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Anne Bayard-Sakai (Traducteur)
EAN : 9782070401635
288 pages
Gallimard (04/02/1997)
3.8/5   60 notes
Résumé :
Traduit du Japonais par Anne Bayard-Sakai.
Monsieur K, invité comme écrivain en résidence, part avec sa femme en Californie. Ils laissent au Japon leurs trois enfants : Mâ, étudiante en littérature française, son frère cadet Ô, qui prépare ses examens d'entrée à l'université, et leur aîné, Eoyore, gigantesque handicapé mental, fragile, imprévisible, cependant compositeur de musique. Le roman est la chronique, rapportée par Mâ, de toute la vie de cette famille... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (14) Voir plus Ajouter une critique
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Découvrir Kenzaburo Oê en commençant par ce livre donnera un mauvais aperçu de son écriture.
On y retrouve, c'est vrai, ses thèmes de prédilection, c'est-à-dire ce qui constitue la famille et l'enfant handicapé - la naissance de son fils handicapé a fortement influencé son oeuvre - la réflexion autour de ce que ce handicap provoque.

Mais ici il donne la parole à un personnage féminin, en l'occurrence sa propre fille chargée de veiller sur son grand frère tandis que son père - lui-même- est, provisoirement aux Etats-Unis. s'ensuit une sorte de dialogue à deux voix et le récit d'une vie quotidienne.

Le ton, dans ce livre, est plus apaisé et tourné vers une réflexion plus longue, au contraire des autres livres que j'ai pu lire de lui par la suite, beaucoup plus cyniques et dérangeants. On y sent une certaine maturité et paix. de plus, le fils handicapé y est décrit avec beaucoup de tendresse, de respect et d'admiration en tant que personnage central du livre et prodige de la musique.

C'est un livre, donc, lent et parfois mélancolique qui est très agréable à lire et pousse à la réflexion.
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Invité comme écrivain en résidence par une prestigieuse université californienne, Monsieur K, qui traverse une « crise » existentielle, s'envole avec son épouse, laissant derrière eux leurs trois enfants : Mâ, étudiante en littérature française, son jeune frère Ô révisant pour ses examens d'entrée à l'université, et Eoyore leur frère aîné, imposant handicapé mental, imprévisible et fragile, mais aux traits d'esprit surprenants et aux admirables aptitudes à la composition musicale. Ce roman est en fait le journal de bord de Mâ, chronique de la vie tokyoïte menée par cette fratrie laissée à elle-même pour plusieurs mois. le récit se focalise principalement sur la relation qui lie Mâ à Eoyore, dont le surnom est dérivé de Eeyore (nom anglais de l'âne Bourriquet dans Winnie l'ourson). Mâ peut compter sur l'assistance d'un couple d'amis de ses parents, Madame et Monsieur Shigetô. Eoyore prend auprès de ce dernier des cours de composition, et les moments passés au domicile des Shigetô sont pour Mâ l'occasion de longues discussions sur la famille, le cinéma, la littérature et la politique.

Le rythme contemplatif de ce roman est étonnamment hypnotique. Durant une grande partie du récit, il se passe pourtant peu de choses en dehors des petits sursauts du quotidien. Les introspections inquiètes de Mâ sont amplement décrites. Elle s'interroge sur sa relation au père, les liens étroits qui l'unissent à Eoyore qu'elle s'imagine protéger toute sa vie en restant vieille fille, sur cette insulte blessante qu'ils recevront d'une fille dans le bus, sur ce que cela implique au sujet de leur place dans la société. Avec le couple Shigetô, Mâ disserte sur le film « Stalker » de Tarkovski ou le roman « L'Histoire sans fin » de Ende. En contrepoint de la vie quotidienne, des réflexions sont couchées sur l'oeuvre de Louis-Ferdinand Céline et de William Blake. Et puis avec l'irruption d'un personnage tout aussi attractif qu'impénétrable, enfle quelque chose de comminatoire…

Voici un roman d'une belle maîtrise, inspiré à Ôé par sa propre vie, qui fait la part belle aux relations familiales et évoque avec une certaine grâce la question du handicap parmi d'autres thèmes de société.
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"Si je me marie, étant donné qu'Eoyore viendra avec moi, il faudra que ce soit avec quelqu'un qui puisse au moins nous procurer un trois-pièces cuisine. Et je voudrais mener là une existence tranquille."

