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EAN : 9782380822526
503 pages
Anne Carrière (25/11/2022)
4.36/5   11 notes
Résumé :
Sur les terres meurtries de Zanabé, la guerre civile gronde. Les exactions des soldats Kétas se multiplient et divisent le peuple Liu.
Dans un petit village protégé par l’épaisse forêt du Centre, Eïvan, maître guérisseur, tente de pacifier les esprits et de réconcilier les cœurs. Mais l’arrivée de Taena, une intrépide Liu, pourrait réveiller une blessure que toute sa magie n’a pas su apaiser...

Confrontée à la violence et à l’injustice, la jeun... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Comment résumer, ou même simplement appréhender un tel livre ? Si ce n'est pas tout à fait un coup de coeur, je peux quand même affirmer que ce roman m'a fait forte impression ! et pour cela, il me faut avant tout remercier (une fois encore) Lirtuel, la bibliothèque virtuelle belge francophone gratuite, qui a eu la bonne idée de proposer cette histoire dans son catalogue !
Mais je le dis aussi d'emblée : âmes sensibles s'abstenir, car plus d'un passage de ce livre est réellement insoutenable, même s'il ne s'agit « que » de fiction relevant de la fantasy, mais qui touche quand même à ce qui ressemble à un véritable génocide.

Le résumé le dit mieux que moi, mais tentons malgré tout : dans un monde imaginaire du nom de Zanabé, vivent deux peuples, les Kétas et les Lius… qui, depuis une « Catastrophe » toujours présentée avec une majuscule, mais jamais vraiment expliquée jusqu'à la fin, a vu une séparation effective et même légale de ces deux peuples. Les Kétas sont les dominants, les maîtres et seigneurs, les seuls ayant de réels droits, tandis que les Lius vivent sous le joug (et les nombreuses exactions) des premiers, dans des villages plutôt pauvres éloignés des centres urbains, et ont réellement intégré cette notion d'êtres inférieurs malgré quelques élans de révolte ici ou là.
Dans ce monde terriblement divisé, c'est une jeune narratrice qui s'exprime à la première personne du singulier : Taena, jeune femme Liu, a abouti dans un village de son peuple, après avoir complètement perdu la mémoire, malgré des bribes de phrases, toutes visant à la révolte active contre les Kétas, qui surgissent régulièrement à son esprit, venant d'un passé qu'elle ne connaît plus. Dans ce village, elle est accueillie avec chaleur et bienveillance, notamment par un Guérisseur dont la renommée s'étend de plus en plus, Eïvan. Ce dernier, admiré par les siens, parfois raillé pour sa prétendue grande naïveté, et vaguement craint par certains Kétas, reste persuadé envers et contre tout que seul l'amour et la compréhension entre les deux peuples pourra sauver leur monde…

Dans ce contexte plus qu'électrique, l'autrice introduit un certain nombre de notions plus ou moins ésotériques, dont par exemple le « Lieu du silence » où chacun, après un entraînement spécifique et assidu, peut retrouver son moi intérieur le plus profond, généralement sous la forme d'un animal – c'est ainsi qu'Eïvan est le fameux Cerf du titre, tandis que Taena se trouvera très vite capable de rejoindre son propre Lieu du silence sans avoir jamais suivi d'entraînement, avec tous les dangers que cela comporte – car, évidemment, il faut bien un peu de piquant, on ne rejoint pas ce Lieu de silence sans risque pour sa propre santé mentale. Si cet aspect-là est plutôt bien travaillé, et heureusement car il très présent dans l'histoire et essentiel à sa compréhension générale, je dois dire que son côté « melting-pot » de diverses spiritualités – ésotériques, aussi, comme je disais plus haut – qui sont ici certes centralisées pour le propos de l'autrice et tout à fait maîtrisées, ne m'a pas tout à fait convaincue, mais ça reste plutôt beau et agréable à lire.

