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EAN : 9782021362428
224 pages
Seuil (11/05/2017)
2.92/5   6 notes
Résumé :
Il avait tout appris en devenant cliveur de diamants. Sans jamais oublier qu'il était né analphabète. Adolescent, plutôt que de sombrer dans la drogue, il s'était abîmé dans l'érudition.

Mais que peut signifier pour un savant, un professeur, un éditeur, l'affirmation d'une volonté analphabète ? Peut-on vraiment lire en échappant aux signes, comprendre sans déchiffrer les textes, vivre en écrivain, entouré de livres, sans jamais rien lire ? Et passer s... >Voir plus
Que lire après Un fantôme dans la bibliothèqueVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Ce livre étrange demande une lecture attentive. C'est l'histoire intellectuelle d'un « enfant à la volonté analphabète » qui devient « le fantôme de la bibliothèque », l'homme des archives foisonnantes, le conservateur des documents d'autrui dans son travail d'éditeur (corrections, états successifs, copies, courriers, mèls), celui qui thésaurise aussi les traces d'une « vie quotidienne devenue archive », en premier lieu les traces de ses propres déplacements : billets de train, et à défaut, codes d'accès aux trains, séquences opaques de lettres majuscules. le livre dévoile progressivement l'image d'un père, qui, « épinglé comme juif » à une période plus tragique, a perdu dans ses migrations les traces écrites de sa religion et de sa famille. Il explique pourquoi l'enfant s'est tenu à l'écart des lettres et des mots qui ont permis d'écrire et de diffuser des lois scélérates, des ordres assassins. Son apprentissage comme cliveur de diamant (l'homme qui sépare la gemme de ses impuretés), puis comme lecteur, éditeur et écrivain nous donne de belles pages sur l'attention et l'honnêteté : « Souvent, lorsque je parle, quand je suis face à face, je m'étonne d'entendre, en même temps que l'autre, ce que je viens dénoncer à l'instant : je me découvre » (p 159) (voir aussi Bachelard : « dans l'enseignement oral, animé par la joie d'enseigner, parfois, la parole pense »). « Rien ne l'écartait de sa règle de lecture : ne jamais tenter de comprendre quoi que ce soit dans le dos de l'auteur, ne pas savoir mieux. Son absence de maîtrise lui permettait de retrouver parfois, sous les doigts de l'auteur, ce qui leur avait à tous deux échappé » (page 191).

Olender reprend aussi les thèmes de ses recherches sur les mythes, les fables archaïques, les gnoses, l'absence, le manque, l'oubli, la musique. On découvre page 193 les « sources et circonstances » de cette « étrange mosaïque » écrite entre 1977 et 2017, ce qui ouvre à d'autres lectures.
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Comme une mémoire n'éludant plus ses poches d'oubli

Entre éléments biographiques, réflexions sur la memoire ou les archives, ce petit livre au si beau titre – Un fantôme dans la bibliothèque, nous entraine du coté des présences et des absences, de l'esprit et de la lettre, de la mémoire et de l'oubli.

Je n'aborde que certains points discutés par Maurice Olender.

« Lorsque j'arrive dans cet univers, en 1946, c'est un dépôt de cendres ». Une famille sans archives matérielles, « Un monde d'oralité où l'on dissertait sans arrêt sur ce qui n'existait plus », un monde « balisé par la radicalité d'une disparition », les buchers invisibles de l'enfance, les limites imaginaires du dicible, la lecture et l'écriture, le choix d'être analphabète, « S'élancer en funambule à travers une série d'échafaudages »…

Maurice Olender parle, entre autres, de l'écriture, « toute écriture est obscure et porte la trace de sa propre armature à déceler le texte », du futur, « une nécessité de construire et d'ajuster le monde à chaque instant pour le faire advenir », de la collecte d'archives, de la danse et de la musique, d'une génération « d'enfants nés dans des familles épinglées comme juives », de la place de l'oralité dans la « première sédimentation intellectuelle », des mots légitimant la mort de millions de personnes, des alphabets pour trier les êtres humains et faire en disparaître pour « raison de naissance », de voyages en train, « les trains me permettent de croire qu'on peut échapper aux cauchemars », d'ordre et de désordre, des archives et de pédagogie, « Toute instruction critique, toute formation intellectuelle, suppose d'apprendre à poser des questions et à formuler des problèmes plutôt que d'apporter des réponses stéréotypées, des solutions hâtives, « efficaces » à court terme »…

Je souligne les réflexions sur la fabrique académique des « races », le « sexe » des dieux, les pratiques intenses du « parler de ce qui n'existait plus », les actions oniriques, « La mémoire n'est-elle pas d'abord mélodie, temporalité saisie à la racine des émotions ? », l'escamotage des tensions « entre public, privé et politique », les traces et l'oubli, « effacer les traces rend tout sommeil impossible, empêchant l'oubli », les effets du numérique, l'« Appel à la vigilance », le manque, la possibilité du génocide dans toute civilisation…

L'auteur donne vie à des passages plus autobiographiques, l'enfance anversoise, un cérémonial de shabbat, un cliveur de diamant, une lettre d'amour, un fantôme dans la bibliothèque, « le rêve du lecteur analphabète s'était réalisé à son insu. Il était devenu l'unique fantôme de sa bibliothèque »…