Eoyore a 4 ans de plus que sa soeur Mâ, qui est la narratrice. 

Il travaille comme ouvrier dans un atelier des services sociaux pour handicapés mentaux. 

La fratrie de 3 jeunes adultes dont Mâ est la cadette sont laissés à sa seule charge alors que ses parents, dont le père est un écrivain reconnu et renommé, Kenzaburô Ôé lui même, partent pour 6 mois en Californie. le père traverse une grande crise existentielle et s'installe à l'université à un poste de writer in résidence. La mère le soutient. 

Le quotidien de la fratrie aux parents absents est inscrit par Mâ dans le "journal au titre de la maison " qui s'appellera par la suite "Une existence tranquille". Les peurs, les joies, les progrès d'Eoyore, les réflexions sur Céline sur qui Mâ en plus de s'occuper sans se plaindre de ses frères consacre son mémoire, les échanges avec des amis de la famille y sont minutieusement rapportés. 

Ce qui m'a plu dans ma découverte de feu Kenzaburô Ôé est la manière si juste, si tendre, si positive avec laquelle il aborde le handicap de son propre enfant. Les parents qui se déchargent sur un seul membre quelque temps, sur Mâ qui prend énormément sur elle et qui voue un amour inconditionnel à son frère Eoyore, pour se resserrer ensuite modifiée, plus meurtrie, plus profonde, différente...plus expérimentée, chahutée, abîmée, sans doute plus ancrée et plus spirituelle. le quotidien de cette famille qui loin de mener une existence tranquille qui réfléchit énormément, cherche la sagesse, puise sa force dans les épreuves qu'elle ne nomme même plus ainsi. Et cette sensibilité accrue à chaque page…dans lesquelles on accueille beaucoup d'émotions variées. Finalement une certaine harmonie variable, friable, changeante à chaque occasion revient toujours encercler, protéger, renforcer cette famille. 

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« Pourquoi ne trouve-t-on au Japon aucun écrivain capable de réconforter vraiment ses lecteurs ? »

J'ai du mal avec les romans japonais. Mais régulièrement, je re-tente. C'est pourquoi j'ai pris Une existence tranquille.
Et bien, c'est tout çà fait un roman japonais ! C'est à dire qu'il y a plein de choses intéressantes, mais que je m'y sens un peu à distance, j'y vois un coté figé voire compassé même si pour une fois, les émotions sont extrêmement intenses et à fleur de peau.

Ce livre est un récit en ce sens qu'il décrit une tranche de vie. Il est très astucieux parce qu'on peut y voir l'autoportrait sans concession de l'auteur, (qui, c'est le moins qu'on puisse dire ne se ménage pas), alors que justement il est le grand absent du livre. En effet il a pris une année sabbatique aux États-Unis, emmenant sa femme et «abandonnant » ses trois enfants jeunes adultes, attitude qui est critiquée par la plupart des protagonistes du livre. Il se décrit donc alors qu'il n'est pas là, et en même temps, décrit sa famille alors même qu'elle est éclatée, qu'il l'a en quelque sorte reniée. On sent quand même à travers les lignes l'immense amour qu'il voue à chacun et à cette bizarre construction à cinq qu'ils sont arrivés à élaborer, et ce, en dépit de ses caprices de grand homme.

C'est surtout le portrait de Mâ, la fille cadette, une jeune fille naïve, réservée, consciencieuse. C'est elle qui a la charge de ses deux frères, de son aîné handicapé mental léger, souvent déconcertant, joyeux et attentif, compositeur prodige, et de Ô le plus jeune, pragmatique, qui se consacre à ses études. Là, ça se discute pas, c'est le rôle des femmes de s'occuper des hommes : l'épouse suit son mari, la fille s'occupe de ses frères. Ce qui est plus satisfaisant, c'est la relation douce et passionnelle entre Mâ et son frère handicapé, chacun, bien sûr, enrichissant l'autre.

