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sur 1635 notes
Nietzsche renverse la table. A travers ce soit disant sage/prophète qui parle comme un illuminé/maître de sagesse/mystique, il déconstruit une certaine idée du monde que s'est construite une civilisation judéo-chrétienne au fil des siècles. Il faudrait lire en parallèle Bergson avec ses deux sources de la morale et de la religion pour voir à quel point le travail de Nietzsche est salutaire.

« Pour conquérir sa propre liberté et le droit sacré de dire non, même au devoir, pour cela, mes frères, il faut être lion. »

Ce n'est pas tant cette civilisation que Nietzsche dénonce mais qu'elle s'est dévoyée. C'est un retour aux sources qu'il propose, un retour au sens premier.

Est ce de la philosophie? Est ce de la spiritualité? C'est ce que la philosophie s'était interdite depuis longtemps, un livre de vie.

Qui cherche à conquérir sa liberté gagnerait à gravir cette montagne. S'il ne le fait en lisant ce livre, la vie se chargera de lui enseigner…
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Ainsi parlait Zarathoustra était resté un mythe en ce qui me concerne. Vingt fois commencé ; vingt fois abandonné pour incompréhension. C'est aux abords de cette cinquantaine grisonnante que j'ai retrouvé le vieux sage.
Je me dois d'abord de rendre hommage à Michel Onfray qui, dans son « Université Populaire de Caen » fait un cours magistral (dans tous les sens du terme) et passionnant sur cet ouvrage et a ouvert tous mes yeux. Certes le Nietzsche le plus coriace à lire mais paradoxalement le plus clair, celui qui met sa pensée sous forme de poème épique à la grecque (n'oublions pas le passé de philologue de Nietzsche), d'opéra wagnérien aux voix multiples (toujours selon Onfray) mais aussi de contre-évangile. Il me semble quand même nécessaire de lire la Bible avant d'aborder le Zarathoustra. Les références aux évangiles y sont nombreuses, surtout dans la manière que Nietzsche a de détourner les choses, par exemple au lieu de « aime ton prochain comme toi-même », voici ce que propose Zarathoustra :

"Voici ce que mon grand amour exigera des
hommes lointains : Ne ménage pas ton prochain.
L'homme est ce qui doit être dépassé."

Postulat de départ, lorsque Zarathoustra, vers trente ans, descend de sa caverne où il a médité : « Dieu est mort. » Il faut donc faire sans. C'est ainsi que le sage descend annoncer la nouvelle aux hommes et leur prêche Sa bonne parole mais sans l'imposer. Il donne des pistes plutôt.
Qu'est-ce que l'homme sans Dieu ? D'abord un homme libre qui doit de métamorphoser en Surhomme à travers trois transformations. D'abord chameau obéissant aux règles qu'on lui a imposé dès la naissance- règles sociales, religieuses et morales – puis lion, celui qui s'impose par son vouloir puis enfin enfant, celui qui est mais aussi qui représente l'humain devenu Surhumain et offrant son potentiel de vie, représentant l'éternel Retour, idée chère à Nietzsche dès le Gai Savoir. Car Zarathoustra est un hymne à la vie, une vie dionysiaque de danses et de rires, et cette vie nous la revivrons éternellement pour pouvoir l'accepter telle qu'elle se présente enfin, que nous y puisions notre force à dépasser l'humain, à revenir en Surhomme.
Il y a du rythme dans cet ouvrage composé lui-même de plusieurs chants à la manière de l'Odyssée et des poèmes épiques grecs et de nombreux « Chants » à proprement parlé. Zarathoustra, comme Jésus, va vers les hommes et leur enseigne ce qu'ils doivent savoir pour devenir des surhommes, accepter leur vie, lui trouver de l'intérêt voire du plaisir. Mais retenons surtout que Zarathoustra, si l'on comprend bien ses leçons, enseigne aux hommes à devenir ce qu'ils sont et ce n'est que par eux-mêmes, par leurs expériences et leurs propres introspections qu'ils le pourront. Encore une fois, le sage n'impose rien, il fustige le monde ancien, oppose l'aigle aux moutons -bon on va lui pardonner le cliché des moutons suiveurs- car l'aigle fond sur l'agneau, agneau de Dieu bien sûr. Zarathoustra est surtout une déconstruction de la religion chrétienne faire de pitié – le pire des sentiments selon Zarathoustra – de pardon et d'amour des ennemis.
"N'ayez que des ennemis haïssables, et non des
ennemis méprisables ; il faut que vous puissiez
être fiers de vos ennemis ; je vous ai déjà enseigné
cela.
Il y aurait encore tant de choses à écrire sur ce magnum opus nietzschéen, qu'il faudrait recenser tous les personnages que Zarathoustra rencontre et qui offre chacun une sorte d'énigme, qui essaie de piéger le sage. Celui qui pourrait être le diable tentateur de Jésus, est finalement celui qui essaie de le ramener vers la morale du plus grand nombre, ce sentiment que Nietzsche a appelé « la moraline ».
Livre philosophique, poétique, mythologique, mystique, genre d'opéra dont Richard Strauss a tiré un poème symphonique, Ainsi parlait Zarathoustra s'impose comme le livre de la mort de Dieu et des hommes qui apprennent à se débrouiller sans lui. Après lui, on ne pensera plus comme avant.

