Une agréable lecture. Une plongée dans le moyen-âge et l'atmosphère des monastères. Deux enquêteurs (un moine et un représentant du roi) sympathiques et efficaces. Deux enquêtes bien ficelées avec du suspense jusqu'au bout.
Commenter  J’apprécie         10
Autrefois, dès que la fonte des neiges était achevée et que les premiers soubresauts du printemps recouvraient les versants de la montagne de petites fleurs multicolores, il prenait son bâton et sa besace et grimpait dans l'alpage avec les bêtes que plusieurs propriétaires confiaient à sa garde. C'est toujours avec nostalgie qu'il pensait à l'air encore frais et incisif des premières semaines d'estive, aux teintes changeantes de la roche et de la végétation, aux bruits et aux odeurs de cette nature écrasante dont il se sentait le maître et qui pourtant allait bientôt le trahir.
Profitant de l'émoi général, le prieur se leva, fit trois pas vers le centre de la pièce et se campa à deux mètres de frère Antoine. Dans son scapulaire fendu qui laissait deviner sur le côté un morceau de sa gonelle, il ressemblait à un oiseau de mauvais augure. Il était aussi noir qu'un corbeau. La similitude était telle que beaucoup s'étonnèrent de ne pas l'entendre croasser lorsqu'il ouvrit la bouche.
L'un en face de l'autre, les deux religieux offraient un contraste très net. Le prieur, grand, maigre, noueux, imbus des pouvoirs que lui conférait sa fonction, ressemblait à un I majuscule, raide aussi bien physiquement que moralement. Son subordonné, petit, replet, le ventre rebondi pointé vers l'avant, s'assimilait plutôt à un bon gros b. Il était d'ordinaire jovial et engageant.