Ce n'est pas l'histoire des origines de la Renaissance que je présente au lecteur : retracer quelques-uns des épisodes qui caractérisent le mieux la reprise des études classiques, ces études qui ont renouvelé toutes les faces de la civilisation, telle est mon unique ambition. Sous le titre de Précurseurs, je comprends ceux qui en Italie, ou plus exactement en Toscane, ont pressenti et ceux qui ont préparé l'avènement des idées nouvelles, artistes, archéologues, amateurs, depuis le XIIIe jusqu'au XVe siècle, depuis Frédéric II et Nicolas de Pise, jusqu'à Laurent le Magnifique. Mon travail ne dépasse pas le moment où la Renaissance sort de la période des tâtonnements et des luttes pour entrer dans celle du développement normal et régulier : avec Mantègne, Léonard de Vinci, Michel-Ange et Raphael, l'ère des « chercheurs » prend fin ; celle des « trouveurs » commence ; par l'effet de leur génie, la Renaissance parvient en peu d'années à son complet épanouissement.
Ce sera l'honneur de Laurent le Magnifique d'avoir inauguré, en faveur des artistes, des principes différents. Par une de ces nobles inspirations dont il avait le secret, il résolut, en traversant Spolète, de ramener à Florence les restes d'un peintre florentin célèbre, Fra Filippo Lippi. La communauté ayant refusé de rendre ce dépôt sacré, il voulut du moins qu'un mausolée de marbre marquât la place où reposait un maître si éminent. Vasari raconte que la banque de Médicis paya les frais de la construction, qui se montèrent à cent ducats d'or, et que Politien, l'ami de Laurent, composa l'épitaphe. Ce fut encore Laurent qui s'occupa, une vingtaine d'années plus tard, de faire élever à Giotto, à Santa Maria del Fiore, un monument digne de lui, et ce fut encore Politien qui célébra le génie de celui qui avait tiré la peinture de son long assoupissement : Ille ego sum per quem pictura extincta revixit...
La présence du grand sculpteur florentin imprima certainement une impulsion nouvelle à ces études peut-être trop minutieuses. On constate surtout son influence dans les fresques dont quelques élèves assez médiocres du Squarcione ornèrent, vers cette époque, la chapelle des Eremitani. Cette influence fut encore plus sensible chez l'artiste qui, après avoir reçu les premières leçons du fondateur de l'Ecole de Padoue, éclipsa si complètement son maître. Lors de l'arrivée de Donatello, Mantegna comptait treize ans, il en comptait dix-neuf lors de son départ : tout nous autorise donc à croire que le jeune peintre, qui fut, comme on le sait, d'une grande précocité, se pénétra des principes du sculpteur florentin, bien autrement féconds que ceux de son premier maître, le Squarcione.
C'était bien à Donatello qu'il appartenait de perpétuer les traits de deux des plus illustres champions de la Renaissance littéraire, de deux de ses meilleurs amis, Giannozzo Manetti et le Pogge. Leurs statues, aujourd'hui encore conservées dans le Dôme de Florence, sont un éloquent témoignage de l'amitié qui les unissait tous deux au sculpteur.