"Tel un héron qui, la tête renversée, domine
dédaigneusement du regard les plats étangs,
mon regard se porte au-delà de ce fourmillement
de petites vagues grises, de petits vouloirs
gris, de petites âmes grises."

Zarathoustra est un Icare qui veut réussir.

"Un nombre croissant d'entre vous périra, car il
faut que la vie vous devienne de plus en plus
dure et pénible. C'est ainsi seulement – c'est ainsi
seulement que l'homme grandit, atteint les
hauteurs, où la foudre le frappe et le brise : quand
il est monté assez haut pour rencontrer l'éclair."

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Je ne sais encore comment je vais aborder cette note. Il me semble inutile et fastidieux de tenter un résumé ou une vulgarisation de la totalité des idées développées. Et je trouve assez déplacé et même cocasse de juger Nietzsche, par ailleurs.

Il faudra bien que je trouve une manière de parler de cette oeuvre d'une nouvelle manière, en optant pour une sélection des idées, selon mes choix. C'est un terrain nouveau que j'explore.

Alors, c'est poétique et métaphorique, certes. Je préfère pourtant, moi, des idées bien nettes, tranchantes, irréfutables et péremptoires à des images, même belles. J'ai le sentiment, lorsque je lis une métaphore, que l'on s'imagine qu'elle me fera mieux réfléchir, qu'elle m'aidera à comprendre une théorie qui me donnerait trop de mal si elle était « brute ». Je me sens infantilisée. Comme on fait comprendre les choses à un enfant par les fables et les contes. J'en suis offensée, d'une certaine manière.

Voilà ma première impression : Nietzsche prend son lecteur pour un enfant qu'il doit tenir par la main pour le mener à la sagesse. Par une suite de paraboles.

Et puis ça a quelque chose de très impatientant, même d'irritant à la longue.

Alors, bien sûr, j'entends le principe. Un nouvel évangile, mettant en scène un nouveau prophète, remplaçant l'ancien puisque dieu est mort. Une sorte de contre-évangiles en somme. Pastiche déroutant et fort habile même si la lecture peut en être parfois pénible.

Je suppose que cela avait plus d'impact sur les contemporains de Nietzsche. Aujourd'hui, sa force est moindre car enfin, un évangile n'évoque plus rien à personne ou si peu, et à si peu de gens.

J'ai élu quelques images selon mon goût. Je ne détaillerai que celles-ci. En précisant bien que ce n'est pas du tout un résumé de l'oeuvre. J'interprète uniquement quelques images en y mêlant mes propres idées et réflexions parfois. Seulement cela.

Dès le prologue, je retiens une chose qui me plaît infiniment. L'homme serait quelque chose qui doit être surmonté. Et je le comprends de la manière suivante: nous devons nous élever. Notre qualité d'homme est bien loin d'être suffisante. Nous devons évoluer pour devenir des êtres supérieurs, au delà de nous-mêmes. Et je songe à Julien Green, qui écrit que écrire, c'est monter sur ses propres épaules. L'homme doit se surpasser lui-même. Devenir le surhomme. Pour cela, l'homme doit d'abord passer par une étape bien pénible. Il doit se mépriser tel qu'il est. C'est à dire ne pas se contenter de ce qu'il a déjà bâti et de la petite évolution à laquelle il est parvenu, mais surtout en être insatisfait. Et alors me vient une autre référence, « du feu aux Poudres » de Henry War. Et toute cette partie terrible intitulée « Ton vil portrait ». Ce « vil portrait », regard lucide sur soi-même m, ne doit pourtant pas effrayer ni indigner. Il nous est un mal nécessaire, une vérité à regarder en face, afin de se corriger et d'entamer la construction d'un « soi » suprême, évolué.

