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Nicola Gobbi (Autre)Vinciane Lebrun (Autre)
EAN : 9782365695381
128 pages
Editions Les Escales (22/10/2020)
4.21/5   80 notes
Résumé :
« Dans quelques centaines années, en ce même lieu, un autre voyageur, aussi désespéré que moi, pleurera la disparition de ce que j’aurais pu voir et qui m’a échappé. Victime d’une double infirmité, tout ce que j’aperçois me blesse, et je me reproche sans relâche de ne pas regarder assez. »
Tristes tropiques, Claude Lévi-Strauss

La banane. L’un des principaux fleurons de l’économie des Antilles françaises, la Guadeloupe et la Martinique. Afin d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (20) Voir plus Ajouter une critique
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Quand j'ai postulé à la dernière Masse critique pour Tropiques toxiques et que j'ai été retenue, je m'attendais à recevoir une BD retraçant l'histoire du chlordécone ou plutôt la résumant. J'étais loin de me douter qu'il s'agissait d' un roman graphique de plus de 200 pages, hyper-documenté, dans lequel Jessica Oublié mène l'enquête sur ce pesticide ultra-rémanent utilisé dans les bananeraies de la Guadeloupe et de la Martinique entre 1972 et 1993, malgré sa toxicité déjà parfaitement connue.
Je ne pensais pas qu'il soit possible de réaliser un documentaire avec des reportages ayant comme objet la pollution par le chlordécone des territoires antillais avec toutes ses conséquences de manière aussi exhaustive, en le traitant dans un récit graphique !.
Le constat, aujourd'hui, est absolument atterrant : tous les écosystèmes sont pollués. Près de 800 000 personnes sont contaminées et la justice peine à être rendue…
Quelques jours après son installation en Guadeloupe, en février 2018, Jessica Oublié à travers un reportage sur Martinique la 1re , prend connaissance de la terrifiante histoire de ce pesticide.
Avec les éclairants soutiens de Luc Multigner, épidémiologiste à L'INSERM et d'Éric Godard , ancien chargé de mission interministériel chlordécone de 2007 à 2013, l'auteure va mener une enquête qui nécessitera pas moins de deux années de recherche et l'interview de 136 personnes , aux Antilles, dans l'Hexagone, en Belgique, aux États-Unis, des entretiens avec les divers acteurs concernés sur ce scandale alimentaire, sanitaire et environnemental, véritable scandale d'état…
C'est toute l'histoire du chlordécone, cette substance reconnue nocive quasiment depuis sa découverte qui est retracée, depuis sa mise au point, en Virginie, sous le nom alors de Kepone, par l'entreprise Allied Chemical, utilisé contre les parasites de la banane en Amérique latine, en Europe et en Afrique jusqu'aux répercussions sanitaires, environnementales, alimentaires et économiques actuelles.
C'est d'une vaste fresque historique dont il s'agit. La complexité des interconnexions entre tous les différents acteurs, à savoir les producteurs du pesticide, ses utilisateurs, les chefs d'entreprise, les habitants, les consommateurs, les pêcheurs, les associations, les politiques, les experts, etc … , si elle n'excuse pas et même pas du tout, l'absence d'interdiction du produit et l'urgente nécessité qu'il y avait alors à l'interdire, permet néanmoins de comprendre, un peu, un tout petit peu, la lenteur du processus.
L'écrivaine guadeloupéenne parle beaucoup des békés, ces Blancs créoles descendant des premiers colons, les principaux patrons de l'agroalimentaire. Il faut savoir que le passé esclavagiste imprègne encore aujourd'hui la conscience collective antillaise.
Comment ne pas être indigné et scandalisé quand on apprend par le journal le Monde en juin 2018 selon l'enquête de Faustine Vincent, que « La quasi totalité des Guadeloupéens et des Martiniquais sont désormais contaminés par le chlordécone, un pesticide ultratoxique ». Et comment ne pas être pour le moins choqué d'entendre dans les propos du président Emmanuel Macron, en février 2019, lors du grand débat national, face aux maires d'outre-mer, alors que le produit est classé cancérigène depuis 1979 cette phrase : « Je ne dis pas qu'il n'y a pas de lien, je dis que personne n'a établi un lien direct. Si on avait établi un lien direct, j'aurais pris les responsabilités qui vont avec », des propos faisant appel « au lien de causalité », qui vont susciter l'indignation, mais comment pourrait-il en être autrement…
