Une poésie du voyage : ainsi pourrions-nous qualifier ce second recueil de
Pascal Mora. Chaque partie répond en effet à des caractérisations géographiques : « Traversées », « Cités déesses », etc., et chaque texte est situé avec précision dans un endroit, une ville, qu'il s'agisse de contrées lointaines, comme Saint-Pétersbourg, Yafo en Israël, ou plus proches, tel le Morvan, le Quercy : "En haut sur le causse/Tout en haut/On parvient/À une demeure ultime/Au bout d'un long/Chemin de pierre" (p.44). Fait rare : à l'instar de
Michel Houellebecq, le créateur décrit la banlieue, le milieu urbain actuel, "La Grande Borne/Début janvier 2006/Nous sommes venus te relever/De l'ombre assassine./Il fait bleu nuit/D'ambulances/De gyrophares policiers". (p. 67). Limpide, dépouillé, le verbe se fait aussi lyrique. Les images fusent, s'enchaînent ainsi harmonieusement, en une série de vers libres et brefs, rythmés. On songe parfois aux magnifiques "
Cartes postales" d'
Henry Jean-Marie Levet, ou encore aux récentes productions de
Bernard Noël. Loin de constituer de simples notes, de simples ébauches, toutes les pièces possèdent une portée spirituelle, constituent autant de réflexions, d'occasions d'interroger son rapport au monde, d'affronter la réalité. À aucun moment il ne s'agit de fuir, d'aller voir ailleurs. La traversée, c'est d'abord le retour sur soi, au sens fort : "Je suis cet évadé/Du genre humain/Un insulaire/En vacances de tout./C'est aller au loin/Pour se revenir". (p.20). Loin de rester détachée, la contemplation devient méditation. le paysage invite effectivement à réfléchir, à penser son propre rapport au monde extérieur, à la Nature.
Évoquant quant à lui "l'esprit du lieu", le préfacier
Patrick Lannes, lui-même auteur, voit dans cette démarche une dimension mystique, chrétienne : "Le chemin menant « Vers l'église originelle » (…) toujours chez ce poète et ce chrétien part et retourne de la et à la pluralité des mondes" (p.5). Sans sombrer dans la religiosité,
Pascal Mora demeure marqué par l'Evangile : "Je borde l'immensité/En relaçant/La libre prière/Qui me délie/De la peine". (p. 30). Nous ne sommes pas néanmoins dans une foi austère, sombre et moralisatrice. "Étoile nomad"e est au contraire célébration, exprime la joie d'être, de ressentir, procède d'une forme de panthéisme heureux, malgré quelques pointes de mélancolie : "Voici le sourire vagabond/Du marché./Fleurs, fruits, aromates/Dévalés de la rivière/Aux saveurs." (p.98).
Assez neuve et originale, lisible et sensible à la fois, la poésie de
Pascal Mora nous réconcilie donc avec la Terre, les éléments, et, à ce titre, mérite d'être entendue.
Critique d'
Etienne Ruhaud parue dans Diérèse 58.
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