Après tout, il faut bien qu'il y ait du « beau » quelque part, car ce livre est aussi très dur à plus d'un endroit, voire même insoutenable : âmes sensibles s'abstenir ! Sans vouloir trop divulgâcher, on a droit à des passages portant sur la déportation planifiée des habitants des villages Liu, et organisée manu militari (au sens propre comme figuré) par les Kétas, vers les régions les plus inhospitalières de leur monde… afin de, on l'a compris, éradiquer ce peuple ! Ces passages-là, qui font une grosse moitié du livre (je dis ça « à la grosse louche ») à partir du moment où, comme par hasard, Taena commençait justement à aller mieux dans son village d'adoption, sont vraiment rudes et je n'ai pas pu les lire d'une traite…
Le pire, sans aucun doute, c'est qu'ils font écho à toute une série de situations connues (anciennes ou plus récentes) de par le monde, dans lesquelles un peuple d'hommes supposément « supérieurs » cherche à asservir, voire anéantir un autre peuple qu'il considère comme inférieur ou tout simplement gênant. Et certaines images, faisant partie de l'inconscient collectif, ressurgissent alors avec force… et un certain dégoût. Ai-je besoin de préciser ? Réellement, les Kétas sont les nazis face à tous les « Lius » qu'ils ont envoyés dans des camps ; ils sont les Blancs qui ont pratiqué la tristement connue « traite des nègres » (dans des conditions qui n'avaient rien à envier à la déportation massive, à pieds, de nos Lius ici); ils sont les colons juifs en Israël qui voudraient que tous les Palestiniens disparaissent et les ont déjà parqués sur des terres réduites ; ils sont les Turcs lors de l'exode des Kurdes si magnifiquement et terriblement relaté par Ian Manook dans « L'oiseau bleu d'Erzeroum » ; et il y a hélas encore bien d'autres exemples de ce qu'on ne peut appeler autrement qu'un génocide !
Le fait, en plus, que l'écriture soit fluide et très visuelle, renforce le sentiment de malaise qui ne cesse de grandir – autant qu'un certain émerveillement lors des passages dans le « Lieu du silence », du moins quand ça se passe bien, même si on reste un en retrait de cette approche de l'histoire.

Et pourtant, ici, s'il y a génocide, il rend le lecteur réellement incrédule. En effet, d'emblée, une question m'est venue à l'esprit : à part le fait que les Kétas ont les cheveux nattés (ce qui est interdit aux Lius, au risque d'aller en prison !) et portent des colliers de disques de métal, je cite : « blasons familiaux auxquels chaque génération ajoutait un nouveau rang » (ce qui est donc tout autant interdit aux Lius, qui n'ont de toute façon pas les moyens de s'offrir de tels colliers !) ; bref, à part ces deux particularités très visibles, mais tout à fait extérieures et « artificielles » en réalité, rien ne semble réellement distinguer ces deux peuples – que ce soit une couleur d'yeux, de cheveux, de peau, une différence marquée et systématique de taille, une différence notable dans les us et coutumes, ou que sais-je encore : non, rien de tout cela ! Alors, pourquoi cette distinction et, partant, pourquoi cette haine qui divise les deux peuples ? au point que, par exemple, si un Kéta tombe amoureux d'une Liu, il se verra condamné à la prison et au ban de sa propre société, et ne parlons même pas du sort réservé au partenaire Liu ou aux éventuels enfants ! Il n'y a même pas de différence de religion (un autre grand classique de division humaine) : les Kétas comme les Lius partagent une même religion, à la menue différence que, dans leur panthéon spécifique, les Kétas préfèrent un dieu là où les Lius vénèrent une déesse, mais de toute façon les deux son liés!
Ainsi, l'autrice laisse planer les questions sur ce point jusqu'à la fin du livre, et la solution qu'elle y apporte est presque trop simple, peut-être parce qu'on la voyait un peu venir, et aussi parce qu'elle ouvre la porte à un happy end qui n'est pas réaliste, quand on a été hanté par les situations réelles évoquées ci-dessus, à travers toute la lecture de ce livre. Mais bon, je le disais plus haut : on est dans une fiction de fantasy, autant terminer sur une note laissant croire qu'un espoir de réconciliation est toujours possible… et on referme ce livre, charmé par la découverte d'une jolie plume intéressante, mais on reste hanté par toutes ces images de génocides auxquelles se superposent les images que cette écriture acérée a pu faire naître en nous.
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Dépaysement garanti avec ce roman fantasy qui se lit avec un intérêt grandissant.
Tout est raconté par Taena, une jeune femme Liu qui a été sauvé par Eïvan, le guérisseur du village d'Ahmra. Elle raconte son amnésie, l'adaptation dans ce village inconnu pour elle, le court répit et puis la guerre qui éclate et qui la fait prisonnière avec les autres Lius. Taena et les autres prisonniers connaîtront la sauvagerie des soldats Kéta, le désespoir...
Il y a beaucoup d'action et d'émotion dans ce livre. Beaucoup d'amour et de solidarité aussi. On voyage entre deux mondes, on fait la connaissance du Lieu de la pensée et du Lieu de silence où des transformations s'opèrent.
Les personnages sont intéressants et attachants.
Impossible de lâcher le livre.
Une très belle surprise.

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Taena a été sauvée par un mystérieux guérisseur, mais elle ne se souvient de rien. Ce roman va nous être narré par cette dernière, qui va nous transporter à travers ces découvertes, et la gestion de son amnésie. Elle est liu, et va vivre subir la guerre avec les autres lius du village, elle va surtout subit la violence et la quête de sens.

