités de cette « langue morte », rien de dénigrant dans mon propos, le français est devenu à maints égards une langue morte, immolé sur l'autel de la pensée moderne binaire utilitaire et son affreux appendice la novlangue.

Parmi ces subtilités j'ai notamment fait connaissance avec ce mode optatif. L'optatif exprime le désir, le souhait, l'espérance, dans les interstices du « réel », ainsi que le rappelle l'auteure, « la frontière qui sépare un désir réalisable d'un désir impossible est aussi subtile, délicate » (P. 112)

Cette langue qui ignore l'univers carcéral du temps tronçonné en passé, présent, futur… le plus important était le « comment » plus que le « quand » ; apprécier le début, le déroulement, la conclusion

« Difficile de penser sans le temps, mais le temps n'existe pas, ce qui existe c'est une fin pour chaque commencement, et un commencement pour chaque fin (…) difficile pour nous mais non pour le grec ancien cette langue qui percevait non le temps mas le processus et qui grace à l'aspect du verbe, exprimait la qualité des choses qui semblent toujours nous échapper – quand la question que nous nous posons toujours sans jamais percevoir comment. » (p. 14)

Autre délicatesse du grec ancien, le « duel », qui s'ajoute au singulier et au pluriel ; le duel par lequel, on ne comptabilise pas, la somme un plus un, mais l'alliance et l'exclusion, un petit air de yin & yang si j'ai bien suivi le propos.

Deux éléments contraires mais qui ne sont pas contradictoires, la terre et le ciel, l'homme et la femme…., l'un ne se dissous pas dans l'autre ou dans une transcendance aliénante

Ce n'est pas naturellement le premier ouvrage de cette nature, les « petites leçons sur le grec ancien » de Jacqueline de Romilly et Monique Trédé (2008) suit un fil d'Ariane assez proche et ambitionne aussi d'être simple et pédagogique mais quelle différence dans le souffle ! Dans ce second ouvrage, la sensation de lire une démonstration de patinage artistique avec les figures imposées exposées parfaitement mais un cours d'amphithéâtre in vitro, pas l'amphithéâtre de la vie, in vivo, celui de la comédie (« kômôdia ») et de la tragédie (« tragôdia »).

Le grec ancien est victime d'une politique culturelle étriquée et aussi de l'évolution des préférences de la « démocratie de l'usage », (démocratie encore un mot grec,...) qui plébiscite l'expression sms et se moque de Montaigne.
L'auteure constate avec raison « Quoiqu'on dise aujourd'hui à l'ère de twitter et de whatsapp, ce sont eux qui changent avant que la langue change et non l'inverse. » (p. 126)

Tragédie du grec ancien mais aussi des « humanités » que l'on laisse agoniser à petit feu dans les établissements d'enseignement

Un livre pétillant pour danser et rire avec les mots dans le tragique

Contribution faite dans le cadre de masse critique.Un grand merci à babelio et aux éditions « Les belles lettres »
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Mon fils, amateur de 'Bude' (collection de bilingues latin/grec, du nom de Guillaume Budé, traducteur d'oeuvres grecques en latin, 1467-1540), m'a prêté ce témoignage.
Ce faisant, il m'a suggéré de dégager des similitudes entre le grec ancien (que je découvrais avec cet ouvrage) et le russe ; d'où quelques rapprochements qui suivent entre ces deux langues, bien que ces comparaisons ne soient pas précisément l'objet de cet essai.
En effet, c'est à sa propre langue, italienne, que l'auteure se réfère le plus souvent. Ces comparaisons avec le russe ne sont cependant pas dénuées de sens, puisque le vieux-slave et le grec ancien ont une même origine indo-européenne. D'ailleurs, Cyrille et Méthode - missionnés par l'empereur de Byzance au IXe siècle pour évangéliser les peuples slaves - se sont inspirés des lettres grecques pour retranscrire phonétiquement ce qu'ils entendaient, d'où des similitudes entre les alphabets grec et cyrillique (д, к, п р, т, ф, х …).


