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sur 1477 notes
Juin 1940, l'exode. Plus que les faits historiques, ce sont les personnages qui intéressent l'auteure, les vaines mondanités du célèbre écrivain Corté, du banquier Corbin et sa danseuse Arlette Corail, de la famille Péricand subissant, autant que le pauvre couple Michaux, les mêmes bombardements, hôtels bondés, magasins dévastés.

Dans la deuxième partie, un petit village, la cohabitation avec les boches distribuant des friandises aux gosses, la collaboration qui se met en place dans la bourgeoisie et la petite noblesse, le désarroi de la jeune Lucile Angellier dont l'homme est prisonnier, hébergeant un officier allemand raffiné, coupé de sa famille depuis des mois.

L'écriture est classique et très belle et sa vision est excellente, raillant les petites médiocrités, à la recherche de l'essentiel. Ce n'est pas si noir, c'est fort, ça sent terriblement le vécu.

En annexe une émouvante correspondance, les derniers moments de l'auteure arrêtée et déportée en juillet 1942.
Emouvant aussi de comparer l'accueil des réfugiés en 40 avec ce que peuvent ressentir les Ukrainiens.
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Irène Némirovsky a écrit Suite française à la fin de sa courte vie – elle est morte à 39 ans à Auschwitz. le manuscrit n'a été retrouvé et publié qu'en 2004. Ensuite, toute l'oeuvre de cette autrice a été petit à petit redécouverte. J'ai présenté dernièrement le passionnant recueil, Les vierges et autres nouvelles, en partie autobiographique.
Cette édition d'origine de Suite française est précieuse par l'excellente introduction de Myriam Anissimov et du dossier de notes de l'autrice ainsi que des correspondances 1936-1945 permettant de mieux comprendre l'oeuvre.
Irène Némirovsky se trouve aujourd'hui sous les feux de la rampe : plusieurs biographies, des dizaines de traductions, des millions de livres vendus, trois films et de nombreuses pièces de théâtre tirés de ses romans. Une nouvelle version remaniée – selon une dactylographie enregistrée à l'Institut Mémoires de l'édition contemporaine (IMEC) – de cette Suite française vient même de paraître en novembre 2020, avec la première partie, Tempête en juin, corrigée par l'autrice et son mari.
Devenu un véritable classique du XXème siècle, ce roman a fait l'objet de bien des polémiques – du fait notamment de l'absence directe d'analyse et de révolte par rapport à la situation. Cela me fait penser à un autre classique du XXème siècle, 1984 de George Orwell qui, sur un tout autre sujet, a suscité et suscite encore de multiples interrogations, interprétations, critiques ou récupérations.

En exergue, voici ce que dit sa fille Denise Epstein – ce serait par elle que le premier manuscrit a pu refaire surface :
« Sur les traces de ma mère et de mon père, pour ma soeur Elisabeth Gille, pour mes enfants et petits-enfants, cette Mémoire à transmettre, et pour tous ceux qui ont connu et connaissent encore aujourd'hui le drame de l'intolérance. »

Une première partie, Tempête en juin, où elle décrit la débâcle de juin 1940, sorte de tableaux de la panique à l'annonce de l'arrivée des allemands et de l'exode, ceci dans différents milieux.

La deuxième partie, romanesque, intitulée Dolce, a pour sujet la confrontation de la population française avec l'occupant. le récit se termine en juin 1941 – elle n'aura pas le temps de rédiger les trois autres parties prévues, Captivité, Batailles et Paix, étant arrêtée en 1942 par la police française et déportée en raison de ses origines juives –. Les personnages sont bien décrits et très vraisemblables. L'autrice dépeint ce qu'elle voit, très fidèlement, notant les lâchetés, l'hypocrisie et l'égoïsme tel qu'elle les observe. Grands bourgeois dégoûtés par la populace et tentant de sauver leurs bibelots, amant pressé de quitter Paris en famille et pour cela larguant vite fait sa maîtresse, curé convoyant des orphelins, officier allemand cultivé hébergé dans une maison bourgeoise, tentant de séduire la belle fille sous les yeux de sa belle-mère. le tout constituant une fresque réaliste passionnante de l'époque.

