La mort étant l'un des thèmes récurrents de Matheson, au même titre que la solitude, la folie, l'amour avec un grand A, le combat d'un héros contre l'inconcevable..., on peut dire que cet
Au-delà de nos rêves concentre un peu tous ses "dadas", puisqu'il a pour sujet la lutte d'un homme, mort dans un accident de la route, tentant par tous les moyens de reprendre contact avec son épouse tant aimée, d'abord dans le monde des vivants, puis dans l'au-delà.
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À vrai dire, si j'avais voulu creuser le sujet de l'au-delà, je me serais tournée vers un essai, ou l'un des nombreux livres sur la question, et ils ne manquent pas.
Mais ce qui est certain, c'est que je ne m'attendais pas à cet embrouillamini de croyances sur la vie après la mort en commençant ce Matheson. Je voulais une histoire, pas un discours mystique qui me laisse dans les gradins du fond à patienter en regardant le nombre de pages restantes... Juste un bon scénario auquel je puisse adhérer, même si c'est celui d'un homme coincé dans l'au-delà, sans me poser les grandes questions existentielles évoquant la conséquence de nos actes, ou le sort des âmes des suicidés...
J'étais à mille lieues de m'imaginer que j'allais mettre les pieds dans un récit reposant sur un mix de croyances sur la réincarnation et l'importance du karma, reprenant des théories ésotériques et spirituelles (très New Age) éparpillées un peu à tout vent, au-dessus d'un assemblage de religiosité moralisatrice, et presque formulé en guise d'avertissement. Dommage...
Fort heureusement, j'ai tout de même retrouvé ce que j'aime chez l'auteur grâce à quelques bons passages :
- Pendant la première moitié, le malaise indéfinissable qu'éprouve le héros a gagné mon intérêt à mesure que sa descente dans la sphère inférieure devenait sombre, terrifiante et infernale. Sorte de revisite des neuf cercles de L'Enfer de
Dante, ce fût le moment culminant du récit pour moi.
- le bras de fer psychologique avec l'épouse, dans une maison cauchemardesque, et les tentatives de persuasion du héros dans l'angoissante décrépitude d'un lieu qui aurait pu tout droit sortir d'un des romans de
Stephen King pour le sentiment de malaise éprouvé.
Il m'a manqué un voile indéfinissable de fantastique, une aura d'illusions, une
brume de chimères, pour envisager le thème pourtant passionnant de la frontière entre mort, rêves, et réalité tronquée, qui était au centre du récit. Ils auraient permis d'ouvrir la voie vers un champ narratif plus large et subtil, et auraient décloisonné un récit s'enfermant peu à peu dans des thèses idéologico-spirituelles un brin aveuglantes.
Carrément lumineux a aussi été le dénouement, je l'ai vu arrivé de loin, comme un gyrophare céleste.
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Très récemment, j'ai regardé l'adaptation ciné de
L'Homme qui rétrécit réalisé en 1957 (vraiment bien d'ailleurs !), et je me suis faite la réflexion que dans toutes les histoires de l'auteur (
Je suis une légende, le jeune homme…, celui-ci, ainsi que
L'Homme qui rétrécit), c'est toujours le combat d'un homme, sa ténacité, son courage, que ce soit face au surnaturel, à l'horreur, et à la mort, qui est au centre du récit, ses héros faisant toujours preuve d'un idéalisme passionné, d'une forte abnégation, ou d'un amour invincible. Pourtant le côté sentimental et même romantique de Matheson est bien là, mais sans la force insufflée dans
le jeune homme, la mort et le temps.
Sauf qu'ici, le héros n'a pas le charme romanesque de ses pairs... Et que le pouvoir fictionnel se noie carrément dans le propos.
Bon, cette petite désillusion ne freinera nullement mon envie de lire
La maison des damnés, car je sais que Matheson saura me ravir à nouveau, et sans intervention divine ;-)
Et je suis tout de même curieuse de voir comment Vincent Ward a adapté ce roman avec
Robin Williams dans le rôle principal ;-)