■ Le 1er chapitre - "Quand, jamais, l'aspect" - est consacré aux verbes grecs, en particulier à leurs aspects : présent, aoriste, parfait… L'aspect d'un verbe permet notamment de distinguer l'action en cours, de celle achevée, ou de celle envisagée. Les grecs accordaient plus d'importance au "comment" qu'au "quand", à la manière dont les évènements se déroulaient qu'au moment de leur survenue ; ainsi, l'aoriste exprimait le process de l'action plus que son moment, et l'aspect d'un verbe primait sur son temps.
L'auteure lie la langue à la façon de penser de ceux qui l'utilisent ; le grec ancien est « la langue dans laquelle (le peuple grec) a exprimé pendant des dizaines de siècles, toute sa politique, toute sa culture, ses lois ; la langue dans laquelle il avait inventé la philosophie, les mathématiques, l'astronomie, et le théâtre. » (p. 61)
Elle explique que la langue ne véhicule pas seulement l'expression, elle est aussi un instrument de pensée. Elle montre l'intérêt de ne pas trop simplifier les règles d'une langue, sa simplicité risquant de s'effectuer au détriment de sa capacité à exprimer des nuances. Sur ce point, elle est plus convaincante que beaucoup d'académiciens prétentieux, réfractaires aux changements (alors qu'une langue vit, donc évolue, sans se décréter), et qui rejettent des anglicismes reflétant des influences étrangères sans les générer.
Comme la plupart des Français, j'enverrai donc toujours des 'mails' - et non de réglementaires 'courriels' - sans que cela ne modifie la manière dont la messagerie électronique s'est diffusée -, je subirai encore les excès du 'marketing', et je stationnerai mon véhicule sur des 'parkings'…

En grec ancien, l'aspect des verbes est si essentiel qu'il s'exprime par des mots généralement très différents. En russe, la plupart des verbes ont deux aspects : imperfectif (l'action qui se déroulait/se déroule/ra) et perfectifs (actions achevées, ou action unique). A l'infinitif, cette distinction s'effectue le plus souvent par ajout d'un préfixe sur la forme imperfective pour constituer sa forme perfective (boire : пить / выпить, mais avec cette dernière forme le verre est probablement vide…), même si quelques couples aspectuels ont des formes différentes (placer : класть / положить).


■ Au 2e chapitre – "Le silence du grec. Son, accents, et esprits" – l'auteure rappelle que la sonorité du grec ancien est définitivement perdue. Il est dommage que le procédé imaginé par Pierre Raufast dans 'La variante chiliienne' pour faire renaître des sons du passé ne soit qu'un rêve (un potier y lit de microsillons imprimés pendant le façonnage de vieilles poteries) ! Même les cris d'animaux s'énoncent différemment dans différentes langues. Ainsi, en anglais, un chien aboie 'arf arf' s'il est petit et fait 'bow bow' s'il est gros, tandis que tous font 'gaf gaf' en russe (p. 71).
En écrivant cette phrase, il me vient à l'esprit que parmi nos célèbres hommes politiques, Nicolas S. dit plutôt "arf arf" et J.L. M. "bow bow" ; allez savoir pourquoi !
Il n'est plus possible de reconstituer la prononciation des lettres du grec ancien, même à partie d'onomatopées ou de sons encore connus. Il est cependant établi que les voyelles grecques ont chacune une forme brève et une forme courte, comme en russe.


■ Dans "Trois genres, trois nombre" (chapitre 3) l'auteure présente le genre neutre en grec ancien (ce genre existe aussi en russe et en allemand), ainsi que le duel (nombre désignant des choses allant par deux, formant un tout). Le neutre correspond à des objets inanimés, les objets animés étant masculins ou féminins.
Le russe distingue aussi parfois les inanimés des animés, mais uniquement pour la fonction de l'accusatif (cas du COD, ou du lieu de destination) au pluriel et au masculin singulier. S'ils n'utilisent pas le genre duel comme les anciens grecs, les Russes déclinent en revanche différemment les objets désignés après les cardinaux de 2 à 4, et ceux désignés après les cardinaux de 5 et au-delà (comme s'il y avait pour eux un 'petit pluriel' et un 'grand pluriel' ; sauf que les objets désignés après 11, 21, 31, … se déclinent comme après 1, et les objets désignés après 12, 13, 14, 22, 23, 24, 32,... comme après 2, 3, et 4).


■ Au chapitre 4 - "Les cas ou une anarchie ordonnée des mots" - nous découvrons les déclinaisons des substantifs selon cinq cas : nominatif, accusatif, génitif, vocatif, et datif. En grec ancien l'ordre des mots était totalement libre : la désinence finale des substantifs permettait de comprendre leurs fonctions respectives dans la phrase. Contrairement au français (qui emploie d'autre mots pour expliquer la fonction des noms dans la phrase, comme les prépositions), d'autres langues modernes sont flexionnelles (le fléchissement de la fin de mot désigne sa fonction) : latin (6 cas : nominatif, vocatif, accusatif, génitif, datif, ablatif), allemand (4 cas : nominatif, accusatif, datif, génitif), grec moderne (4 cas : nominatif, accusatif, génitif, vocatif), russe (6 cas : nominatif, accusatif, génitif, datif, instrumental, locatif), etc.