Cet état d'homme méprisable me conduit logiquement au sage du sommeil. Comment trouver le repos? le sage dresse quarante conditions pour bien dormir. Et ce paradoxe est terrible: bien dormir apparaît comme un but dans la vie. Il serait une fin. Tant pis si les moyens sont discutables, le seul but est le bon sommeil. « Honneur et obéissance à l'autorité, et même à l'autorité boiteuse ! Ainsi le veut le bon sommeil ». Ce sage aspirait à une vie endormie, à une existence paisible, quitte à ne rien faire, et à s'éloigner de tout se qui gâcherait ce repos sans remous. Des gens déjà morts, donc, s'assurent de leur bon sommeil. Éloignés volontaires de toute vitalité, de toute puissance, de la vérité et de tout ce qui feraient d'eux des individus.

L'homme qui dort bien est donc chameau. Une bête de somme qui porte sur son dos toutes les valeurs qui lui permettent de bien dormir. Il obéit donc à la parole du sage, ou aux commandements du dragon.

Le chameau, pour s'élever, doit d'abord devenir un lion. le lion féroce refuse les dogmes. Enfin, le lion devient enfant. L'enfant est vierge de morale et d'ordre établi. C'est un recommencement, un nouveau départ de zéro, un effacement de toutes les fausses données apprises, amassées par le chameau, qui ont disparu. L'enfant ne porte plus les vertus sur son dos, il est libéré de ce qu'on lui a appris, et peut refaire le chemin de lui-même. Choisir ses propres lois, penser par lui-même et inventer ses propres codes. L'enfant n'est pas moral, pas encore. Il ne sait comment bien dormir. Il est plein d'une saine vitalité, d'une soif d'apprendre et de découvrir. Et je connais très bien ce chemin, ces transitions du chameau à l'enfant. Et puis de l'enfant à l'élévation de soi, enfin rendue possible par la décharge des fardeaux.

La solitude, dont se pare constamment Zarathoustra, paraît une condition indispensable à l'élévation. Mais cette solitude n'est pas celle d'un ermite qui se terre et se cache, bien au contraire. La solitude de Zarathoustra est une solitude de sommet, « à six milles lieux au dessus des hommes et du temps ». Il est tant élevé qu'il est seul en haut, si haut. L'abîme est trop important qu'il ne peut communiquer avec les hommes. Il est monté si haut qu'ils ne peuvent l'entendre, et le chassent. Parce qu'ils ne peuvent comprendre sa grande supériorité. La populace est grégaire, elle parle d'une seule voix, quand l'individu lui, parle en son nom parce qu'il a réfléchi. Il ne peut être solidaire ni se ranger à l'avis général. Voilà pourquoi il est seul. Il ne se présente pas en poète maudit pour paraître. Il est seul parce que personne n'a accès à sa pensée.

Néanmoins, Zarathoustra a quelques disciples. Qu'il chasse par cohérence. Lui qui enseigne de faire son propre chemin et de ne suivre aucune pensée aveuglément ne peut souffrir logiquement d'avoir des disciples. Il les incite ainsi à continuer la route seuls eux aussi.

Cette solitude doit-elle se passer d'amitié ? Non. Cependant l'amitié ne doit pas être une façon de ne pas se retrouver seul avec soi, et ne pas entraver les conversations que l'on tient avec soi-même et intérieurement. Jamais l'ami ne doit être une façon de s'oublier, et ainsi de ne pas penser. L'amitié doit être un dépassement commun, une admiration mutuelle. L'amitié doit être aussi la haine des failles de l'autre, et non pas ce lieu commun d'accepter l'autre tel qu'il est. Les amis doivent se diriger communément vers un idéal d'élévation, autrement l'amitié n'a aucun intérêt. L'amitié doit être un dépassement de soi constant, afin de continuer de mériter son ami. L'amitié n'a pas besoin de bonté ou de bienveillance, d'indulgence feinte et commune, qui ne sont pas des valeurs essentielles. Elle ne peut pas être paisible, et peut-être pas durable non plus. Elle n'exclut pas de mépriser les faiblesses de ses amis. Et ce pour leur bien. On aide bien l'autre à dépasser ses faiblesses en les lui montrant durement.

C'est une alliance détachée d'affects infondés, et basée sur l'élection d'une supériorité chez l'autre.

L'amitié est exigeante, et supérieure à l'amour au sens où l'on entend l'amour. L'amour devrait être une amitié, selon moi, de celle dont rêve Nietzsche. Et pas cette bête promesse faite trop tôt, alors que que l'homme et la femme sont à la fois ignorants d'eux-mêmes et emplis de proverbes mensongers qu'on leur a rabâchés au sujet de l'amour. Je pense que jamais le but premier devrait être de trouver l'amour et d'en espérer ainsi être complété. Non, l'amour ne complète rien. Au contraire, il gêne une progression, car l'amour est exigent en temps et en abnégation sotte. L'amour ne devrait se rechercher qu'une fois que la personne est devenue un individu accompli.

