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EAN : 9791097594169
202 pages
Serge Safran éditeur (16/08/2018)
3.54/5   12 notes
Résumé :
En 2024, dans une Serbie devenue un état totalitaire, Bojan Radic, jeune professeur d'anglais au chômage, est contacté par Velibor Stretenovic, chef du Service national de la Sécurité, pour enseigner l'anglais à ses enfants, langue pourtant interdite de l'Occident ennemi. D'abord sur ses gardes, Bojan se rapproche de Stretenovic et commence à voir d'un meilleur jour la politique du Gouvernement de l'Unité populaire dont la devise est : UNITE FOI LIBERTE. Mais quand ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
On n'entend plus parler de la Serbie. Comment vit-on à Belgrade aujourd'hui ? Quinze ans après les cent cinquante mille morts et quatre millions de personnes déplacées des « guerres de Yougoslavie », j'avoue que je n'en sais rien. Nos chers medias, champions autoproclamés du décryptage et de l'investigation, sont partis se poser comme un essaim de mouches sur une autre plaie. L'Egout, écrit en 2009 et qui parait en français ces jours-ci, en donne une vision intéressante dont la couleur dominante est le noir. L'adjectif est utilisé soixante deux fois ce qui, en un peu moins de deux cents pages, est considérable.
C'est un roman d'anticipation, dans lequel l'auteur décrit la Serbie de 2024 comme un état devenu totalitaire dont la plus grande fierté est d'avoir réconcilié Communisme et Nationalisme. Je dois dire que la démonstration en est assez réussie, en particulier lorsque le chef de la police secrète explique que les deux idéologies ne différaient que sur deux points : la question religieuse (athéisme ou orthodoxie) et la propriété (collective ou individuelle). Tout le reste était commun (recherche de l'unité, primauté du peuple, système centralisateur, police, armée et justice musclées, rejet de l'Occident, de ses valeurs décadentes et de ses comportements déviants). En nationalisant et en associant étroitement l'église orthodoxe au pouvoir la synthèse était réussie et acceptée. L'auteur nous propose une vision « orwellienne » d'un communisme religieux ou d'un nationalisme collectiviste.
C'est très noir, bien écrit avec un ton parfois très ironique qui correspond bien au destin individuel du héros dont la descente aux enfers lui fait côtoyer toutes les tares, toutes les bassesses, toutes les infamies qui ont pu s'abriter et qui s'abritent encore derrière ces idéologies cauchemardesques. L'éditeur nous dit que l'auteur est actuellement enseignant à Istambul. Sans doute est-ce l'occasion pour lui de s'approcher encore un peu plus de son anticipation.
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Bonjour Bojan Radic.

Vous faites parties des « Anglais », ces mercenaires au service de nos sataniques ennemis, ces maudits Occidentaux toxicomanes homosexuels sidéens dépravés qui n'ont pour objectif que d'éliminer notre chère et sainte Serbie. Faut pas vous étonner si plus personne n'entre en contact avec vous ! Vous l'avez bien mérité !

Professeurs d'anglais, traducteurs d'anglais, vous êtes tous les mêmes ! Des mercenaires !

Radic, mesurez-vous la chance dont vous bénéficiez grâce à Velibor Sretenovic, directeur du Service national de la Sécurité ? Il vous accorde la grâce d‘enseigner à ses deux jeunes enfants ! Vous allez leur enseigner l'anglais. Oui, c'est interdit, mais il faut bien que nous sachions ce que dit, ce que pense, ce que prépare l'ennemi. Pour ça nous devons connaître leur langue.

Pourquoi avez-vous été choisi ? Vous n'avez aucune famille, plus de relations, n'est-ce pas ? Vous, vous serez capable de tenir votre langue puisque vous n'avez plus personne à qui parler. Sinon…
Alors, cette exécution publique des deux homosexuels, qu'est-ce que ça vous a apporté ? Ah ! Une énergie nouvelle ! Vous avez appris avec précision quelles choses ne plus jamais faire ! Bien ! Vous savez maintenant quelles idées rejeter… Vous avez appris sur quelles voies vous lancer à l'avenir ? Parfait !

Grâce à monsieur Stretenovic, qui vous invitait à sa table, votre esprit a pu changer : alors que vous considériez auparavant que la suppression de l'anglais était injuste, vous comprenez maintenant que c'est une évolution indispensable de la société. Vous admettez que l'interdiction d'utiliser un ordinateur se justifiait. Comment ? Vous dites que c'est même la seule solution possible ? C'est bien ! Votre conscience sociale s'est transformée.


Critique du livre :

Une description à peine romancée de ce que peut être une dictature. L'auteur a connu l'ère Milosevic et cette espèce de fusion entre le nationalisme et le communisme avec une très forte présence de l'église orthodoxe.