En référence à cette notion, sont alors évoqués ces fléaux que sont le tabac et l'amiante.
Après avoir fait cet énorme travail d'investigation sur le chlordécone qui aujourd'hui encore continue d'empoisonner l'eau, la faune et la flore, Jessica Oublié n'oublie pas de rajouter qu'une catastrophe peut toujours en cacher une autre et laisse Marie-Monique Robin réalisatrice et écrivaine expliquer comment le glyphosate, mieux connu sous le nom de Roundup, une substance chimique fabriquée depuis 1974 par Monsanto, l'herbicide le plus utilisé au monde, classé en 2015 par le Centre international de recherche sur le cancer comme probablement cancérigène et étant aussi un perturbateur endocrinien, sur lequel nous disposons donc de tous les éléments pour le retirer du marché, est toujours utilisé en France. Difficile de lutter tant l'industrie chimique est puissante et les collusions avec l'État nombreuses.
En France, en 2020, des dizaines d'institutions et agences de surveillance, de contrôle et de régulation devraient être nos boucliers contre des substances nocives, malheureusement on peut en douter tant à chaque fois qu'il a fallu retirer du marché un produit que l'on savait très lucratif mais dangereux, l'industrie a organisé la polémique pour protéger ses intérêts.
La dernière partie de cet épais ouvrage si bien documenté, fait le point sur la situation actuelle et son titre très évocateur : Repenser les ponts possibles entre tous les êtres du vivant et ainsi édifier le monde d'après, laisse le lecteur sur petite lueur d'espoir, j'ai bien dit petite lueur…
En se mettant elle-même en scène au sein de la BD, en incluant des séquences « minute wiki science » où des scientifiques apportent leur lumière, ou encore en insérant quelques photos de témoins, de la photographe Vinciane Lebrun, Jessica Oublié réussit brillamment à mettre en scène ce monstrueux scandale du chlordécone, sans jamais lasser ou perdre le lecteur dans des propos trop complexes. Pour cette démarche quasi titanesque, le dessinateur Nicola Gobbi a réussi à croquer des personnages aux traits particulièrement expressifs, à créer des décors très soignés, et les explications scientifiques sont également bien mises en scène. Quant aux teintes utilisées par la coloriste Kathrine Avraam, elles sont judicieusement choisies et adaptées, bien colorées lorsqu'il s'agit d'évoquer la luxuriance de la nature antillaise.
De temps à autre de courts propos en créole traduits en bas de page apportent une couleur supplémentaire et de la vérité au récit.
J'ai également beaucoup apprécié la variété de la mise en page.
Bien que le sujet soit on ne peut plus sérieux, Jessica Oublié a su inclure dans son récit quelques notes d'humour, bienvenues, n'hésitant pas à mettre en scène différents intervenants dans un mémorable tournoi de tennis où les joueurs échangent leur point de vue et où les spectateurs ont eux aussi le droit à la parole et n'hésitent pas à invectiver ou huer les joueurs s'ils trouvent leurs propos mensongers.
Seuls les caractères un peu trop petits à mon goût ont pu parfois gêner ma lecture.
Tropiques toxiques – le scandale du chlordécone, un titre qui n'est pas sans faire référence à Claude Lévi-Strauss est un ouvrage de vulgarisation maîtrisé de bout en bout qui ne peut laisser personne indifférent, car où que nous vivions, cette histoire nous concerne.
Si vous en doutez, voici ce que dit cet éminent épidémiologiste William Dab : « Tout au long du XXe siècle, notre état de santé n'a eu de cesse de s'améliorer. Mais nous pourrions prochainement assister à sa régression, notamment en raison des expositions environnementales. »
Si ma chronique vous a paru un peu longue, veuillez m'en excuser mais je n'ai fait qu'effleurer la richesse de ce bouquin. Il y aurait encore tant à dire…
Si vous êtes un tant soit peu intéressé par l'actualité et si vous ne désirez pas vivre dans un environnement à jamais pollué, plongez-vous illico dans Tropiques toxiques !
Un immense et sincère merci à Babelio et aux éditions Steinkis – Les escales, collection Témoins du monde.