Nietzsche est misogyne, sans aucun doute. La femme serait le jouet le plus dangereux de l'homme. Je souligne à l'occasion un paradoxe à ce sujet: J'ai eu l'occasion de lire un peu Lou Andreas-Salomé, par bribes. Elle décrit un Nietzsche très gentil et plein d'égards envers elle.

Nietzsche ne décrit que la femme dans le couple, c'est à dire par contraste avec l'homme dans le même genre de relation.

« Je voudrais que la terre fut saisie de convulsions quand je vois un saint s'accoupler à une oie ». Cette phrase m'a énormément plu tant elle est juste et éloquente.

La femme, selon Nietzsche, ne peut accéder à l'amitié telle qu'il la décrit et elle se vautre plutôt dans l'amour, que Nietzsche hiérarchise en dessous de l'amitié. Cette sorte d'amour sans fondements rationnels, et qui ne s'explique pas (!).

D'ailleurs, Nietzsche nomme le mariage ce « misérable contentement à deux », cette « longue sottise » et cela m'a fait sourire. Tant c'est une vérité terrifiante.

J'ai aimé aussi « le petit mensonge paré que l'homme appelle son mariage ». Très réjouissant. J'ai aimé la description de l'homme qui cherchait une servante et qui finalement est le servant de la femme. Bête et soumis, empêché de s'élever par une contrainte matrimoniale et domestique toute stupide. Ainsi la femme est un jouet dangereux. Et le mariage un contrat odieux auquel il ne faut pas consentir.

De même, le droit de désirer un enfant ne devrait pas être accordé à tous et à tout moment. Il faudrait, pour faire un enfant - toit comme pour goûter l'amour - être construit soi-même, s'être élevé avant. Ainsi, on peut construire un individu qui deviendra plus haut que soi-même. Vouloir un enfant pour en faire la réplique d'un être aussi vil que ses parents non élevés est inutile.

Je n'ai traité ici que quelques images et développé seulement une petite poignée d'idées.

L'ensemble des prophéties de Zarathoustra décrivent le surhomme. le surhomme est un individu libre, amoral et détaché du fardeau de la religion. L'homme n'est qu'une corde, un passage allant de la bête au surhomme. L'homme doit être surmonté, par ce passage difficile. L'homme doit être méprisé par le surhomme à la façon dont celui-ci méprise le singe. L'humanité n'est rien, rien de quoi l'on puisse être fier. L'homme se satisfait de sa condition alors qu'elle est médiocre, et si depassable!

La naissance du surhomme doit passer pas la mort de dieu, logiquement. Aucune croyance fausse ne peut perdurer. « le blasphème contre dieu était le blasphème le plus grand, mais Dieu mourut et alors ces blasphèmes moururent eux aussi ». L'existence de Dieu attache l'homme, le tient avec de lourdes chaînes à sa médiocrité, et l'empêche de s'élever en surhomme.

Débarrassée de morale, de pensées grégaires, l'individualité intellectuelle s'épanouit et le surhommes peut ainsi accéder à la vérité, à sa grande vitalité et à sa toute puissance.

Je le permets une dernière remarque, toute personnelle. Aujourd'hui, Dieu est mort. Et pourtant, pourtant le surhomme n'est pas là. La morale, les proverbes, les préceptes de bonté et de solidarité (gregarité) sont restés. L'homme ne s'est pas libéré. Peut-on espérer encore l'émergence du surhomme ?

Pour conclure, je dirai que les impatiences que provoquent parfois ces discours imagés sont vite pardonnés. le fond, lui, est si riche et excellent d'intelligence et de finesse que ça ne peut laisser le lecteur qu'admiratif.
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Onze années se sont écoulées entre la première lecture de Zarathoustra et la seconde.
La première avait été faite dans une édition de poche d'occasion, au papier rêche et jauni, la seconde dans une plus belle, illustrée de quarante oeuvres de la collection d'art brut à Lausanne.

La première lecture avait été jubilatoire: pour la première fois je lisais une oeuvre de Nietzsche, son bazar unique m'avait fascinée, son ton doux amer, sa méprise du religieux semblait vraie et pertinente dans le contexte d'une fin 19eme mais aussi dans un début 21eme. J'avoue avoir ri et même pleuré de ce miroir mis face aux hommes et aux femmes. Et puis on lit chez Nietzsche la fatalité des répétitions: l'humain n'apprendra donc rien, il batira sur les mêmes schémas, les mêmes bêtises... Tuer dieu ne suffirait-il pas !? Mais alors....