■ "Un mode nommé désir : l'optatif" est le titre du 5ème chapitre. L'optatif permettait en effet d'exprimer des désirs (il est aussi appelé désidératif) ou les espoirs.


■ Au 6ème chapitre, l'auteure donne des conseils pour les exercices de traduction : le dictionnaire est souvent nécessaire mais le recours systématique à cet outil peut empêcher l'étudiant de développer ses capacités de déduction. La connaissance de la culture des utilisateurs de la langue est aussi primordiale. Il me semble que l'on peut transposer ces conseils à l'apprentissage d'autres langues.


■ Le 7ème et dernier chapitre - "Le grec et nous, toute une histoire" - est intéressant mais vient à mon avis trop tardivement dans l'ouvrage. Faisant le lien entre la culture grecque antique et la langue parlée de l'époque, cette partie du livre aurait en effet mieux trouvée sa place au début. Les explications relatives à la naissance du grec moderne y sont particulièrement bienvenues.


Tout au long de ce livre, l'auteure explique bien les raisons de son attachement au grec ancien, malgré des difficultés d'apprentissage mises en évidence. Même si celui-ci est destiné à tous, je suppose que ceux qui ont étudié le grec ancien y trouveront beaucoup plus d'échos et d'intérêt que les autres. Je comprends mieux l'intérêt que l'on peut trouver à l'étude du grec ancien, mais n'ai pas plus envie de m'y pencher qu'avant cette lecture…
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C'est l'histoire d'une passion.
Une passion qui dure depuis l'enfance.
La passion de l'auteur pour le grec ancien.

Elle fait le parallèle entre nos langues et le grec ancien.
Chez nous, la notion de temps est toujours représentée.
Chez les grecs, c'est la notion du comment.
Le grec ancien est influencé par la langue indo-européenne qui a disparu.

Après un début très accessible, tout devient plus pointu et donc plus ardu à lire.
On notera cependant certaines notions, comme l'appauvrissement de la langue. Avec entre autre la disparition du mode optatif.
L'auteur prodigue conseils et encouragements pour aborder l'étude du grec ancien de manière positive.
L'étude de cette langue, dit-elle, ouvre l'esprit et permet de se connaitre soi-même.
C'est une étude très complète sur l'origine, la complexité, l'évolution, voire la disparition d'une langue.
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Surprise, Andrea (prénom masculin) est le prénom d'une « jeune ambassadrice italienne du grec ancien », blonde aux yeux clairs (autodescription p 73 avec photo à l'appui sur le bandeau du livre). le titre et l'image font vendre, et tant mieux si cela augmente la diffusion du livre.

C'est déjà un best-seller, et pourtant le texte n'est pas facile. Il traite de l'aspect au sens linguistique (trait grammatical associé à un prédicat exprimant le point de vue de son développement), des accents et des esprits dont nous étions jadis dispensés dans les thèmes, du neutre et du duel, de la beauté de l'aoriste, des trois sortes d'optatifs, etc. le thème profond n'est pas la pensée ou la littérature grecques mais l'histoire linguistique, cette simplification progressive de l'indo-européen vers le grec classique puis vers la koinè, le créole antique. Je ne suis pas sûr que les 200 000 lecteurs aient tout goûté, mais le texte est rafraîchi par l'usage de la première personne, par des aveux, des anecdotes et des parenthèses. Plus discutables à mes yeux sont les encarts nombreux, comme dans un guide touristique, sans lien nécessaire avec le passage en cours (« les siècles obscurs » de l'encart p 24 sont repris dans le chapitre sur « le grec avant le grec » p 167) et même avec le grec lui-même (l'encart sur les tabous linguistiques p 98 mentionne des langues exotiques et non « la langue géniale »). Néanmoins de nombreux passages parleront à ceux qui « ont fait du grec » et en gardent la nostalgie : « Sa manière de s'exprimer foudroyante, synthétique, ironique, franche, dont nous éprouvons, soyons sincère, une nostalgie inconsciente » p 6), « Toutes les langues étrangères se traduisent. le latin et le grec se tournent, c'est-à-dire qu'elles font l'objet de versions » (p 130), même s'ils ne le pratiquent plus (« Pour la plupart, le moment de l'oubli se situe exactement une minute après avoir rendu sa version de grec au bac » [p 16]).

