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EAN : 9782070239320
128 pages
Gallimard (01/01/1983)
4.2/5   5 notes
Résumé :
Une grande réception donnée au Palais des fêtes pour les élites politique japonaise et occidentale devient la scène d’un complot politico-amoureux où la mort rôde sur des airs de valse. Pour déjouer le drame, Mme Kageyama, la maîtresse de maison, décide contre toute attente de paraître à cette soirée mondaine alors qu’elle s’y est toujours refusée.

Le Palais des fêtes est l’histoire de cette apparition qui se terminera dans le sang la trahison et les ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Lorsque la scène s'ouvre, nous sommes le 3 novembre 1886, il est 10 heures du matin, c'est l'anniversaire de l'empereur. Comme chaque année à cette occasion, a lieu un défilé militaire. Cette parade est observée depuis la véranda ouverte du pavillon dit « le ru chantant » de la propriété du comte Kageyama, Ministre d'Etat, par des femmes qui ne sont autres que les épouses des héros du jour : la Générale Miyamura, la baronne Sakazaki, la marquise Daitokuji et sa fille Akiko. Elles sont élégamment vêtues de robes de grands couturiers français, et se laissent aller à quelques jacasseries sur le dos de leur hôte la Comtesse Asako Kageyama. Il paraît qu'une fois de plus elle n'envisage pas de paraître à la soirée de bal qui sera donnée au Palais des Fêtes, ce qui est assez gênant pour le Comte, vu la belle brochette de participants prestigieux (le Premier Ministre, le Ministre de la Guerre, Un Vice-amiral anglais, l'Ambassadeur de Chine, et leurs épouses). Et puis cette ancienne geisha (!) est décidément vieux jeu avec son traditionnel kimono ! Seule la marquise la défend, elle qui doit lui parler d'urgence. A l'arrivée de la comtesse, la marquise et sa fille lui exposent une situation périlleuse : Akiko est tombée sous le charme d'Hisao, fils du principal opposant au régime, Einosuke Kiyohara. Hisao qui a une double meurtrissure, mère inconnue et père qu'il admire plus que tout mais coupable de l'avoir délaissé aussi, veut donner sa vie pour son idéal politique, en tuant croit-on le comte le soir-même à l'occasion du bal, avec son père et ses quelques amis révolutionnaires les Volontaires. Madame Kageyama est « missionnée » pour recevoir Hisao et l'inciter à fuir avec Akiko, ce qui permettrait d'épargner son mari et voir se concrétiser la belle histoire d'amour des deux jeunes tourtereaux. Mais lorsque la comtesse reçoit Hisao, une première révélation survient : Asako révèle au jeune idéaliste qu'elle est sa mère biologique. Bien qu'amoureuse de Kiyohara, elle a dû se tenir éloignée de son amant et de son fils. Hisao n'est pas en reste : il annonce à Asako que sa cible du soir n'est pas le comte, mais son père, qu'il n'a pas revu depuis un an. Dans la foulée, la comtesse se presse de recevoir Kiyohara, et obtient de lui, stupéfait de la savoir au courant de ses plans, qu'il renonce à son projet d'assassinat et ne se présente pas au palais des fêtes le soir pour se sauver la vie. Après tout, c'est elle qui l'ordonne, car ce sera SA soirée, puisqu'elle paraîtra au bal, exceptionnellement. Mais le comte a lui aussi anticipé les réjouissances de la soirée, et complote avec son homme de main Hida pour tuer son rival politique…La comtesse surprend les messes basses, et pense sûrement mener la danse dans ses discussions avec le Comte. Mais c'est oublier la présence quasi-permanente à ses côtés de sa gouvernante Kusano, qui connaît tous ses petits secrets…et ne va pas manquer de les révéler au comte, pour quelques promesses de facilités financières pour sa famille. Dès lors, celui qui voit désormais dans Kiyohara son ennemi politique ET amoureux, a toutes les raisons de le faire venir absolument le soir pour pouvoir lui régler définitivement son compte. Une funeste fin est inéluctable…Mais qui seront finalement les victimes et bourreaux ?

Sur un fond de réalité historique, on découvre ce Japon en proie à la tentation de l'Occident, avec ce clivage entre les anciens défenseurs de la tradition nippone et les modernes ouverts sur le monde. Dans une atmosphère de raffinement « Belle Epoque », cette oeuvre classico-romantique porte à leur sommet l'amour, la haine, la cruauté, les blessures comme autant de tourments intérieurs mêlés sur fond d'intrigue politique. La pièce possède tous les ingrédients de la tragédie grecque, si ce n'est la légère entorse à l'unité de lieu, puisque deux demeures se succèdent. On se délecte de bout en bout des dialogues fins, ciselés, piquants, et coupants comme d'authentiques couteaux japonais. L'auteur manie à merveille une forme d'ironie et de cynisme, réalisant là un mariage improbable entre le sang et l'humour noir. On sent bien en effet qu'il se moque de son pays qui fait lui-même la geisha pour plaire au goût occidental. Sa vision de la politique est sans illusion, tous les coups sont permis. Cette approche est mise en valeur par une élégance de style comme toujours impeccable chez l'esthète Mishima. C'est d'une efficacité diabolique !

