Le parjure
Celui qui trahissait dans l’ombre
Et semblait si glorieux dans la lumière
Clair auréolé de sa renommée
À lui l’absinthe à goût de fer et le fiel
Gorgeant l’éponge d’un sang jaune
Séché comme un faisceau d’échardes
Et toi, passant, tiens pour maléfices
Le soleil obscur des médailles
Et ces trophées qui rouillent sur la pierre.
Empire
La main s’appuie au bord poreux du mur
Un peu de sciure âpre absorbe
Le sang le bruit des pas le soleil gris framboise
Un scarabée se creuse un abri sous la terre
Et le vieillard qui parle emploie le mot d’empire
Comme on déploie un drapeau de velours
Empire oligarchie objet de marchandage
Un bloc de chair que le vitrail arrache
Translucide et rouge à reflet bleuâtre
Est figé sur le marbre du boucher
On célèbre un deuil aux rumeurs de l’orgue
L’église est grande ouverte au froid
Et le siècle est stable et l’empire est lent
Dans le balancement de l’air
Entre les grands plateaux de cuivre
Leur poids sans ombre endormi
Les clameurs le marbre et les reflets doubles
Le vieux mur de pierre où la main se crispe
Rouge aussi gercée rongée de crevasses
Continuant d’effriter le sable entre les schistes
Et d’écorcher les lichens secs.
Schiste
Qui a creusé la terre a creusé le temps
Dit un vieillard à dents grises
Et sa voix qui se heurte aux raideurs du schiste
Prend à son décours le son caverneux de la pierre
La carrière est ouverte au ciel d’octobre
Comme un coquillage à flancs moulurés
Déroulant ses spirales en moirures
Bleu noir roussi de rouille et d’ocre
Plus précieux d’être inclus dans les volutes
Englobant des reflets de conque
Les raidillons creusés dans les à-pic
Entourent la semence et l’air vide autour.
Remembrement
Un ciel trop blanc brouillé de lueurs floconneuses
Remue en tournant comme on barate un lait caillé
Un goéland tournoie sur un taillis de branches
Les feux fument au loin devant le vide
Des arbres qui étaient sur ces talus marbrés de brume
Ne restent que ces floculations blanches
Qui se perdent déjà comme se perd le souvenir
Arasement du temps limbes de la mémoire.
Armurier
Tandis que l’armurier dispose ses couteaux
Le soir tombant rougit les arbres de la place
Où les enfants jouent à la guerre
Poussant des cris d’assassinés
Carte blanche à André Markowicz et Françoise Morvan (Editions Mesures) - Lectures par Matthew Vanston - dimanche 1er octobre 2023, 17h15-18h15, Château du Val Fleury, Gif-sur-Yvette (Paris-Saclay).
Festival Vo-Vf, traduire le monde (les traducteurs à l'honneur)