Depuis, j'ai mûri, vieilli, et Zarathoustra me semble à la relecture une oeuvre foutraque, folle, extrême, certainement utile mais l'auteur est obtu, amer, triste et cinique, bref tout ce qui ne me séduit plus aujourd'hui dans une façon de penser.

Zarathoustra reste une oeuvre fondamentale parce qu'elle a impacté la fin du 19eme et le 20eme, on ne sait trop jusqu'à quel point mais c' est un fait. Elle m'impacta aussi, et m'influença pour défaire certains liens et en renforcer d'autres. Je garde et regarde donc le bel objet livre, son iconographie mais le contenu a jauni.

Cinq étoiles toutefois pour le coup de pied dans la fourmilière de Nietzsche, sa folie et son génie, même si ça me parle moins aujourd'hui.
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La poésie toujours présente dans l'oeuvre de Nietzsche nous entraîne ici vers la métaphore, au détriment de la vérité historique et au profit de la vérité voilée des Mystères de Dionysos. Ainsi, Zarathoustra (ou Zoroastre) n'a plus grand-chose en commun avec l'inventeur supposé du dualisme. Il se retourne symboliquement contre cette idéologie et devient un chantre du monisme, proclamant l'union entre corps et esprit. Blasphème ! Nietzsche insulte le prophète !

A la fois solennel et exubérant dans le ton, ce livre caricature le style des écrits religieux. On peut le rapprocher de la parodie, genre auquel Nietzsche rend son sens originel. Car en bon philologue grec, il se souvient que le mot parodie vient de para (le long de) et de Ôdè (chant). Zarathousta chante donc le long de l'humanité, en prenant une distance ironique. Il la côtoie dans toute sa diversité, au fil de ses voyages entre montagne et mer. Flux et reflux, ascension et déclin, Zarathoustra se plaît à penser dans le mouvement : un esprit sain dans un corps sain.

Il fait donc bonne pitance, changeant la Cène en bacchanales, où sont ridiculisés les « hommes supérieurs », appellation ironique de ceux qui rejettent les valeurs passées, mais sans volonté de les remplacer. Chez ces hommes, la parodie devient une idole, un ramassis d'âne-ri (I-A !). Aussi revient-il à Zarathousta de rire de leur rire, pour rétablir le sérieux de ses propres jeux, nom de Dieu !

Zarathousta s'amuse à vivre parmi les animaux et, tel un docteur Moreau platonique, à combiner leurs qualités en vue d'élargir les horizons de l'humanité. Il s'inspire ainsi de l'aigle altier, du rusé serpent… ou du divin bovin :

« Si nous ne nous convertissons et ne devenons semblables aux vaches, nous n'entrerons pas au royaume des cieux. Il y a une chose que nous devrions apprendre d'elles : à ruminer. »

La pensée de Nietzsche affirme la volonté de vivre en fonction de valeurs idiosyncratiques. Agir de façon à souhaiter que chacun des moments de nos vie revienne éternellement (ici c'est l'impératif catégorique de Kant qui est détourné). La ménagerie de ce recueil sert autant à éclairer cette voie qu'à moquer ceux qui lui font obstruction, du poison de l'araignée égalitaire à la vanité des poètes paons-paons cuculs. Autrement dit, tous ceux qui ont fait stagner la pensée humaine dans l'équilibre (ponctué ?) du bien et du mal. À la fois évolutionniste et romantique, la notion du Surhomme est marquée par les idées de son siècle. Elle n'en vise pas moins à les dépasser, et enjoint donc ses adeptes à la dépasser elle-même : « je vous ordonne de me perdre et de vous trouver ».

À l'instar des Chants de Maldoror de Lautréamont, publiés à la même époque outre-Rhin, Ainsi parlait Zarathoustra est donc une féroce charge animalisée contre l'ordre établi. le lion rugit, les tombeaux des mélancoliques explosent sous l'effet d'une bombe libérant des « milliers de visages d'enfants, d'anges, de hiboux, de fous et de papillons », et le monde ancien « périt » dans un éclat de rire.
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Nietzsche est mort, il est devenu idole d'une génération YouTube et twitter qui assassine sa pensée. Désormais on le dissèque, on le fait nationaliste, défenseur des valeurs traditionnelles de l'Occident, presque libéral même dans la fachosphére, un philosophe spécial self made man, un petit guide de conduite pour entrepreneur de soi même. On commercialise sa pensée pour la génération pseudo rebelle anti progressiste, on le vend à des gamers accro à Fortnite. Mais pourquoi s'étonner quand on peut voir un de ces influenceurs capable de vous parler de Baudrillard tout en parlant de sjw à côté.