Décidément, le Maître Mishima était aussi à l'aise dans le théâtre que dans le roman ou la nouvelle.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
KIYOHARA, caressant les cheveux de la Comtesse
Vos cheveux...Vos beaux cheveux noirs ! Pendant les vingt ans où je ne vous ai pas rencontrée, chaque nuit les a rendus plus noirs, plus lustrés, plus séduisants.

LA COMTESSE
Pour cette chevelure, les nuits étaient longues et l'aurore tardait à venir. Quand je serai une vieille femme, quand ces cheveux seront tout blancs, il y aura encore des aurores pour les lustrer, il y aura encore des aurores qui s'ouvriront sur des jours heureux sans angoisse ni inquiétude.

KIYOHARA
Comprenez-vous ? A l'heure où l'abandon du devoir n'est plus une souffrance mais un délice, l'effroi de l'homme, le comprenez-vous ?

LA COMTESSE, se levant et s'asseyant près de Kiyohara
Ainsi vous avez abandonné votre devoir.

KIYOHARA
Vous avez compris !...Soit ! Echangeons des promesses.

LA COMTESSE
Je vous le promets : je paraîtrai à la soirée. Je revêtirai ce décolleté qui me fait honte. Et la soirée du Palais des Fêtes sera ma soirée.

KIYOHARA
Je vous le promets : je décommande l'attaque de ce soir. Et ma voiture ne paraîtra pas sous les murs du Palais des Fêtes.

LA COMTESSE
Ah ! Comment vous exprimer ma gratitude ?

KIYOHARA
Partie égale, pour l'un comme pour l'autre. Car vous devez faire la guenon ce soir.

LA COMTESSE
Vous êtes merveilleux, magnifique. Mon regard de femme ne se trompe pas : vous êtes un séducteur éblouissant. (Avec une sorte de frénésie, elle va cueillir dans le jardin une fleur de chrysanthème jaune.) Je vous décerne une décoration. Non pas une décoration glacée faite d'or et de pierres, mais une décoration vivante (elle passe le chrysanthème à la boutonnière de Kiyohara), une décoration que la rosée, chaque matin, rendra plus éclatante.

KIYOHARA
N'empêche que cette décoration va se flétrir !

LA COMTESSE
Aujourd'hui au moins elle restera fraîche.
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KIYOHARA
Asako, croyez-moi. J'ai voyagé à l'étranger. Je sais que les étrangers ne respectent que les hommes fiers et les peuples fiers. L'intrusion des Volontaires est peut-être ridicule, mais, moi, je veux donner un coup de semonce au gouvernement et montrer aux étrangers qu'il y a encore des Japonais qui ont quelque chose dans le ventre. Les jeunes gens ont reçu l'ordre de brandir leur sabre dégainé, mais de ne pas toucher aux hôtes. Cette parade exécutée, ils se retireront dignement. C'est tout. Et je ne veux rien d'autre. On me présente parfois comme un chef de tueurs, mais c'est là pure calomnie. Si pour avoir commandé cette manifestation, je dois être assassiné, ce sera certes pour moi une fin misérable, mais à ma suite, l'un après l'autre, se lèveront des successeurs pour prendre la relève...Vous me comprenez, n'est-ce pas ? L'humiliation rencontrée depuis ma jeunesse, l'humiliation que d'autres vont chercher spontanément, moi, je ne suis pas homme à la supporter.
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KIYOHARA
Il y a si longtemps que je n'ai plus eu l'honneur...

LA COMTESSE
Vraiment, vous n'avez pas changé. Pas le moins du monde. Et votre chevelure reste du plus beau noir.

KIYOHARA
Pensiez-vous me trouver le dos voûté ? Si je reste jeune, je le dois sans doute aux tracasseries du gouvernement. Dans tous les pays du monde, le peuple sous le joug garde plus de jeunesse que ses oppresseurs. C'est une chose que j'ai vérifiée de mes yeux. Pourtant votre étonnante jeunesse à vous ne s'explique pas ainsi.

LA COMTESSE
Votre jeunesse est authentique, la mienne est frelatée. Ah ! C'était hier que j'écoutais votre ironie légère : vous êtes le même qu'il y a vingt ans ! Qu'arrive-t-il ? Je bavarde avec vous sans la moindre contrainte alors que je redoutais une gêne en vous revoyant.

KIYOHARA
Qu'importe le jour et l'heure ! Nous avons bien appris l'un et l'autre à revivre notre passé. Nous nous rencontrons et le temps d'autrefois ressuscite. Il y a comme un instant de vertige : on s'y livre et tout reprend corps.

