AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Cécile Dutheil de La Rochère (Traducteur)
EAN : 9782850611520
475 pages
Premier Parallèle (29/09/2022)
3.9/5   5 notes
Résumé :
Lorsqu'en 1755 Lisbonne est détruite par un tremblement de terre, l'événement provoque une onde de choc parmi les philosophes européens. Ce que l'on qualifierait aujourd'hui de catastrophe naturelle est considéré comme l'incarnation du mal. Deux siècles plus tard, la découverte des camps de la mort nazis suscite une abondante littérature de témoignage mais la philosophie reste muette. De " mal naturel ", le mal est devenu " mal moral " ; une bascule a eu lieu. Pense... >Voir plus
Que lire après Penser le malVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Comment aborder un ouvrage aussi ambitieux? Penser le mal, c'est d'abord une immense fresque historique de la pensée philosophique occidentale, non sous l'angle de la recherche de la vie bonne, mais sous l'angle de la question du mal.

L'occident chrétien éprouve une grande difficulté à penser la question du mal parce qu'il est préoccupé de comprendre comment Dieu peut autoriser le mal. Comment concilier un dieu bon, et les catastrophes naturelles? Bien sur la théologie chrétienne invoque le péché originelle, la chute, mais ce n'est pas sous cet angle que l'aborde la philosophie. Avec Leibnitz, on atteint sans doute le point culminant de ce qu'on appelle la théodicée, c'est à dire une tentative philosophique de dédouaner Dieu de l'existence du mal : Leibniz tente de démontrer que Dieu a créé le meilleur compromis possible. Car ce qui est bien pour l'un peut être mal pour l'autre.

"Au milieu du XVIIIème siècle, les débats se limitaient à la possibilité d'éliminer les maux d'ordre naturel (la souffrance), les maux d'ordre moral (le péché), et le lien fluctuant qui les relie. La médecine et la technique devaient lutter contre les premiers, la pédagogie et une économie plus équitable contre les seconds, et la justice politique contre le troisième."

Avec les philosophes des lumières, on sort radicalement de cette approche de Théodicée pour commencer à mettre l'homme au centre de la métaphysique mais toujours sans résoudre le problème, si ce n'est les fulgurances de Rousseau qui attribue le mal à la vie en société.

Avec la mort de Dieu (philosophes du soupçon), la question du mal s'éloigne peu à peu de l'interrogation sur la justice divine manifestement peu à l'oeuvre en ce monde, pour se tourner vers l'homme et son destin. Mais c'est avec Auschwitz et Hiroshima, donc assez tardivement dans l'histoire de la pensée que l'homme prend la première place comme capable du mal absolu. La find de l'ouvrage est toutefois marquée par un appel intéressant à résoudre l'aporie philosophique qu'est le mal en ouvrant la philosophie sur les sciences humaines et en particulier sur les apports récents de la psychologie.

"Après tout, nous sommes horrifiés, non pas quand des bêtes et des démons se comportent comme des bêtes et des démons, mais quand ce sont des êtres humains qui se comportent ainsi."

Je regrette que l'ouvrage aborde finalement assez tardivement la pensée du demi siècle qui vient de s'écouler, et finalement discute assez peu les écophilosophies contemporaines (Hans Jonas et autres) nées depuis qu'on a compris que l'homme était en train de détruire la planète, en pillant les ressources naturelles, et en consommant ces véritables bombes à retardement que sont les énergies fossiles. Mais il faut bien reconnaitre que cette somme est déjà particulièrement conséquente.

Mais il faut dire que la somme de réflexions contenues dans ce livre.
Commenter  J’apprécie          50
Un ouvrage très ambitieux qui propose une relecture de l' histoire de la philosophie occidentale depuis le XVIII° siècle à la lumière de sa manière de traiter la question du mal. La plupart des grands auteurs français et allemands sont étudiés (Rousseau, Voltaire, Leibniz, Kant, Sade, Harendt se taillent la part du lion, Nietzsche, Marx, Schopenhauer, Camus, arrivent ensuite) , les anglo-saxons sont moins présents (Hume, Stuart Mill ou John Rawls sont étudiés).
Deux événements majeurs servent d'ancrage à l'analyse des différentes conceptions du mal développées par ces penseurs : le tremblement de terre de Lisbonne en 1755 et Auschwitz. Après le tremblement de terre de Lisbonne la relation de l'homme au monde est transformée, après Auschwitz c'est la relation de l'homme à l'homme qui est bouleversée. Les concepts de Providence (religieux) et de progrès (séculier) sont utilisés pour montrer comment le mal surgit du hiatus entre le monde tel qu'il est et le monde tel qu'il devrait être. S'il y avait identité entre les deux, le mal n'existerait pas.
Cette vaste synthèse procure un vrai plaisir de lecture, par son érudition et sa clarté.
Commenter  J’apprécie          40