Question pour la fin : Qui a fait le décompte des 9 bonnes raisons d'aimer le grec ?

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Parce que j'aime lier voyages et lectures, j'ai choisi cette fois la passion d'une brillante helléniste. J'ai étudié le latin mais pas le grec ancien et l'ex-khâgneuse en moi s'est réjouie de la vitalité avec laquelle l'autrice redonne vie à une langue dite morte. J'aurais aimé qu'un ouvrage similaire consacré latin eut existé pour m'éclairer quelques lanternes.

Nul besoin d'être helléniste pour apprécier cet ouvrage ! Passées quelques technicités, il est accessible à tous ceux qui s'intéressent aux mutations sociolinguistiques et souhaitent ouvrir leurs chakras. Plus personne n'échange en grec ancien mais doit-on pour autant s'affranchir d'une façon éclairante de dire l'homme et le monde ? Il est bon de se rappeler que les Grecs antiques n'ont pas toujours été des statues muettes réservées à quelques élites et placards poussiéreux, mais bien un peuple devant échanger, commercer, débattre... L'autrice redouble d'humour et d'anecdotes personnelles pour mettre cette langue à notre portée et en prouver toute l'humanité. Beauté et spiritualité.

Le grec ancien se préoccupait peu, voire pas du tout, du temps. Les Grecs s'exprimaient en prenant en considération l'effet des actions sur le locuteur. Eux, qui étaient libres, se demandaient toujours comment. Nous, qui sommes prisonniers, nous nous demandons toujours quand.

Andrea Marcolongo ranime les subtilités grammaticales tombées dans les abysses de l'Egée au nom de la démocratie de l'usage. Au-delà d'un mode et d'une règle de grammaire, l'optatif était un délicat moyen d'exprimer le souhait. Il en va de même pour le subtil duel aujourd'hui dilué dans l'universel pluriel. Elle regrette ces fragiles témoins d'une intelligence jamais binaire, d'une façon de penser le monde et de le vivre. L'apprentissage du grec ancien façonne le raisonnement à l'aide de points de vue différents, plus nuancés et exprimant des sensibilités dont le cerveau regorge, peu importe l'époque.

L'étude du grec contribue à développer l'aptitude à vivre, à aimer, au goût de l'effort, à choisir et à assumer la responsabilité de ses succès et de ses échecs.

Généreuse, l'autrice partage un enthousiasme qui devrait être le premier ingrédient de tout enseignement linguistique et qui se fait pourtant si rare. Elle montre l'importance de faire preuve d'empathie pour ceux dont on étudie la langue. Pour comprendre Homère, quoi de mieux que de se mettre dans ses sandales ? Une méthode sensitive et ludique comme une chasse au trésor éloignant les sirènes mortelles de l'ennui.

Ceux qui ont connu la rare grâce d'aimer vraiment sauront toujours distinguer la différence d"intensité et de respect qu'il y a entre penser "nous deux" et penser "nous" ; mais ils ne savent plus le dire. Pour le dire, en effet, il leur faudrait le duel du grec ancien.

Enfin je suis ravie qu'un livre consacré au grec ancien soit un best-seller traduit en plusieurs langues. Donnée encourageante pour l'érudition et l'ouverture d'esprit. Tout n'est peut-être pas perdu finalement.