Nietzsche idole de l'anti immigration, presque sacré catholique: On a eu le droit à Nietzsche et le catholicisme, dans cette vidéo, Mr Rochedy vend une idéologie de la soumission. Il veut nous coller à l'Eglise pour faire survivre l'Occident, il nous en fait une idole des valeurs traditionnelles, paye ta philosophie libératrice... Il réutilise même un langage universalisant sans profondeur conceptuel et qui n'a qu'un lien souvent fantasmé avec la réalité. Assez ironique pour le coups, d'utiliser un philosophe qui se plaint que les valeurs ne se conforme plus à la vie et à la réalité.

Désormais, on résume la volonté de puissance en 10 minutes, on fait un guide sur le surhomme en 8, voilà ce qu'est devenu Nietzsche. Et je peux paradoxalement vous dire que j'ai moins souffert en lisant ce livre qu'en écoutant ces choses. Nietzsche est une philosophie du sommet, cet ouvrage est certainement le plus littéraire de Nietzsche. Zarathoustra est un passeur plus qu'un prophète, il fait le constat de la mort de dieu et il montre deux voies:

La première voie, ce sont les idoles de substitution, les nouvelles idéologies, tous ces totems qui asservissent l'homme et le conduisent à un nihilisme et dont le résultat fut certainement la funeste seconde guerre mondiale et sa logique d'anéantissement. Pauvre Nietzsche qui a rêvé de la guerre qui conduirait au surhomme, elle qui a créé tout le contraire... Mais il y a également la critique de cet ère du faux semblant, du progrès et de la science, de toutes ces valeurs qui ont pris le pas sur la réalité, de la société de consommation, société d'idole qui transforme la réalité.

La seconde voie, celle de Zarathoustra, celle qu'il nous conte avec poésie et aphorisme, l'homme ne doit pas être une fin mais un pont vers le Surhomme. Il ne doit plus vivre selon les traditions, il doit créer ses propres traditions. Il n'a pas à être le fruit d'une civilisation héritée des ancêtres, il doit créer sa civilisation pour ses enfants. A notre époque, l'homme est vide, plat et il n'a plus de profondeur, il ne s'ancre nul part, il est hors-sol et il est triste. Se réapproprier le monde sensible, fonder sa civilisation, voilà qui le rendra l'homme supérieur, le rendra artiste ou aristocrate, Surhomme même.

Le monde, s'il cesse d'être un tombeau, peut redevenir le lieu où les Hommes vivent, pas le lieu où ils meurent et où ils se décomposent. L'Homme ne doit plus vivre pour l'autre monde, il doit revenir à la Terre. Il doit la comprendre, la connaître, l'épouser, en savourer ses charmes et ses douceurs, refonder même une mythologie qui redonnera du sens. Il doit vivre sur Terre, pour la Terre et par la Terre. L'homme doit se connaître, comprendre ses pulsions. Il doit les épouser, les laisser libres et ne pas réprimer ses instincts créateurs et destructeurs. Se libérer de ce qui qui contraint la libre expression de son élan vital L'Homme est un animal, il mange, il fête, il danse, il trompe et... il tue, il assassine, il peut également obéir à des instincts criminels.

Nietzsche est aussi un philosophe qui possède des limites, faire une société en respectant ce genre de code, objectif complexe, sa volonté eugéniste, son éloge de la guerre et de l'armée, institution métaphysique et machine de mort, la volonté de puissance, réflexion du monde par la métaphysique, ses avis restent le produit d'une époque (les femmes ont pas le beau rôle, les ouvriers sont très méprisés)... Philosophe qui a été disséqué et critiqué par des vrais philosophes, Deleuze, Camus, Heidegger et... au pire de Benoist. Mais ce qu'on lui fait subir en le popularisant sur le net, on a tué Nietzsche. Ca, c'est ma seule certitude... On a tué Nietzsche.
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Cet ouvrage est un guide spirituel.
Pour Nietzsche, le "surhumain" est l'étape future vers laquelle l'homme doit, par sa volonté, par son effort, se porter lui-même.
Le surhumain ne doit rien à son passé, mais seulement à lui-même et à sa volonté. Une volonté joyeuse, libératrice, donatrice et créatrice.
Il est parvenu à créer des valeurs nouvelles qui donnent un nouveau sens à sa vie, indépendant de la morale religieuse. Car pour le surhomme, Dieu n'existe pas. le sens donné à la vie qui découlait de la morale religieuse n'existe donc plus.
Mais cette volonté de puissance ne va pas sans la dimension éthique de "l'éternel retour", qui la met à l'épreuve, pour ainsi dire:
l'individu devient maître de lui-même et découvre la répétition infinie des effets produits par ses actes et doit être capable de supporter son choix et les conséquences qui en découlent.
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Un livre dont j'avais entendu parler et que je me suis enfin décidée d'emprunter à la bibliothèque. Une somme à lire à petites doses. J'avoue que j'ai abandonné avec la fin. Sans doute par manque de précautions ou de références. J'ai donc de sérieuses difficultés à en parler, si ce n'est d'affirmer que je n'ai pas aimé ou que je n'ai pas tout saisi. Puis mettre une cote à ce monument de la littérature ne me semble pas indispensable, puisqu'elle reposerait seulement sur mon propre avis. Dans ma critique, je me suis donc retenue d'y aller d'une prose pédagogique ou de mettre des étoiles, comme cela me paraît évident (qu'on aime ou non) de coter Shakespeare, Molière, Goethe ou Baudelaire. Tout est ici une affaire de goût. Rien d'autre !
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Il est extrêmement difficile d'écrire avec pertinence sur cette oeuvre et sur Nietzsche en général, d'autant qu'il ne s'agit pas de mon domaine de compétence. L'Histoire a d'ailleurs montré cette dangereuse tendance à tirer des conclusions fallacieuses d'un livre qui n'a, en aucun cas, vocation à devenir un dogme ou une doctrine.
Ainsi, il s'agira d'une réflexion générale sur l'oeuvre, en toute humilité et je m'appuierai sur le formidable passage de l*'Homme Révolté* de Camus sur le nihilisme de Nietzsche ainsi que sur l'analyse de Goldschmidt.