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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C'est un documentaire sous forme de BD qui retrace le scandale du chlordécone dans les Antilles française à savoir la Martinique et la Guadeloupe. Je n'en n'avais jamais entendu parler et pourtant, c'est quelque chose d'énorme. Je ne suis sans doute pas assez attentif mais cette lecture a comblé ma lacune en la matière.

En gros, pour favoriser le commerce florissant de la banane dans les Antilles qui était menacé par la concurrence africaine, on a appliqué un pesticide, le chlordécone qui a été largement utilisé entre 1972 et 1993.

On a voulu protéger le commerce dans les Antilles mais cela s'est fait au détriment de la population de ces îles qui a été contaminé par cette pollution dans des proportions assez effrayantes. du coup, on recherche le coupable qui avait voulu oeuvrer pour le bien en protégeant l'économie de ces îles.

C'est une BD qui explique bien le problème et qui est très convaincante. Cependant, elle très et parfois trop longue. Il y a un gros passage sur les effets nocifs. On verra les différents acteurs comme les producteurs et les travailleurs du commerce de la banane, les politiques, les scientifiques, les avocats et les victimes.

Dans un monde où le souci écologique et environnemental prend de plus en plus d'importance, ce désastre est un marqueur. Il y a toujours la même idée derrière : avoir conscience du poids écologique et ne consommer que ce dont on a réellement besoin dans une vie où il faudrait à chaque fois faire attention à notre consommation.

J'avoue que pour ma part, après avoir connu malheureusement la pauvreté durant ma jeunesse, je ne me sens pas prêt à ce saut en arrière en terme de privation. Hier, je lisais que les 63 milliardaires de France valent à eux seules la moitié de la population française en terme de gaz à effet de serre. Je dis ça et je ne dis rien...

L'exploitation de la nature est liée à l'exploitation des êtres humains. Il faut des lois rigides qui encadrent cela. le vrai problème pour moi est l'inégalité des richesses ce que souligne d'ailleurs également la réflexion que mène l'auteure dans ce gros ouvrage. Une minorité a choisi de produire des bananes et à imposer à une majorité de vivre sur des terres contaminées. Il s'agit bien évidemment de garantir la pérennité des écosystèmes mais également d'avoir une justice sociale.