LA COMTESSE
Oui, c'est cela, sans doute. Chose étonnante, je ne ressens aucune gêne, aucune entrave. Je respire mieux soudain comme quelqu'un qui, étouffant dans une pièce fermée, sort et se retrouve à l'air libre...Pourquoi entre nous un tel naturel ?

KIYOHARA
Ne serait-ce pas que vous avez refoulé trop longtemps vos vrais sentiments ?

LA COMTESSE
Oui, je le crois. Prétendre que l'amour est paralysant est puéril. Voyez ! Je vous retrouve après si longtemps et ma main ne tremble même pas. Elle est comme une aile légère.

KIYOHARA, lui prenant la main
Avec cette aile, il ne faut pas s'envoler. Mais, même si vous restez là, le temps, lui, s'envole sans pitié...
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LE COMTE
Salir ? Moi, j'ai fait oeuvre de purification. Ce que vous qualifiez de jeu politique, moi, animé d'un amour purificateur...

LA COMTESSE
Cessez d'invoquer l'amour et les sentiments humains. Ces mots sortent de votre bouche définitivement profanés. C'est seulement quand vous chassez tout sentiment humain que vous pouvez prétendre à la pureté, la pureté d'un bloc de glace. N'allez pas d'une main gluante vous grimer avec ces choses qu'on appelle l'amour ou les sentiments humains ! Ce n'est pas là votre affaire. Soyez vous-même : un homme qui hors de la politique ignore tout du coeur humain. Comme l'a dit Monsieur Kiyohara, vous êtes un homme politique qui a réussi. Votre but est atteint. Que désirez-vous de plus ? L'amour ? N'est-ce pas bouffon ? Les sentiments ? N'est-ce pas ridicule ? Ces choses-là sont le trésor de ceux qui n'ont pas le pouvoir. N'allez pas convoiter le jouet à quatre sous que chérit l'enfant pauvre !
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Le secret de la politique, je vais te le dire, le secret de la politique, c'est qu'il n'y a pas de vérité. La politique commence lorsqu'on a compris qu'il n'y a pas de vérité. La politique doit donc fabriquer la vérité.
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Videos de Yukio Mishima (17) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Yukio Mishima
Yukio Mishima (1925-1970), le labyrinthe des masques (Toute une vie / France Culture). Diffusion sur France Culture le 20 février 2021. Un documentaire d'Alain Lewkowicz, réalisé par Marie-Laure Ciboulet. Prise de son, Philippe Mersher ; mixage, Éric Boisset. Archives INA, Sandra Escamez. Avec la collaboration d'Annelise Signoret de la Bibliothèque de Radio France. 25 novembre 1970 : Yukio Mishima, écrivain iconoclaste japonais âgé de 45 ans, met en scène sa propre mort ; alors qu’il s’apprête à quitter le monde, il livre à son éditeur "La mer de la fertilité", véritable testament littéraire et spirituel de cet auteur tourmenté, fasciné par la mort rituelle. Cet homme nostalgique, avec son goût du vertige et de l'absolu, son amour des corps vierges et des âmes chevaleresques, sa quête effrénée des horizons perdus laisse une œuvre considérable qui raconte sans aucun doute la recherche d’une pureté illusoire et la laideur du monde. Lectures de textes (tous écrits par Mishima) : Barbara Carlotti - Textes lus (extraits) : "Patriotisme. Rites d’amour et de mort" (film de et avec Yukio Mishima, 1965. À partir de "Yūkoku", nouvelle parue en 1961) - "Confessions d’un masque" - "Le Lézard noir" - "La Mer de la fertilité". Archives INA : Ivan Morris et Tadao Takemoto - Flash info annonçant la mort de Mishima le 25 novembre 1970. Extraits de films : "Mishima" de Paul Schrader (1985) - "Le Lézard noir" de Kinji Kukasaku (1968) - Extrait du discours de Mishima juste avant son seppuku, le 25 novembre 1970.
Intervenants :
Pierre-François Souyri, professeur honoraire à l’université de Genève spécialiste de l’histoire du Japon Fausto Fasulo, rédacteur en chef des magazines "Mad Movies" et "ATOM" Tadao Takemoto, écrivain, spécialiste et traducteur de Malraux au Japon et vieil ami de Mishima Dominique Palmé, traductrice de Mishima chez Gallimard, spécialiste de littérature japonaise et de littérature comparée Julien Peltier, spécialiste des samouraïs, auteur de plusieurs articles parus sur Internet et dans la presse spécialisée, en particulier les magazines "Guerres & Histoire (Sciences & Vie)" et "Actualité de l'Histoire". Il anime également des conférences consacrées aux grands conflits de l'histoire du Japon Thomas Garcin, Maître de conférences à l’Université Paris 7 - Diderot, spécialiste de Mishima et de littérature japonaise Stéphane du Mesnildot, critique de cinéma, et spécialiste du cinéma japonais
Source : France Culture
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