Il réfléchit aussi aux traditions « qui ne cessaient de s'inventer tout en se disant immémoriales », à Auschwitz, aux mort·es et à la mémoire, « Cependant, même sans contenu disponible, la mémoire est un instrument de deuil. Irrémédiablement liée à l'absence, à la mort et aux morts. La mémoire c'est même la seule chose qui nous reste de la mort d'autrui », à l'impossibilité de dire l'absence de récit, aux rôles sexuels, au « statut d'imprononçable à la jouissance », aux mythes et aux récits mensongers, au « caché », aux fiches fantômes dans les bibliothèques, à ses moments où « ses livres se mettaient à le lire »…
Lien : https://entreleslignesentrel..
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Pour cette lecture, il faut être attentif, ce que je fus souvent mais aussi parfois lectrice en diagonale :

Cet ouvrage est un florilège d'intelligence et certaines de ses phrases, ou certains paragraphes, sont d'un français si juste, si bien écrit qu'ils sont à extraire pour "mémoire" (ce qui fera clin d'oeil à une bonne partie du livre évoquant la mémoire et l'archive).

Cependant, si certaines parties furent lues très rigoureusement, des passages le furent moins pour moi, comme ceux traitant religions ou antiquité (à chacun le goût de son savoir, et ce qu'il aimerait lire ici). Mais surtout, les références hors ouvrage furent trop importantes pour moi et ont compliqué la lecture.

Cette lecture, je ne la regrette toutefois pas, elle nous tend la main de réflexions, ouvertes par Maurice Olender. Et pour ce que j'ai pu lire, il faut de toute façon considérer l'ouvrage comme une "non-fiction", caractérisée telle quelle d'extrais en extraits. C'est la "magie de l'absence" ; et ainsi "faire un récit où ne s'articuleraient plus (...) les éléments nécessaires à une pensée formant système".

A lire donc comme un essai.

Coup de coeur pour le chapitre "Lettre d'Amour".
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critiques presse (4)
LaCroix
01 juillet 2017
Dans ce livre très singulier, il compose avec une force parfois un peu déroutante, un autoportrait composé comme un kaléidoscope.
Lire la critique sur le site : LaCroix
Lexpress
15 mai 2017
Une pensée de l'absence incarnée, voilà, en somme, ce que propose Maurice Olender dans une divagation onirique qui réconcilie raison et poésie.
Lire la critique sur le site : Lexpress
LaLibreBelgique
12 mai 2017
Maurice Olender mêle souvenirs et réflexions passionnantes, paradoxales.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Telerama
10 mai 2017
Un livre-fantôme. En suspension.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (28) Voir plus Ajouter une citation
Comme toute oeuvre de création, l’amour résulte sans doute d’abord d’un jeu enfantin.
L’amour invite à jouer à cache-cache.
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La question de l'oubli numérique est devenue l'un des grands problèmes d'avenir pour nos disques durs métamorphosés en machines hypermnésiques. Car supprimer la suppression suppose désormais un savoir-faire numérique supplémentaire, acrobatique. Ainsi, sur l'iPhone, dans Gmail, une des manières de "supprimer" n'affiche-t-elle pas "archiver"? Or, cette mémoire "archivée" qui nous échappe n'en est pas moins accessible aux fournisseurs d'accès (Google, Free, Apple). Même si la CNIL a autorisé un droit à l'oubli, incitant à s'adresser au moteur de recherche une demande de déréférencement d'un contenu vous concernant, il ne faut pas s'y tromper : ce type d'effacement, qui dissocie un lien d'un nom propre, n'efface rien, n'oublie rien. Cet impossible oubli, qui correspond à une nécessité technique, est devenu l'une des signatures de notre temps présent où le poids du réel numérique envahit l'imaginaire de la mémoire.

Cette difficulté peut apparaître, au regard contemporain, d'autant plus inextricable qu'elle aiguise les tensions entre les deux pôles que forment "la mémoire et l'oubli", ce vieux couple fonctionnel. Ce problème trouvera sans doute demain ses propres solutions, réaménageant, comme chaque époque a sur le faire, les jeux toujours périlleux entre politiques de la mémoire et politiques de l'oubli.
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Et ne pas oublier que même des artisans du sublime, techniciens des choses de l'esprit, artistes, poètes, cinéastes, créateurs en toutes formes, philosophes, juristes et scientifiques éduqués par de la raison critique, peuvent concevoir et mettre en pratique ce qui, à peine quelques années plus tard, apparaît comme l'absolu de l'horreur, hors d'atteinte, d'où résultent silence, honte et stupeur, que rien ne vient combler.
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Rien ne l'écartait de sa règle de lecture : ne jamais tenter de comprendre quoi que ce soit dans le dos de l'auteur, ne pas savoir mieux. Son absence de maîtrise lui permettait de retrouver parfois, sous les doigts de l'auteur, ce qui leur avait à tous deux échappé 
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Aucune culture, aucune civilisation ne met à l'abri du meurtre radical d'altérité. Les archives en témoignent, dans le silence des musées, des bibliothèques, des institutions de recherche, au regard des si rares lecteurs qui choisissent, un instant de s'y arrêter - pour revêtir, à l'aide de mémoire, d'oubli et d'un peu d'existence, ceux qui en ont été privés.
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Videos de Maurice Olender (10) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Maurice Olender
Maurice Olender vous présente sa collection "La Libraire du XXI ème siècle" et notamment le dernier ouvrage publié dans celle-ci "Lieux" de Georges Perec aux éditions du Seuil. Entretien avec Jean-Michel Devesa.
Lien de la version numérique augmentée de "Lieux" de Georges Perec : https://lieux-georges-perec.seuil.com/
https://librairiexxisiecle.com/
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2612221/georges-perec-lieux-inedit
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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