Le récit est un enchaînement de petits faits quotidiens, de description de personnes, de jours qui passent avec leurs joie et leur peurs, d'événements heureux et malheureux. Mais on y trouve aussi des échanges intellectuels, une quête de soi, tout cela souvent assez cérébral et cet aspect m'a rebutée. D'autant plus qu'il s'appuie sur l'analyse d'oeuvres culturelles que je ne connais pas (William Blake, Céline qui curieusement fascine Mâ par sa tendresse, Stalker de Tarkovski). J'ai beaucoup aimé, face aux élucubrations existentielles du père, l'attitude du vieux couple qui protège les enfants, mi-fou mi-sage, qui, au lieu de se torturer le ciboulot, met en actes ses choix de vie, et tout particulièrement de Mme Shigetô et sa théorie des « personnes de rien du tout ».

« Mon sentiment, c'est que je suis née comme une personne de rien du tout, que je vis en conséquence, que je vivrai encore ainsi un certain temps, et puis que je mourrai comme une personne de rien du tout.(...).
Ce que je pense, avec ma tête absolument ordinaire, c'est que tant que je vivrai comme une personne de rien du tout, en veillant à ne m'accorder aucun privilège même le plus insignifiant, je garderai une marge de manoeuvre. À partir de là, il suffit qu'à ma façon, je m'efforce de faire pour le mieux. Même si pour moi, « faire pour le mieux », ça n'est rien de plus que prêter une écharpe à une fille fatiguée qui avait froid, comme M. Shigetô a eu la gentillesse de s'en souvenir.
Mais malgré tout, j'ai l'impression que si l'on s'en tient à cette résolution de vivre comme une personne de rien, et bien au moment de mourir on doit pouvoir paisiblement revenir à zéro. Puisqu'il ne s'agit pas de passer de presque zéro à zéro. »

Comme quoi, même un livre qui ne vous accroche pas trop, c'est bien intéressant !
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Monsieur K, écrivain reconnu est invité par une université américaine pour plusieurs mois. Sa femme l'accompagne, car il traverse une grande crise. Leurs enfants devront donc se débrouiller seuls, et la maison restera en fait sous la responsabilité de Mâ, la seule fille. Elle devra avant tout prendre en charge Eoyore, l'aîné de la famille et handicapé mental, tout en tentant de poursuivre ses études.

Il y a des écrivains qui ont un univers très identifié, dans lequel on plonge à chaque fois, comme dans un terrain familier. Et puis il y a ceux, plus rares, qui semblent réinventer à chaque fois, et même lorsqu'ils traitent des sujets proches, arrivent à le faire d'une autre façon, sous un angle totalement différents. C'est le cas de Kenzaburô Ôé, qui se renouvelle. A chaque lecture que je faite jusqu'à maintenant son écriture et son approche des choses changent.

Une existance tranquille est un livre étonnant, où l'écriture semble minimaliste, comme les notes prises au jour le jour par Mâ pour laisser à ses parents une trace du quotidien vécu par les enfants qu'ils ont laissé. Mais bien sûr cette apprarante simplicité cache des montagnes de subtilité et de compléxité, comme cette existence soit disant tranquille est pleine de drames, de souffrances, de problèmes. Mâ semble ne rien remarquer de mal, ne critique personne, essaie d'être lisse sans cesse, ne se plaint pas, trouve des justifications aux autres et prend tout sur elle. Et malgré cela, nous voyons les gens tels qu'ils sont avec leurs faiblesses et petitesses, voire leur horreur, mais tout cela sans aucune lourdeur. le second degré est terriblement présent, et le tableau de Monsieur K, qui est en partie l'auteur lui même est particulièrement réjouissante, car on ne peut pas dire que Ôé donne une image particulièrement idyllique de sa personne. Ronchon, égoïste, abandonnant sa famille, un peu ridicule parfois (en plombier amateur entre autres), il ne se fait aucun cadeau.