Ainsi parlait Zarathoustra est d'un lyrisme tranchant, qui est le stigmate de la violence de l'insurrection de Nietzsche contre la pensée occidentale gelée de son temps. Une foule d'idées, de satires, de critiques et d'éloges dansent dans un paysage néo-biblique pittoresque qui ne laissera pas le lecteur indifférent.

Qui mieux que Camus résume la pensée de Nietzsche:

"Nietzsche est bien ce qu'il reconnaissait être : la conscience la plus aiguë du nihilisme. le pas décisif qu'il fait accomplir à l'esprit de révolte consiste à le faire sauter de la négation de l'idéal à la sécularisation de l'idéal. Puisque le salut de l'homme ne se fait pas en Dieu, il doit se faire sur la terre. Puisque le monde n'a pas de direction, l'homme, à partir du moment où il l'accepte, doit lui en donner une, qui aboutisse à une humanité supérieure."

Nietzsche veut rendre la situation qui lui est contemporaine intenable pour l'homme. Il se rue contre les limites de son nihilisme, comme le formule joliment Camus, et énonce la nécessité d'une résurrection de l'Homme parmi les Hommes, par une quête de solitude extrême et de recherche du surhumain. Dans ce monde débarrassé de Dieu et des idoles morales, l'homme est maintenant solitaire et sans maître. Nietzsche n'a jamais laissé croire qu'une telle liberté pouvait être facile.

Du reste, l'oeuvre de Nietzsche a été largement récupérée, tordue et mal-interprétée:

"Sa "solitude profonde de midi et de minuit" nous dit Camus s'est pourtant perdue dans la foule mécanisée qui a fini par déferler sur l'Europe." [...] "Dans l'histoire de l'intelligence, exception faite pour Marx, l'aventure de Nietzsche n'a pas d'équivalent : nous n'aurons jamais fini de réparer l'injustice qui lui a été faite."

D'ailleurs, Nietzsche abhorre la guerre et l'a dit maintes fois dans des écrits antérieurs. Sa théorie du surhumain, n'en déplaise aux avides de pouvoir qui s'agenouillent devant l'histoire, impose un dépassement personnel du soi mais jamais un soulèvement collectif pour aboutir au sur-homme. Ainsi, le surhumain n'est pas une fatalité future, mais bien un effort, un surpassement par lequel l'homme doit se surmonter sans cesse et récuser le carcan des lois, des doctrines et des obligations. Nietzsche a bien vite vu les dangers du nihilisme poussé à ses extrêmes, et a tenté tant bien que mal d'éviter l'apocalypse pour une renaissance pacifique.

"On nous met presque dans notre berceau, déjà, des mots et des valeurs pesants : "bien et mal", c'est ainsi que se nomme ce don que l'on nous fait. En son nom on nous pardonne de vivre".

Je laisse Camus pour des considérations personnelles, mais je conseille vivement la lecture de l'Homme Revolté pour pleinement comprendre l'objectif de Nietzsche. Contrairement à beaucoup de bêtises qui ont été prononcées, notamment par Mr Onfray, Camus n'est pas un nietzschéen et l'Homme révolté n'est en aucun cas un éloge de l'auteur allemand, mais bien une réflexion sur les conséquences de son nihilisme clinique. Nietzsche n'a pas assez prôné la mesure, et implique l'adhésion au grand "oui" collectif, ainsi qu'à la grande fatalité des choses, pierres angulaires de son nihilisme dont la seule conséquence pratique, s'il est utilisé comme doctrine, est bien le meurtre.