Ce livre est noir de noir. Si vous espérez y trouver ne fut-ce qu'une petite raison de croire en la bonté de l'homme, passez votre chemin ! L'image qu'Andrija MATIC renvoie de la société serbe sous la dictature est immonde. L'égout et les ordures ne sont pas que sous terre, il y en a bien davantage en surface : les autorités politiques, « morales », religieuses, vos voisins, vos relations, tout cela ne forme qu'un égout à ciel ouvert.

Je n'oserais dire que j'ai pris du plaisir à lire ce livre ! Non ! C'est impossible ! Par contre, de l'intérêt, OUI !
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Tout d'abord merci à Serge Safran éditeur et à Babélio pour m'avoir permis de lire ce roman qui est ma première incursion dans la littérature serbe.
Dans ce court roman nous suivons le parcours de Bojan Radic, professeur d'anglais, juste après l'interdiction d'enseigner cette langue dans le pays. La Serbie, en 2024, est une dictature où le Gouvernement mène une politique totalitaire basée sur la sécurité, le nationalisme et la religion et a tourné le dos au monde occidental pour se rapprocher de la Russie.
Le protagoniste, appelé "l'anglais" par la population comme tous ses congénères, est maintenant considéré comme un pestiféré et ne trouve pas de travail et tous ses amis et anciens collègues l'évitent. le héros est alors plongé dans une solitude extrême lorsque le chef du Service national de la Sécurité, Velibor Stetenovic, un de ses voisins, lui propose d'enseigner secrètement l'anglais à ses deux enfants. Bojan comprend vite qu'il n'a pas trop le choix et accepte l'offre.
Grâce à ce travail il reprend des activités comme la piscine ou va au cinéma et à l'église. Lors d'une promenade Bojan rencontre Vesna, et mué par une envie de se lier d'amitié avec quelqu'un, il cherche à la revoir. Après un premier rendez-vous, Vesna lui apprend qu'elle est séropositive, maladie officiellement éradiquée de Serbie. le lendemain, son employeur est déjà au courant de sa relation et lui demande de ne plus voir Vesna car la présence de personnes séropositives dans le pays est cachée à la population. Bojan, prenant peur ne cherche pas à la revoir jusqu'au jour où le frère de Vesna lui apporte une lettre et lui apprend qu'elle s'est suicidée. le protagoniste se sentant coupable décide d'assister à son inhumation, Vesna n'ayant pas le droit à un enterrement comme tous les suicidés. Stretenovic le convoque alors rapidement pour le congédier et lui dire que dès à présent il est considéré comme un ennemi d'état et qu'il ne trouvera plus jamais d'emploi dans le pays. A partir de ce moment la vie de Bojan, déjà pas très rose, va devenir de plus en plus compliquée et je vous laisse découvrir la suite par vous même mais le titre du livre peut vous donner une pistes sur son avenir.

Ce roman écrit à la première personne est très immersif et nous plongeons très vite dans la vie de ce héros dans une suite d'évènements où il n'a aucune prise et subit le pouvoir dictatorial de ce Gouvernement et de ses dirigeants sans même chercher à se rebeller.
L'auteur ne nous fait découvrir ce monde dystopique et totalitaire que par le prisme de ce que vit Bojan. Ce choix laisse au lecteur le soin d'imaginer le reste et pourrait laisser certaines personnes frustrées de ne pas connaître l'origine de l'arrivée au pouvoir de ce régime par exemple.
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Ce livre me fut offert à Noel, et je crois bien que c'est l'un des livres que j'ai lu le plus rapidement depuis quelques années. Très court, faisant moins de deux cent pages et écrit dans un style très lisible, il est par ailleurs très entrainant. J'avais lu les trente premières pages hier soir, et je me suis senti obligé d'arrêter bien vite pour ne pas y passer la nuit, reprenant aujourd'hui pour le finir intégralement.