critiques presse (1)
LeSoir
29 décembre 2022
La philosophe américaine y analyse l'évolution de la perception du mal au travers de l'histoire de la philosophie et des événements historiques. « Nos lâchetés produisent le mal», affirme-t-elle.
Lire la critique sur le site : LeSoir
Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
La foi, dit-on, serait liée à un fantasme d'enfant. Nous voudrions que le monde soit ordonné par des parents sages et aimants qui répondraient à des besoins dont nous ne sommes pas conscients et protégeraient des intérêts qui nous échappent. Après tout, telle est la promesse de la Providence.
Commenter  J’apprécie          70
Au milieu du XVIIIème siècle, les débats se limitaient à la possibilité d'éliminer les maux d'ordre naturel (la souffrance), les maux d'ordre moral (le péché), et le lien fluctuant qui les relie. La médecine et la technique devaient lutter contre les premiers, la pédagogie et une économie plus équitable contre les seconds, et la justice politique contre le troisième.
Commenter  J’apprécie          30
La raison, elle, est en lambeaux. Voltaire ne cesse de répéter deux choses. En tant qu’instrument de vérité, la raison nous égare parce qu’elle ne tient pas compte de ce que le monde exige. En tant qu’instrument d’action, elle ne nous mène nulle part parce qu’elle est trop faible pour inciter qui que ce soit à faire quoi que ce soit. En bref, elle est à la fois fausse et fragile. Ce dont les hommes ont besoin et qu’ils utilisent, c’est autre chose.
Commenter  J’apprécie          20
Après tout, nous sommes horrifiés, non pas quand des bêtes et des démons se comportent comme des bêtes et des démons, mais quand ce sont des êtres humains qui se comportent ainsi. (p327)
Commenter  J’apprécie          20
Le désir hégélien de remplacer Dieu naît naturellement du désir rousseauiste de Le justifier en assumant la responsabilité du mal.
Commenter  J’apprécie          30

Video de Susan Neiman (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Susan Neiman
La crise sanitaire a souvent été lue comme la consécration d'une tendance de nos sociétés vers la gérontocratie : les personnes âgées sont celles qui votent le plus, et qui décident donc des politiques publiques. Elles seraient aussi celles qui ont été privilégiées face à l'arrivée de l'épidémie, puisque l'on aurait "enfermé" les jeunes générations, qui ne couraient pourtant pas de grands risques, afin de prendre soin des plus âgés.
Mais ne pourrait-on pas renverser la perspective et considérer que si l'on a envisagé le confinement comme un "enfermement" des jeunes, c'est parce que l'on considère la jeunesse comme l'âge d'or de l'existence ? N'est-ce pas l'occasion d'interroger nos représentations sur l'âge adulte et la vieillesse, mais aussi de rendre ces étapes De La vie plus enviables ?
C'est ce que propose de faire Susan Neiman dans son premier essai à être traduit en français, "Grandir. Eloge de l'âge adulte à une époque qui nous infantilise" (Premier parallèle). Elle y montre que l'âge adulte n'est certes pas l'insouciance naïve de l'enfance, mais pas non plus la révolte tumultueuse de l'adolescence : il est cette étape où nous comprenons enfin que si nos idéaux ne sont pas déjà inscrits dans le réel, il nous appartient néanmoins de tout faire pour les y actualiser.
L'invité des Matins de France Culture. Comprendre le monde c'est déjà le transformer(07h40 - 08h00 - 9 Novembre 2021) Retrouvez tous les invités de Guillaume Erner sur www.franceculture.fr
+ Lire la suite
autres livres classés : philosophieVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (64) Voir plus



Quiz Voir plus

Philo pour tous

Jostein Gaarder fut au hit-parade des écrits philosophiques rendus accessibles au plus grand nombre avec un livre paru en 1995. Lequel?

Les Mystères de la patience
Le Monde de Sophie
Maya
Vita brevis

10 questions
438 lecteurs ont répondu
Thèmes : spiritualité , philosophieCréer un quiz sur ce livre

{* *}