"On ne peut rien tirer de Nietzsche, sinon la cruauté basse et médiocre qu'il haïssait de toutes ses forces, tant qu'on ne met pas au premier plan dans son oeuvre, bien avant le prophète, le clinicien."

Zarathoustra doit être lu et relu, pas forcément d'un coup, pas forcément dans l'ordre, mais en tout cas dans son entier pour ne pas mésinterpréter les paroles de l'auteur. le style décousu mais poétique est marquant, et on se plaira à naviguer dans ce monde où les émotions sont exacerbées, par delà le bien et le mal et vers le grand Midi.

Une expérience autant sensorielle que cognitive dans une oeuvre philosophique qui prend tout son sens dans notre siècle.
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Le titre "Ainsi parlait Zarathoustra" a pour sous-titre "Un livre pour tous et pour personne". Zarathoustra  est par référence à  Zoroastre. L'encyclopédie Wikipédia indique que Nietzsche a choisi ce titre car il fut le premier à enseigner la doctrine morale des deux principes du bien et du mal. Or l'oeuvre a pour but la destruction des valeurs morales, des croyances métaphysiques et notamment celles du christianisme. Ainsi, le second Zoroastre imaginaire, celui de Nietzsche abolit-il la doctrine du premier. On peut s'étonner que cette édition passe sous silence le sous-titre. Ce n'est tout de même pas insignifiant un sous-titre ! le "pour tous" c'est d'abord les occidentaux de culture juédo-chrétienne. L'objectif est la Vie en abondance sur terre, sans utopie d'un au-delà à mériter, le paradis des chrétiens, hors toute contrainte, libérée de toute morale. Revenons à la seconde partie du sous-titre : un livre pour personne, donc pour la simple satisfaction de son auteur ? Difficile à croire si on prend en considération la présentation de Nietzsche lui-même en quatrième de couverture : Goethe et Shakespeare asphyxiés par l'altitude de l'oeuvre et que les poètes du Véda ne soient pas dignes de dénouer les chaussures de Zarathoustra. Est-il modeste notre philosophe, puisque Zarathoustra c'est aussi Nietzsche lui-même ? Alors "pour personne", personne pour le suivre et pour devenir un disciple de Zarathoustra et plus généralement de sa philosophie. Nietzsche dénué de compassion, considérant que le peuple, les humbles, les petits ne sont pas dignes de sa pensée ? Oui, c'est une hypothèse, mais son manque de modestie milite tout autant pour une première provocation, vous n'en êtes pas dignes, avec l'intention qu'on le lise et qu'on lui accorde tous les honneurs qu'il a d'ores et déjà mérités. Alors, pour ceux qui trouvent une pleine jouissance à la lecture de ce livre d'un tel lyrisme, d'une telle poésie, d'une grande philosophie. Pour ma part, j'adhère totalement aux deux premières phrases de Paul Mathias auteur de la présentation de l'ouvrage et des notes de pages d'aide à la lecture : le commerce des oeuvres de Nietzsche est extraordinairement éprouvant. Et en particulier du Zarathoustra, dont le sens est incertain, la logique suspecte, et d'une manière générale la pensée fragmentée, plastique et comme on dit "protéiforme". Ceci étant, maintenant, on ne peut s'économiser un avis sur sa philosophie. Certes il contribue par son contre-pied général à faire réagir tous les philosophes et après-lui on peut parler de philosophie post-modernes. Cependant si la philosophie a pour but d'aider à vivre et d'amoindrir la peur de la mort, il n'a que partiellement réussi. Incontestablement, par moultes récurrences, il nous conseille de vivre intensément notre vie actuelle. Vivre intensément bien ! Mais peut-on se libérer de toute morale pour vivre ensemble ? Enfin son Surhomme et son Éternel retour peuvent-ils être d'une quelconque aide pour surmonter la peur de la mort ? Tout au plus n'aurons-pas de regret si nous avons vécu intensément, mais n'aurons-nous pas une vie tourmentée si c'est au prix des pires méfaits et immoralités ?
Nietzsche et son Zarathoustra participent à l'histoire de la pensée. Nous pouvons et même nous devrions vivre de ses enseignements : l'amour du présent, le deviens ce que tu es, qui tu es, l'intensité de vie, le test de pertinence de nos engagements par l'éternel retour mais nous ne pouvons pas être décemment des disciples complets Nietzschéens.
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