Dans ce contexte, les rapports des allemands et des français ne sont pas décrits comme particulièrement terribles. le sort terrifiant des déportés juifs n'était pas connu à cette époque, sinon Irène Némirovsky aurait-elle pu écrire ce livre de la même façon ? En a-t-elle trop vu depuis la révolution russe qu'elle a vécue directement, ainsi que la fuite définitive de son pays ? Introspection pour continuer à vivre face à une enfance malheureuse, des parents riches et égoïstes ? Elle ne juge pas, elle ne se révolte pas si ce n'est dans le mordant de l'écriture !

Ce qu'elle écrit c'est simplement l'effet des évènements sur chaque personnage, le formidable écho des frictions des destins individuels avec les destins communautaires, les réactions de l'homme face à la tragédie et non les faits en eux-mêmes. L'attention d'Irène Némirovsky ne porte pas sur L Histoire, mais plutôt sur les comportements humains. Honoré de Balzac ne procédait-t-il pas de cette façon ?

Les notes et la correspondance en fin de volume sont très intéressantes. Son mari dans l'illusion de la faire libérer argumente sur leur conversion au catholicisme, sur l'antibolchevisme notoire de leur famille (ils ont fui la Russie après la révolution d'octobre). Sans succès..., il sera lui aussi déporté à son tour le 6 novembre 1942 et ne reviendra pas. Les gendarmes ont continué à rechercher ses deux fillettes. Elles passeront plusieurs mois cachées dans la région de Bordeaux. Leur grand-mère avait passé la guerre à Nice dans le plus grand confort. Drôle de milieu et pas étonnant de retrouver ironie et pessimisme chez Irène Némirovsky. C'est un témoignage exceptionnel, par une conteuse de talent, une Suite française que je vous invite à découvrir, de préférence dans l'édition 2004.
*****
En illustration de cette chronique vous découvrirez sur le blog Clesbibliofeel "Stranger in paradise" de la violoniste et chanteuse Ada Pasternak, extrait de son superbe album "Sweet dreams". D'origine russe, elle aussi a du s'exiler et son talent est remarquable !


Lien : https://clesbibliofeel.blog
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Dernier écho d'une grande écrivaine de l'entre-deux-guerres. Dans la première partie (Tempête en juin), Irène Némirovsky raconte principalement la fin de la guerre (en 1939) et l'exode des Français vers le Sud, fuyant l'avancée des Allemands. Dans la seconde partie, (Dolce), articulé au premier tout en faisant intervenir des personnages différents, elle reprend le début de l'accommodation des Français à l'Occupation, et l'installation des Allemands, à travers l'histoire d'un petit village.

Du fait de sa déportation en 1942, elle n'évoque pas la Résistance (elle devait être traitée brievement dans la troisième partie du roman, juste ébauchée). Aux quatrième et cinquième romans, Irène Némirovsky a donné les titres de Batailles et La Paix, et y a ajouté des points d'interrogation. On ne peut donc juger que sur la moitié d'un roman. En lisant les brouillons de ce qu'elle projetait d'évoquer ensuite, je m'aperçois que ces deux premières parties ne faisaient que poser les différents protagonistes et qu'ils devaient davantage entrer en contact dans les suivantes. Mais les jalons posés nous permettent tout de même d'imaginer la suite …

En fait, les deux récits sont davantage centrés sur les réactions et la psychologie des Français à cette époque. Elle nous dépeint fidèlement l'ambiance de l'Exode et de l'Occupation. Les faits historiques occupent peu de place, et nous complétons nous-mêmes les trous ou les faits non évoqués.

“On sait que l'être humain est complexe, multiple, divisé, à surprises, mais il faut un temps de guerre ou de grands bouleversements pour le voir. C'est le plus passionnant et le plus terrible spectacle [...]; le plus terrible parce que le plus vrai; on ne peut se flatter de connaître la mer sans l'avoir vue dans la tempête comme dans le calme. Celui-là seul connaît les hommes et les femmes qui les a observés en un temps comme celui-ci.”

