Les fans d'Alien comme de Star Wars l'ont bien compris : préquelle rime trop souvent avec séquelles. Ainsi le Capitaine de Nexus VI explique très bien la chose quand il parle de l'inutilité de "Prometheus" car démythifiant trop gratuitement le Space Jockey ou en parlant d'un "non-sens total" pour la Prélogie d'imaginer le passé de Dark Vador. L'une et l'autre de ces deux figures cultes auraient dû rester enveloppées de mystère.
Dès lors dans l'univers des "Chroniques du bout du monde", à quoi bon vouloir imaginer le passé de son être le plus fascinant et le plus dangereux, le luminard ? D'autant plus qu'il existait déjà selon les légendes avant sa création qui nous est racontée ici. Alors il y a deux luminards ? Ou un luminard mort et un vivant ? À moins que le luminard se soit volontairement changé en brasine et ait ainsi bénéficié d'une renaissance en étant re-créé, ce qui ne nous explique pas pourquoi il en avait besoin (une ingestion de quarx, pour reprendre un des thèmes du livre ?). Ou à moins qu'il ne s'agisse tout bonnement de la plus grosse incohérence scénaristique jamais créée, mais même moi je n'y crois pas.
À vouloir répondre à des questions auxquelles ils ne devaient pas,
Paul Stewart et
Chris Riddell en soulèvent d'autres qui n'auraient même pas dû être posées. Mais ce qu'il y a d'étonnant dans cet opus, et ce qui en fait sa force, c'est que tout le reste soit d'une aussi bonne qualité.
On apprend en effet une chose nettement plus utile, et qui sera d'ailleurs au premier plan dans le tome suivant, c'est-à-dire à partir de quand et pourquoi les érudits terrestres et célestes se sont scindés. L'imbroglio politique créé autour est également très novateur, étant donné qu'il est inédit et offre au cycle une complexité semblable à celle de la trilogie de Rémiz. Et si le luminard est au centre de l'histoire, il n'en est pas moins que son apparition progressive est très bien menée, contrairement à son apparition complètement fade et inutile dans "Le chevalier des clairières franches" !
Gazouillis est également présent, et plus que jamais il nous montre sa sagacité et son intelligence. J'aimerais néanmoins vous prévenir que son rôle restera plutôt en arrière-plan, à la fin d'une intrigue pas essentielle au récit mais venant renforcer le "réalisme" et ne freinant en rien le reste. Certains trouveront également le tour qu'il va jouer grotesque, même si je dois avouer qu'il m'a bien plu. Au niveau des personnages secondaires, comme d'habitude, il n'y a pas une profondeur extraordinaire, mais c'est du niveau très correct, comme d'habitude.
Bref, cette trilogie ne s'annonce pas franchement comme apportant quelque chose de nouveau, mais les auteurs ont réussi à bien rattraper leur coup. Il s'en était fallu de très peu pour faire s'écrouler l'édifice.