Ce roman est très poétique à mon sens, car il va chercher l'espoir et la force dans des situations difficiles. Beaucoup de situations sont gérées à travers l'amitié, et l'entraide. L'aspect fantastique est finalement très léger, presque inatteignable, et permet à nos personnages de s'évader...

J'ai vraiment ressenti cette lecture comme un voyage très rapidement, j'ai voyagé entre la magie, les animaux, et malheureusement la guerre. Cette ambiance magique et belle omniprésente m'a donné cette impression forte que la bienveillance finira pas vaincre. C'est vraiment ici la force de la plume d'arriver à transporter le lecteur dans ce cocon malgré les sujets sombres abordés.

Un roman unique en son genre que je recommande chaudement
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Roman de fantasy pour grands adolescents.
Récit riche d'une histoire originale écrit dans une belle langue française qui nous plonge dans les horreurs d'un peuple scindé en deux par la convoitise et la jalousie, les puissants ayant décidé d'annihiler leurs frères. Les personnages prennent vie sous la plume de l'auteur, leurs croyances sont bien expliquées au fur et à mesure de récit et l'intrigue est complexe, à rebondissements et retournements liés à la nature humaine. Un livre plutôt original et riche de personnages bien imaginés, complexes avec leurs forces et leurs failles. Une belle langue pour accompagner les aventures, les tourments et les choix de nos héros.
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Une histoire bien construite mais surtout un style d'écriture qui réussit en quelques mots à nous plonger dans l'univers du roman. E.E. Schmidt fait la distinction entre les "écrivants" et les écrivains. L'écrivant utilise les mots pour communiquer (les mots comme moyen). L'écrivain crée une atmosphère avec les mots (les mots comme moyen et comme fin). Cécile Marre est assurément une écrivaine tant son écriture nous emporte dans l'histoire.
Et tant la première que la dernière phrase nous révèle la qualité du texte qu'elles contiennent.
Il y a des livres qu'on lit et des livres qui nous emportent. Ce coeur de cerf est assurément la deuxième option.
À lire sans délai.
Lien : https://vanhenten.be
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Le coeur battant, je me perchai sur un lampadaire éteint et contemplai la scène sans comprendre. Ils ne le voyaient pas. Ils ne voyaient pas le Cerf de deux mètres de haut qui passait entre eux et la fontaine asséchée. Tandis que la croupe d'animal disparaissait dans une autre rue, je traçai un arc devant leurs visages, pour constater qu'ils ne me remarquaient pas non plus. 'Seuls les maitres peuvent discerner le reflet de quelqu'un d'autre', expliqua Eïvan dans un coin de ma mémoire et le mystère s'éclaira. Après mon premier envol lors de la cérémonie, il avait décrit la différence entre pénétrer dans son reflet et s'incarner. Battant des ailes, je m'éloignai pour rejoindre le Cerf, quand un geyser d'énergie sombre jaillit des profondeurs de ma poitrine. Il me plaqua au sol avec un bruit de roches dégringolant d'une falaise. Mes mains frappèrent les pavés. Je regardai mes pieds. J'étais redevenue humaine.
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Le tas formé par les fruits, légumes et grains dans le charriot des percepteurs nous arriva bientôt à la poitrine. Tandis que nous chargions nos précieuses denrées, je ressassais l'injustice de notre condition. Les Lius n'avaient certes pas les même droits que les Kétas, mais nous aurions dû être protégés contre ce type d'abus. C'était inscrit dans le Traité.
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Sous leurs casques de résille en cuir rouge, leurs cheveux étaient séparés en nattes très fines. Cette coiffure, marque du peuple kéta, nous était interdite. Un Liu qui se nattait les cheveux pouvait aller en prison. Ils exhibaient les traditionnels colliers de disque de métal, blasons familiaux auxquels chaque génération ajoutait un nouveau rang. Les chaînes des familles les plus anciennes et les plus respectées pouvaient descendre jusqu'à la taille.
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Ceux qui consommaient trop de champignons perdaient tout sens commun, au point de voler leurs familles, de se montrer nus en public ou même de brandir des couteaux contre leurs propres mères. Je les méprisais. Mais le guérisseur dévisageait le malade avec gentillesse et gravité - comme s'il voyait en lui un animal blessé plutôt qu'un dangereux toxicomane.
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Maintenant que nous marchions aux côtés de gens libres, le contraste était saisissant. Les résistants n'avaient pas l'air riches ni joyeux, mais ils étaient ... vivants. Ils parlaient, bougeaient, se regardaient. Les évadés, eux, avaient l'air de chiens battus. Leurs regards étaient hantés. Ils allaient où on leur disait, s'arrêtaient où on leur demandait, les bras le long du corps. Passifs comme des vestes au rebut.
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