Par les circonstances extraordinaires qui entourent la rédaction de ce roman et sa publication (oeuvre posthume publiée en 2004 aux éditions Denoël, il reçoit le prix Renaudot la même année.), ce n'est pas un énième ouvrage sur la Seconde guerre mondiale puisque c'est un des premiers et que cette idée magnifie la lecture, d'une certaine façon. de plus, il n'est pas écrit par un simple témoin, qui retranscrirait plus ou moins ce qu'il voit, mais par un écrivain qui a l'oeil pour critiquer les comportements humains, décelant les lâchetés, les trahisons, les peurs de chacun dans l'aventure terrifiante que fut l'Exode.

‘Les événements graves, heureux ou malheureux ne changent pas l'âme d'un homme mais ils la précisent, comme un coup de vent en balayant les feuilles mortes révèle la forme d'un arbre.”

En même temps, il a valeur de documentaire fantastique, un regard sans concessions portée sur la France. Mais déjà elle prévoit :

“Et dire que personne ne le saura, qu'il y aura autour de ça une telle conspiration de mensonges que l'on en fera encore une page glorieuse de l'Histoire de France. On se battra sur les flancs pour trouver des actes de dévouement, d'héroïsme. Bon Dieu ! ce que j'ai vu, moi ! Les portes closes où l'on frappait en vain pour obtenir un verre d'eau, et ces réfugiés qui pillaient les maisons ; partout, de haut en bas, le désordre, la lâcheté, la vanité, l'ignorance ! Ah ! Nous sommes beaux !”

Les écrivains n'ont-ils pas tous un don de voyance ?

Cette histoire inachevée, reflet de l'Histoire en train de se faire, regard extrêmement lucide sur la société, a quelque chose de très émouvant, comme quelque chose auquel on ne peut rien faire, mais que l'on ne peut que regretter, encore et encore, à la lecture de ces belles pages.

Un roman qui donne envie de découvrir le reste de son oeuvre.
Lien : http://missbouquinaix.wordpr..
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Pour soulever un poids si lourd
Sisyphe, il faudrait ton courage,
Je ne manque pas de coeur à l'ouvrage
Mais le but est long et le temps est court .
le vin de solitude par Irène Némirovsky pour Irène Némirovsky

Suite française, roman publié à titre posthume, devait compter 4 parties: l'exode, Dolce, Captivité et Paix? Seules les deux premières parties
Tempête en juin et Dolce ont pu être rédigées , Irène Némirobsky ayant été arrêtée en juillet 1942 et déportée en Pologne .Née Russe et de confession juive elle se savait en grand danger , son époux Michel Epstein fut arrêté quelques mois plus tard .Seules leurs 2 petites filles Delphine et Elisabeth grâce à leur tutrice purent passer à travers les mailles du filet.
Juin 1940, capitulation de l'armée française. Les français sont sur les routes précédant de peu l'entrée des allemands dans Paris .Les riches avec leurs voitures, leur argent, leurs biens les plus précieux, les pauvres le plus souvent à pied car les trains ne fonctionnent plus . Irène Némirovsky nous relate cette période de migration forcée avec une acuité, une analyse au pied levé qui laisse pantois.
Dans Dolce, un petit bourg en zone occupée tout près de la ligne de démarcation voit les allemands arriver, s'installer. Les soldats s'installent chez l'habitant .Un modus vivendi s'installe. L'occupant est tantôt subi haï ou admiré selon. Imaginez aussi un bourg où depuis longtemps il n'y a plus aucun homme à se mettre sous la dent alors un jeune homme en uniforme peut faire tourner bien des têtes occupation ou pas...
Suite française est donc une analyse admirable rigoureuse, sans concessions, sans atermoiements et réaliser que ce texte a été écrit dans l'urgence, dans l'immédiateté me laisse pantoise.
Un roman magnifique, un portrait émouvant et fidèle d'une société dans la tourmente et comme à chaque fois il y a des bons et des méchants, des honnêtes gens et des pourris en fin rien que d'humain, de tristement humain.
Sûr que je n'oublierais ni ce roman ni Irène Némirovsky
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Suite française est un ouvrage très émouvant à lire. En premier lieu parce que l'on sait qu'il est écrit sur le vif, contemporain des événements servant de base aux intrigues romanesques qu'il met en oeuvre. En second lieu et surtout parce que l'on sait que la plume d'Irène Némirovsky est restée suspendue dans l'attente d'une suite qu'elle avait imaginée et qui ne verra pas le jour.