Ce roman est comparé, dans plusieurs résumés et dans des commentaires, à 1984 de Orwell. Et, bien que le comparatif me semble souvent poncif et usé, il est ici tout à fait pertinent.
Andrija Matic (dont le nom apparaitra au cours du procès dans le livre, clin d'oeil absolument pas sans sens à mon avis) nous présente une dystopie dans laquelle la Serbie est fermée sur elle-même, coupée du monde et dans une politique fascisante, mêlée de religieux, de communisme et de totalitarisme. C'est un mélange bien présenté dans le livre, auquel il ne sera que fait mention sans jamais dévoiler comment le pays en est arrivé à cette extrémité. Quelques mentions sont faites, mais le propos n'est pas de dévoiler comment. D'autre part, la posteface de l'édition que j'ai eu indique que les références sont souvent faite à la Serbie de Milošević.
Tout le propos du livre est un condensé d'une descente aux enfers dans un pays totalitaire. Et si je mentionnais plus haut que le livre mérite sa comparaison avec 1984, c'est qu'en dehors de nombreux traits communs dans l'histoire et le déroulé, l'auteur nous propose une vision bien plus réaliste de ces états totalitaires à l'appareil tout puissant. En effet, et le livre le mentionnera, 1984 présente un état trop parfait pour que cela semble réalisable, alors qu'ici se trouve une donnée complémentaire qui fait sens : l'incompétence. Ces états sont débordés eux-même par leur fonctionnaires trop zélés et chercheurs de promotions, plus prompts à chasser leur collègues des postes convoités que de réellement faire leur travail. En mentionnant la corruption, une inflation (signe d'une économie qui échappe à tout contrôle), une crise de travail et de chômage, mais aussi des procès truqués et des magouilles en tout sens, l'état décrit dans L'égout me semble curieusement très réaliste. L'auteur finira par mentionner que cet état ne tient que par une seule chose : la foi que chacun met dans son fonctionnement, alors même qu'il ne marche pas. On peut y voir une critique à la fois du totalitarisme, mais aussi de l'image que l'on s'en fait. L'auteur parle d'hypnose de groupe, et j'aime cette image. C'est parce que le peuple se laisse illusionner en pensant que cela marche, qu'en définitive ce qui ne marche pas semble marcher.

Ce roman est court, mais va a l'essentiel. Les considérations sont très bien trouvés, et à défaut de faire froid dans le dos comme l'on pourrait sortir d'un 1984, ce roman met en lumière que l'imperfection de ces systèmes n'empêchera pas leurs installations et leur pérennité, et que les propres agents de son maintient seraient également les premiers à tomber dans ses travers. Une dénonciation juste et bien trouvée, qui résonne encore aujourd'hui, ne serait-ce qu'au niveau du traitement des homosexuels ou des sidaïques dans certaines parties du monde .... Un ouvrage que j'encourage à lire, très certainement.
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La Serbie a plongé dans un régime totalitaire. Tout ce qui vient et a attrait à l'Occident est diabolisé ; le peuple n'a plus accès à l'informatique et donc à internet, l'anglais est rejeté et interdit, stigmatisant les "anglais". C'est dans ce contexte que Bojan, professeur d'anglais, se retrouve sans travail, et malgré un taux de chômage officiellement très bas, il ne trouvera rien d'autre. Sans activité, sans relation, isolé, il va meubler son temps libre tant bien que mal, mais sans vraiment s'inquiéter des tourments auxquels est confronté son pays. Jusqu'au jour où le chef des services secrets le réquisitionne pour enseigner l'anglais interdit à ses enfants. Forcer de se plier à cette mission, il doit aussi accompagner les enfants aux exécutions publiques. La fièvre, l'enthousiasme qui le submerge lors de sa 1ère exécution va l'ouvrir et le faire adhérer aux idées extrêmes du gouvernement.
Mais le moindre faux pas, aussi insignifiant soit-il, peut être dramatique.
Lorsqu'il tombe en disgrâce, il va vivre une terrible descente aux enfers. L'acharnement de certaines personnes à le faire chuter, aura raison de lui.

C'est un roman très noir, peu optimiste sur la nature humaine, où dans cet univers, la seule liberté possible reste de partir
"... je n'ai plus peur
Car je vais être sauvé
Et eux condamnés, à rester ici... " p.198

Gardons les yeux et les oreilles ouverts. Ce roman n'est que fiction, mais ce qui est décrit n'en est pas moins applicable.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Il existe à Belgrade une multitude d'endroits où se cacher. Bien que je ne sois jamais allé à l'étranger, je doute qu'il y ait dans le monde grand nombre de villes qui puissent se targuer de posséder un tel réseau de caves, d'abris antiatomiques, de soupentes, d'égouts, de hangars et d'usines à l'abandon, de wagons désaffectés, de bosquets cachés difficiles d'accès.
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Être seul n'est pas un problème à condition de savoir que l'on pourrait être avec quelqu'un, mais si plus personne ne souhaite votre présence, si vous êtes frappé d'exclusion de la communauté, chaque seconde de solitude paraît une journée entière, et cette sensation fait naître l'image sinistre d'une existence à vivre ainsi jusqu'à son achèvement.
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Je n'ai que haine pour ceux qui ont prononcé ma condamnation. Pour ceux qui l'ont approuvée. Pour ceux qui l'ont soutenue. Et pour tous ceux qui ne se sont pas rebellés. Je hais pratiquement toutes les créatures vivantes de ce pays...
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Si on découvrait la persistance du virus VIH dans notre pays, malgré l'annonce officielle de son éradication, le Gouvernement serait suspecté de dissimulation. Pire, de mensonge, que nos adversaires ne manqueraient pas d'utiliser dans l'immonde propagande qu'ils mènent contre nous depuis maintenant dix ans.
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Mais si on vous refuse toute possibilité de communication avec qui que ce soit, la solitude, source d'idées positives, se tarit et engendre la peur.
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