Le livre est très discursif, suit le rythme du quotidien et de ses aléas et répétitions, cours, repas, sorties à la piscine, discussion sur Stalker de Tarkovski, sur Céline (Mâ lui consacre son mémoire). Mais en même temps il aborde l'air de rien, tout en legèrté des sujets essentiels, comme la place des handicapés dans la société, le regard que les gens "normaux" portent sur eux. Difficile en fait d'évoquer tous les aspects et thèmes du livre, il est beaucoup trop riche pour cela. Il ne vous reste qu'à le lire...
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Après avoir écouté un moment, Eoyore se retourna, avec une satisfaction sereine. C'est la sonate pour piano Koechel 311, mais ça ira, il n'y a plus de difficulté, plus du tout !»
Et je me rendis compte alors que les tourments qui me tenaient prisonnière étaient eux aussi dépassés. Il y aurait de nouveaux soucis, mais à côté de ces tourments, ils ne seraient pas grand-chose...
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Madame Shigetô ne se méprenait pas sur ce point. Sa critique muette, transmise par télépathie, me reprochait de percevoir le handicap d'Eoyore comme un privilège, de le considérer avec fierté comme autre chose qu'une personne de rien du tout, sous prétexte qu'il comprenait bien la musique malgré ce handicap, et ainsi de me prendre moi, prête à l'accompagner jusqu'au bout du monde- de fait j'étais venue avec lui dans ce desert de la péninsule arabique, pour autre chose aussi qu'une personne de rien du tout.
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Je t'ai raconté que mon mari et moi avions voyagé en Europe avec un chat, n'est-ce pas ? Nous sommes arrivés de Dubaï, dans la péninsule arabique, à l'aéroport de Varsovie par un avion des lignes polonaises, autrement dit nous étions passés d'un seul coup d'un endroit chaud à un endroit froid, et alors que nous attendions tous en grelottant, les bagages tardaient. Et nous nous sommes aperçus qu'un dignitaire du régime, vêtu d'un costume anglais, faisait extraire ses bagages du lot par un porteur, pendant que ceux des passagers ordinaires restaient évidemment en souffrance. Alors Monsieur Shigetô, en tant que passager japonais parlant polonais, est allé dire un mot à ce gentleman, en lui demandant si, compte tenu de l'attitude qu'il avait, on pouvait vraiment parler de socialisme. C'est ce genre de courage qui est important.
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Jadis, du temps où j'étais encore insouciante, mon père m'avait dit, tandis que nous passions l'été dans la maison de montagne de Gumma, que je courais comme un poulain. Sur cette bicyclette que je n'avais pas prise depuis un certain temps, je pédalais en secouant effectivement les épaules à la manière d'un cheval, et je pris vers le nord la première rue croisée à partir de l'avenue des bus, en scrutant soigneusement les deux côtés de chaque carrefour. J'arrivais à l'extrémité nord de la rue et rattrapai la suivante que je pris en direction du sud. C'est alors que je vis à l'endroit où la haie vive d'oliviers odorants, bien dense, qui entourait une vieille demeure, laissant la place à celle de cyprès nains mal entretenue de la maison voisine, deux silhouettes, une grande, une petite, entremêlées.
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En réfléchissant sur ma conduite, je crois avoir malgré tout enfermé mon frère dans un lieu particulier. C'est la conversation de l'autre jour qu'y a fait penser. Je l'ai enfermé dans un lieu où il est traité comme quelqu'un de particulier, et non comme une personne de rien du tout. A des yeux extérieurs, évidemment cette particularité doit sembler encore au -dessous du rien du tout, comme le prouvent les mots "Espèce de raté!". Moi, j'ai grandi dans l'idée que même si Eoyore était handicapé, puisque je l'aimais avec son handicap, ça n'avait pas d'importance. A partir d'un certain moment, j'ai même brandi son handicap comme un étendard...
Encore maintenant, je continue à penser que c'est la bonne attitude à avoir vis à vis de la société extérieure. Mais à l'intérieur de la famille, est ce que je ne suis pas trop habituée à le considérer comme une personne étrange et drôle, en oubliant de le voir objectivement ? En oubliant que, mis à part son handicap, c'est une personne ordinaire, de rien du tout ? Dans le groupe de bénévoles auquel j'appartiens, on discute souvent de l'autonomie des handicapés, et pourtant je crois bien n'avoir jamais pensé à établir avec mon frère des relations qui tiennent compte de son autonomie
L'autre jour, je regardai Eoyore distribuer des tracts à de inconnus sur le trottoir d'en face. J'ai rarement observé mon frère pendant un certain temps et à une telle distance. Et il m'a semblé que peut-être ses gestes étaient trop lents et son expression trop bonhomme, mais qu'il était en tout cas traité comme quelqu'un d'ordinaire par les gens qui lui prenaient ses tracts. C'était aussi la première fois qu'il entrait en contact de manière aussi directe avec la société extérieure, mais j'ai eu le sentiment de découvrir la personne vraiment ordinaire, cette personne de rien du tout qu'il est.
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