Les notes fournies en annexe de l'édition Folio portent à notre connaissance les réflexions que l'auteure se faisait à elle-même pour parfaire son ouvrage, mais aussi pour lui apporter la suite que les vicissitudes de l'histoire lui dicteraient. Il est encore plus poignant de lire ses notes que le reste de l'oeuvre. On y découvre l'espoir d'avenir qu'elle avait échafaudé pour son ouvrage, et donc pour son pays d'adoption, avec ce plan qu'elle avait envisagé :

« Pour bien faire, se disait-elle, il faudrait faire 5 parties.
1) Tempête
2) Dolce
3) Captivité
4) Batailles ?
5) La paix ? »

L'ouvrage édité à titre posthume, très tardivement par ses filles, est donc partiel, et pour cause. Il ne comporte que les deux premières parties qu'avait imaginées l'auteure. Il est clair qu'en 1941, au temps de la rédaction de son ouvrage, Irène Némirovsky ne pouvait que se perdre en conjectures quant à la poursuite du conflit qui venait de conduire notre pays à la déroute. C'est ce que laisse imaginer les points d'interrogation qu'elle a laissés dans ses notes, escomptant quand même un sursaut - les batailles - qui remettrait son pays d'adoption debout pour enfin retrouver la paix, à défaut de sa superbe. Ce panache qui lui a tant fait défaut depuis le début du conflit et qui laisse au coeur d'Irène Némirovsky une profonde amertume.

Une chose est sure, cette photographie de la société française dans la disgrâce ne sera pas affectée par la connaissance de l'issue de la guerre. Son auteur n'aura pas eu la chance de la connaître. Son actualité est celle d'un pays humilié qui voit encore en Pétain son sauveur. le renégat de Londres n'est pas évoqué. le 2 juin 1942, quelques semaines avant son arrestation, elle écrit dans ses notes : « Ne jamais oublier que la guerre passera et que toute la partie historique pâlira. » Irène Némirovsky sait bien que toutes les guerres ont une fin. Elle est loin d'imaginer l'avenir de ce présent qui la consterne.

Tempête, la première partie, est une compilation d'instantanés surprenant des parisiens dans leur fuite de la capitale devant l'avancée des troupes allemandes. Des parisiens dont le désarroi se traduit par des situations criantes de vérité, mises en scène par l'oeil sévère d'Irène Némirovsky sans doute sans autre modification que les noms des protagonistes. Dénonçant le chacun pour soi qui prévaut, grandement aggravé par les différences de condition sociale et favorisant une fois encore les possédants.

Dolce stabilise l'intrigue dans un village en zone occupée. La France est encore coupée en deux par la ligne de démarcation. Les habitants du village apprennent à vivre avec l'occupant. Avec ce que cette situation comporte de drames mais aussi de fraternisation. Irène Némirovsky n'est pas insensible au destin de ces soldats en uniforme vert-de-gris, parfois très jeunes, eux-aussi dépassés par le drame dont ils sont souvent des acteurs contraints. Déplorant la déroute de notre armée, elle a à l'égard de l'armée allemande une forme d'admiration horrifiée pour cette machine de guerre si bien huilée.

La lecture de ses notes est à ce propos évocatrice de l'état d'esprit qui anime l'auteure à l'heure de la mise au point de son ouvrage : « Je fais ici le serment de ne jamais plus reporter ma rancune, si justifiée soit-elle, sur une masse d'hommes, quels que soient race, religion, conviction, préjugés, erreurs. Je plains ces pauvres enfants. Mais je ne puis pardonner aux individus, ceux qui me repoussent, ceux qui froidement me laissent tomber, ceux qui sont prêts à vous donner un coup de vache. »

Ce coup de vache il est arrivé. Certainement pas de la part de qui ni avec la violence qu'elle pouvait redouter. C'est celui du 13 juillet 1942 lorsque les gendarmes sont venus la chercher en son refuge d'Issy-L'évêque. Ce coup de vache l'a conduite à Auschwitz, avec la fin que l'on connaît quelques semaines plus tard seulement.

