Dans ce journal, Olivier Maulin illustre une problématique qui affecte un grand nombre d'étudiants en langues et lettres, d'écrivains en devenir, ceux et celles qui, soit par leurs goûts, soit par leurs tempéraments, tardent à trouver une place dans la société. Dès le début, Maulin établit une distinction entre ses amis qui occupent des emplois stables et sont bien habillés et lui qui a « passé [s]a journée à lire en caleçon dans un fauteuil. » (p. 14) À 28 ans, il est encore étudiant, n'a ni carrière, ni emploi stable, ni de projets d'avenir bien définis. Même la relation avec sa petite amie est ambiguë. L'écriture de son premier roman est laborieuse. Bref, l'incertitude règne.
La narration de ses deux voyages au Portugal et au Brésil, est remplie d'impressions et d'observations intéressantes. Plusieurs anecdotes sont tout simplement hilarantes. Je pense ici, entre autres, à l'histoire désopilante du trajet en autobus à Rio. (p. 90-92) Malgré ses déboires, Maulin ne fait pas dans la surenchère pathétique. Il n'accable pas son lecteur avec ses plaintes et ses griefs, il ne surcharge pas le texte de reproches et de pleurnicheries comme il semble de plus en plus le cas chez nombre d'auteurs ces temps-ci. Non. de sa situation il tire des vérités valables pour tous. Il note diverses réflexions sur ses lectures. Il commente des auteurs comme
Léautaud et
Denis de Rougemont. Vers la fin du journal, il cite
Fernando Pessoa : « Je ne suis rien mais je porte en moi tous les rêves du monde. » Maulin : « Je ressens de plus en plus cela : l'autonomie et la force de l'expérience intérieure qui procure une certaine gaieté de l'esprit. J'ai parfois l'impression que cette gaieté ne me quittera plus, quelles que soient les avanies que me fera subir cette méchante société. » (p. 184) Voilà une sagesse solide. Les livres sont un refuge.