Un marivaudage avec des scènes qui pourraient être du
Molière sans que
Sade n'apparaisse...
Côté marivaudage, c'est du classique : le comte aime la Marquise, qui prétend n'aimer personne mais offre son amitié au chevalier qui, lui, refuse d'aimer après avoir trop souffert. Les personnages dissertent sur la différence entre l'amitié et l'amour, se frôlent, se croisent, se brouillent. La suivante et le valet se séduisent et se mêlent des affaires de leurs maîtres pour faciliter leur propre rapprochement. La pièce pourrait presque basculer dans la tragédie dans les dernières scènes, où la dissimulation et l'impossibilité d'être sincères pourraient presque amener les personnages à regretter de ne pas s'être compris.
Mais selon moi, les scènes les plus réussies auraient pu être écrites par
Molière, ou, en tout cas, elles y font penser. Ce sont les deux échanges entre le valet Lubin et Hortensius, qui peut faire penser au Maître de philosophie du Bourgeois gentilhomme. Il est qualifié de "pédant" dans la présentation des personnages. Au XVIIIème siècle, c'est une sorte de précepteur. Certes, il lit des livres, a des références latines, mais il n'est qu'un domestique de rang un peu plus élevé, qui peut être congédié. Et s'il aimerait plaire à la maîtresse, c'est à la suivante qu'il fait la cours. "Pédant" a surtout un sens péjoratif dès l'Epoque moderne, c'est celui qui fait l'étalage de sa science. D'où les échanges savoureux entre ce pédant qui traite l'amour comme un sujet philosophique, et Lubin qui préfère la pratique...
Enfin,
Sade n'apparaît pas. Les personnages ne sont pas séducteurs, ils sont honnêtes - même s'ils se dissimulent leurs sentiments. Car j'ai d'abord cru que le chevalier feignait le chagrin d'amour pour provoquer la jalousie de la marquise et donc la séduire plus rapidement. Non, marivaudage n'est pas libertinage.