Avec suite française nous lisons aujourd'hui l'ouvrage d'une personne qui se sait menacée. Qui a quand même la volonté de mettre en page une fiction-témoignage des événements qui la submergent. Une suite qui n'en aura pas justement, dans ce pays où elle avait trouvé refuge avec sa famille. Où elle pensait avoir enfin trouver la sécurité qui avait fait défaut à son enfance. Mais son refuge l'a trahie. La suite est tragique et honteuse. Elle est à mettre au crédit des autorités françaises. Ironie du sort. Mais ça elle ne l'envisageait certainement pas.

Cette suite qu'Irène Némirovsky n'avait pas augurée est une pensée obsédante tout au long de la lecture de cet ouvrage. Cela nous le fait lire au travers du prisme d'une funeste prémonition.
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Magnifique roman, écrit dans l'urgence sur un cahier et qui a connu une destinée particulière car il a été emmené dans une valise par les filles de l'auteur, après son arrestation et publié bien plus tard.
Magnifique à plusieurs titres: l'écriture est impressionnante de justesse, de précision, de poésie aussi.D'origine juive ukrainienne, Irène Némirovski manie la langue française avec élégance et grande maîtrise.Le sujet de l'exode, durant la seconde guerre mondiale, en France, ( qu'elle a connu) est traité en profondeur, alternant les points de vue de différents personnages, au coeur de cette débâcle sur les routes, au milieu des bombardements. Peu de gens seront épargnés par l'auteur, qui montre bien les bassesses de chacun, les lâchetés et les trahisons.Seul, un couple modeste conservera sa dignité.
Avec lucidité, l'auteur explore l'âme humaine et ce dont elle est capable, dans des circonstances particulières. Un roman implacable et édifiant.
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"Suite Française" regroupe les deux premiers tomes achevés dans l'urgence d'un grand et long roman qui devait en compter cinq, couvrant toute la seconde guerre mondiale du début à la fin.
Il manque donc les trois derniers tomes, et pour cause, Irène Némirovsky a été arrêtée en juillet 1942 et assassinée à Auschwitz en aout de la même année.
Le troisième tome est cependant assez clair dans sa tête, et les brouillons retrouvés en donnent les grandes lignes, ce qui permet aux lecteurs de se projeter un peu plus loin dans l'histoire des personnages, qu'il abandonne en grand danger en 1942, donc, puisqu' Irène Némirovski écrit en temps réel.
Reprenons depuis le début.
La première partie : "tempête en juin", relate l'exode, vu de l'intérieur par une série de tableaux et de personnages que l'on suit sur les routes de France. On part de Paris avec une famille de grands bourgeois, les Péricand, un auteur célèbre, Gabriel Corte, et sa maîtresse Florence, un couple de petit bourgeois, les Michaud, qui doivent rejoindre à Tour le directeur de la banque, Corbin. On suit aussi par bribes les fils adultes des Péricand et Michaud, et quelques autres personnages secondaires. La deuxième partie, "Dolce", est centrée sur les débuts de l'occupation allemande en province, autour de la famille Angellier (bourgeoise) et de la famille Labarie (paysanne), dont les membres sont déjà apparus dans la première partie ou liés à des personnages connus du lecteur.
Irène Némirovski, par la multiplication des personnages et de leurs liens, tente de recréer en dimension réelle l'espace-temps de l'exode, tel qu'elle l'a vécu et analysé. C'est une grande réussite. Une sorte d'apocalypse terre-à-terre, où les certitudes sur soi et les autres sont cruellement mises à mal, mais sans crise, sans hystérie, comme naturellement. Les gens se comportent mal, il fallait-il faut- s'y attendre. L'égoïsme l'emporte, il n'y a rien d'épique ni d'héroïque chez personne. Un peu de solidarité par ci par là, mais pas grand chose ...Triste tableau, donc, que cette déroute. L'auteure, qui n'a pas vu la fin de la guerre, semble néanmoins dotée d'une forme de double vue. On sent, dans le deuxième tome, que des réseaux de résistance vont s'organiser. La collaboration est active, mais Némirovsky sent que cela finira mal, et certains personnages en mettent d'autres en garde contre une trop grande proximité avec l'ennemi.
Quant aux trois derniers tomes, on dirait qu'elle les a vus dans les cartes :
-Captivité, sur les camps de concentration et les prisonniers de guerre. (Elle n'imagine pas l'extermination)
-Batailles et Paix, la fin de la guerre, où l'on sent très clairement que, pour elle, l'Allemagne va perdre par l'Angleterre...
"Le poète travaille à se rendre voyant..." On reste stupéfaite devant un tel talent et désespérée de ne pas avoir la fin de cette fresque magnifique par la faute d'impardonnables barbares.
(C'est déjà un miracle que nous ayons ces deux tomes, transportés par les deux filles d'Irène Némirovsky durant toute la guerre, et finalement retranscrits au début des années 2000)...
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Un mois presque que j'ai achevé la lecture de « Suite française » et je suis toujours sous le charme (et sous le choc) de la plume d'Irène Némirovsky que je découvre avec cette « Suite française ».
Rarement il m'aura été aussi difficile de trouver les mots pour rendre justice à une oeuvre.
Il y a tant de choses à dire sur ces ces pages qui retracent les heures sombres de l'occupation allemande : l'élégance incroyable de ce livre, l'émotion intense qui se dégage de cette écriture à la fois pointue et pourtant si accessible. Et ce don de portraitiste hors pair, cette capacité à faire vivre ses personnages, cette façon d'épingler leurs travers, toujours implacable, parfois tendre, car rares sont ceux dont elle ne réussira pas à tirer une lumière, une touche d'humanité. Cette femme qui aura assisté au naufrage d'une société et en aura subi les conséquences les plus cruelles, réussit dans ses écrits à garder une âme claire, et en toile de fond, comme un espoir chevillé au coeur.