Je me réjouis de découvrir ses prochains ouvrages.
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critiques presse (1)
LeMonde
16 février 2018
La Langue géniale est en effet un livre très austère dans le fond, et très charmant dans la forme. C’est une longue lettre d’amour à la grammaire, témoignant d’une passion obstinée et fiévreuse, intelligente et communicative, pour les tournures linguistiques des Grecs antiques.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (34) Voir plus Ajouter une citation
En bonne originaire du Chianti, je voudrais parler du vin dans la Grèce antique.
Appelé Nectar des dieux, Sang de Dionysos ou Ambroisie de l’Olympe, il avait, nous l’avons déjà dit, un degré d’alcool très élevé : cela était dû au soleil brulant de la Grèce associé à des vendanges très tardives, lorsque les feuilles des vignes étaient déjà tombées.
La consommation de cette boisson remonte à l’époque mycénienne, vers la fin du IIe millénaire avant J.-C., comme le prouve la découverte de cruches dans lesquelles les analyses chimiques ont confirmé la présence de vin.
[…] On dit aussi qu’il était d’usage de le boire coupé d’eau, non seulement, pour d’évidentes raisons d’ordre public, mais aussi pour une question d’identité : les Grecs étaient horrifiés par les barbares qui, eux, buvaient le vin tel quel, pur. Par exemple, au chant XI de l’Iliade, Nestor offre au médecin Machaon du « vin de Pramnée » (c’est-à-dire en provenance d’Icarie et considère ainsi comme le premier « vin AOC » de l’histoire) « mélangé à de la farine blanche et à du fromage râpé ». Un délice, en somme : les héros d’Homère dégustaient cette mixture quand le moment était délicat, lorsqu’ils étaient blessés ou après des combats exténuants. Elle portait même un nom, cette pâtée : on l’appelait cycéon (ϰυϰεών)
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Difficile de penser sans le temps, mais le temps n'existe pas ; ce qui existe c'est une fin pour chaque commencement, et un commencement pour chaque fin. Les paysans et les marins le savent : on moissonne pour semer et récolter de nouveau, on accoste au port pour lever l'ancre, traverser la mer et accoster de nouveau. Difficile de voir, pour nous qui regardons toujours notre montre, notre agenda, de calendrier, en décomposant l'organisation de notre vie dans le temps, que tout change et qu'en même temps tout reste : "je reste" et "je t'attends" ont la même racine dans les verbe grecs μένω et μίμνω.
Difficile pour nous, mais non pour le grec ancien, cette langue qui percevait non le temps mais le processus, et qui, grâce à l'aspect du verbe, exprimait la qualité des choses qui semblent toujours nous échapper - quand, la question que nous nous posons toujours, sans jamais percevoir comment.
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Voir mon premier livre traduit en français est pour moi un pur émerveillement. Parce que La langue géniale est le récit d'une langue, le grec ancien, qui n'a jamais cessé de séduire les hommes et les femmes de toutes les époques et de toute provenance, par sa grâce, son élégance, et surtout son étrangeté.

Traduire signifie, selon le latin, prendre le lecteur par la main, l'accompagner au-delà de sa façon de penser par le biais d'une langue inconnue afin de dévoiler la magie, lever le voile sur le sortilège des mots et les faire devenir une réalité surprenante, une passion.
C'est pourquoi voir mes propres mots nés dans une langue, l'italien, pour raconter une autre langue - ce grec que Virginia Woolf appelait en 1905 The magic Language -, accoster dans un nouveau port, celui de la langue française, tient pour moi de la véritable magie !
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En écrivant, je me suis rendu compte que la fracture du sens entre les Grecs et nous se trouve entièrement là, à l’époque hellénistique et celle de la chonia — et pas dans les salles d’un quelconque lycée classique d'aujourd’hui. Ce qui a été oublié durant cette phase de l’histoire du grec, est, ironie du sort, exactement ce dont j’ai tâché de ranimer la mémoire en écrivant ce livre. Peut-être que le grec ancien est mort au moment même où les Grecs ont arrêté de penser comme des Grecs anciens. Ou peut-être qu’il a commencé à mourir à ce moment-là; bien que, autre ironie du sort, le verbe grec thneskô, "mourir", n’admette que l’antique aspect du présent, parce que ou l'on est vivant ou on ne l’est plus.
Ce qui est certain, c’est que lorsqu’une langue devient la langue de tous, elle devient en réalité la langue de personne.
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Il s’est fait tard, trop tard, pour nous, linguistiquement, il s'est écoulé trop de temps, et désormais nous ne percevons plus l'aspect des choses et nous ne savons plus l’exprimer grammaticalement dans notre langue. Nous devons donc nous efforcer de trouver une autre façon de dire ce sens particulier de satisfaction ou de réalisation, de manque ou de désir, qui nous protège du pouvoir destructeur ou conservateur du temps.
Telle cette petite fleur, le myosotis, encore appelée "ne m’oubliez pas".
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Surnommé "Il Cavaliere", Silvio Berlusconi a été au coeur de nombreux scandales sexuels et de nombreux déboires judiciaires. Son empreinte est et sera durable tant il incarne les succès et les outrances de l'Italie paillettes.
Pour en parler Guillaume Erner reçoit : Marc Lazar, professeur émérite à Science Po. Andréa Marcolongo, journaliste et écrivaine italienne. Enrico Letta, président de l'Institut Jacques Delors et ancien Président du Conseil des ministres italiens.
#berlusconi #italie #politique ____________ Découvrez tous les invités des Matins de Guillaume Erner ici https://www.youtube.com/playlist?list=PLKpTasoeXDroMCMte_GTmH-UaRvUg6aXj ou sur le site https://www.franceculture.fr/emissions/linvite-des-matins
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