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Suite française » est un roman écrit entre 1940 et 1942, il ne fut publié qu'en 2004. Prix Renaudot à titre posthume, succès mondial, c'est surtout un instantané, un roman vrai sur la guerre au quotidien. Irène Némirovsky, morte à Auschwitz en 1942, a publié une dizaine de romans et de nouvelles, de 1930 à 1940, elle est au premier plan de la scène littéraire française.

Elle écrit sur le monde violent de l'Europe de l'entre deux guerres. Ses héros sont profondément humains, peut-être trop humains, tendres ou violents, utopistes ou cyniques. L'homme peut-il préserver son intégrité dans le chaos ? C'est un humanisme désabusé qui qualifierait le mieux son oeuvre.
Cette lecture donne envie de retrouver des bouquins de cette écrivaine que je ne connaissais pas......
Le film qui est sorti en 2015 a des critiques désastreuses comment faire un mauvais film avec un matériau pareil....mystère de la création ????
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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C'est en regardant, sur FR3, le film " Suite française " de Saul Dibb que j'ai eu envie de lire le livre éponyme d'Irène Némirovsky.
J'ai alors découvert que seule la partie intitulée " Dolce " avait été portée à l'écran. C'est la partie où les réfugiés puis la Wehrmacht arrivent à Bussy.
Le roman ( un roman, vraiment ? ) est bien plus complet que le film puisqu'il retrace l'exode dans la partie intitulée " Tempête en juin ".
Toutes les classes mélangées fuient l'envahisseur : les aristocrates, les bourgeois, les artistes, les cocottes, les employés, les ouvriers...
L'exode n'est pas vécu de la même façon par tout le monde, mais lors des bombardements, riches ou pauvres meurent pareillement.
Cette partie est terrible, car terriblement bien restituée. C'est, pour moi, presque un reportage de guerre. Certes, les personnages sont fictifs. Mais les faits, eux, sont réels.
C'est bouleversant, surtout quand l'horreur côtoie la beauté. Et surtout quand on sait qu'Irène a été déportée et assassinée en 1942. Elle n'aura pu terminer son oeuvre.
Et j'ai pensé à d'autres disparues : Anne Franck, qui serait peut-être devenue un grand écrivain ; Charlotte Salomon, artiste peintre, dont l'oeuvre restera à jamais inachevée ; et tant d'autres talents, à jamais perdus pour l'Humanité ...
Une lecture indispensable pour ne pas oublier la disparation d'êtres humains irremplaçables dans le grand brasier de l'Histoire.





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