Bon, je ne vais pas m'étendre sur ce vaste débat. Disons que cette BD est très intéressante pour ceux qui intéressent à notre avenir sur la planète.
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Je viens de recevoir par la poste, grâce au dernier masse critique non fiction, oh oui merci vraiment à Babelio, cette énorme B.D.... le 5 e livre que je reçois grâce aux différentes poérations masse critique... et oui... c'est vraiment à lire... et c'est vraiment un livre qui pour une fois, ne tombe pas simplement dans mes centres d'intérêts, ou mes formations secondaires... mais tombe quarément dans le domaine de ma formation principale... OUi je suis biologiste ( Maitrise de Biologie cellulaire et génétique moléculaire) et en plus de la matière de base en écologie, j'ai d'ailleurs pris deux options dans mon cursus universitaire, ayant trait à l'écologie, complètement par intérêt : l'écologie des populations ( allant jusqu'à la bio des pop traitant des statistiques sur le prélèvement des poissons en fonction de l'effort de pèche) en licence, et en plus en Maitrise, j'ai pris une option sur les iinsectes ravageurs du bois... très en rapport avec l'agriculture... et sutout l'agriculture biologique, c'est à dire une agriculture qui limite les pesticides à l'absolue nécessité... grâce à des pièges qui servent à déterrminer le taux d'insectes... et seulement à un certains taux d'insectes ravageurs, l'agricuteur met alors des pesticides... mes options sont très loin, n'en déplaisent à certains des OGM et autres absudités, même si hélas... on m'a parfois parler des OGM comme non dangereux dans ma matière de génétiqe moléculaire... OUi, ma proffession aurait du être biologiste, d'autant plus proche de la nature... que m'a première passion, les chevaux, m'ont énoormément raporché d'elle... sans compté mon amour de l'histoire inculqué par mes parents (une mère ingénieure en aéronautisque = construction d'avion, et un père fortement formé à l'histoire, puisque Officier supérieur, et sans histoire, chimie, physque ( de projectiles!!) et mathémathique, pas d'armée! ne parlons même pas de logistique!) oui, i me fallait un tel livre... et je suis contente que parmi mes nombreuses postulations (il y avait tellement de livre interressant la dernière fois) que c'est ce livre que j'ai gagné...
D'abord, la couverture est magnifique, bonne entré en matière... très écolo avec l'île qui est dessiné... pas de doute... il s'agit d'île doon il est question... Une îlle avec ses nombreux banagniers.... et l'on voit la population de poisson, et les algues dans la mer... sous un ciel rose... qui montre tout l'amour que les habitants porte à leur île : la Guadeloupe ouu la Martinique... magnifique...
Le reste du graphisme est agréable même quand il joue avec les contrastes ( contrairement à la B.D. Quai d'Orsay, dont j'aime beaucoup le scénario... mais que le graphisme rend fatiguant la lecture!!) ici, même quand quelques personnages passent en rose, pour montrer une population dans sa vie de tous les jours amoureux de la vie simple dans leur île, ou que touut passe dans des degrés de bleu pour signifier le sériieur d'une courte interview, ou encore des photos insérés dans la B.D.... mais rien n'est incongrue tout s'intègre, et est facile pour les yeux et le cerveau... à visualiser... et pas de doute, la forte présence du vert et du brun : nous sommes bien sur un sujet écologique...
Alors de quoi cela parle? Et bien du CHlore qui décone... oui l''américain qui a inventé sa molécule... n'a pas fait beaucoup d'effort de marquetion pour choisir son nom chordécone, qui pourtant, dénonce déjà ses effets pitoyables... et la bande dessinée comence avec la raison pour laquelle les ïles, devant faire face à une impitoyable concurence même quand elle essait de se diversifier dans l'avocat (hélas tâheté!) et le citron vert (hélas un peu jaunâtre) n'arrive pas à sauver le commerce de sa bannane... alors la solution... diminution des exportations par des taxes sur les produits étrangers (hélas peu efficace!) et l'emploi du chlordécone.... et les problèmes sont découvert par une jeune femme qui revient au pays... venant de métropole... alors elle fait un projet insencé... faire une enquête et la mettre en B.D.... et sa première étape : les USA... où à été créé le Kétone dont le chlordécone est un déviré... et là comme chez elle, elle tombe sur une misère économiquue qui pousse des ouvrierrs à accepter un meilleur salaire... pour se retrouver vite malade... et des poissons qui contaminent leurs consomateurs... un désastre comme en connait souvent les USA... les films sont nombreu qui en parlent ( Dark Water, et Erin Bronchovitch seul contre tous... pour les plus conus mais d'autres films parlent de la semence sous licence commerciale qui tuent l'agriculture, et un autre encore, l'accident de la plateforme horizon!) Et oui on nous informe peu... mais nootre Bretagne est démolie par l'agriculture intensive, le Chlore décone et détruits nos îles Françaises... et notre Guyane est polué par l'extraction de l'or des illégaux brésiliens... oui... la France est touchée... d'autant plus que dans l'héxagone on n'arrête pas de dire, la biologie, l'écologie, la zoologie, la botanique... cela ne sert à rien... on fustige les médecinies naturelles qui sensibilisent un peu via la disparition de la biodiversité végétale... et prone l'agriculture bio... hônête... oui il y a quelque chose de pourie aussi au Royaume de France... et Hamlet dans son Danemark n'est pas le seul à se morfondre... alors oui... une B.D. facile à lire, d'actualité (hélas!) avec pp 56_57 une planche sur deux pages qui vous donne un aspect du problème de la mondialisation...
Oui, une ïle qui ne peut exporté à faible coût, isolée dans la mer, un isolement qui fait la biodiversité de toute île par ses espèces endémiques...( pourquoi croyez vous que le grand Darwin est étudé son évolution dans une île retirée de tout?) mais qui, bien trop souvent peine à démarer écconomiquement... a moins qu'un tourisme pas toujours sain ne la fasse démaré économiquement mais à quel pris....
Alors oui merci, et qu'un maximum de Français se sensibilise, et pas seulement l'auteure, une file de l'île courageuse qui enquete et ose... plutôt que de rester les bras croisé... essai au moins de se renseigner d'informer... et merci à deux Préfets d'avoir soutenue le projet... Capes Dolé, les collectivités territoriales, et... Mutualité Française... on le voit... beaucoup de gens ont tenu à ce que se précieux projet aboutisse... à eux tous merci.... et aux editions les Escales, qui non seulement, l'ont édité.... mais m'ont généreusement envoyé un exemplaire dans le contexte de l'opération Masse Critique...
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Quand Jessica Oublié, l'auteure de ce roman graphique, rentre se réinstaller au pays en Guadeloupe où vivent encore ses grands parents, oncles, tantes et cousins, ce devrait être une fête et le retour à ses racines. Mais elle est très vite confrontée au scandale du chlordécone, ce pesticide utilisé jusque dans les années 90 pour la culture de la banane et qui empoisonne maintenant au sens propre la vie de la Guadeloupe et de sa voisine la Martinique. Sols contaminés et impropres à la culture, eaux polluées, cancers de la prostate qui grimpent en flèche, Jessica enquête et découvre petit à petit l'ampleur de ce scandale d'état.

Avec Tropiques toxiques je m'attendais à lire un roman graphique qui démonterait le scandale du chlordécone : quelle est cette molécule, pourquoi a-t-elle été utilisée et quelles en sont les conséquences ? Cette lecture a répondu à mes questions mais elle va bien plus loin que cela tant Jessica Oublié a su élargir le champ de ses recherches et livrer à ses lecteurs une vraie réflexion sur les Antilles, leur économie et leur histoire mais aussi la manière dont hommes et environnement sont intimement liés et dont les choix conditionnent la vie des générations futures. Cette bande dessinée est une vraie réussite. L'enquête est passionnante, l'auteure la met en perspective en la liant à sa propre histoire et en débutant son récit par les réactions de sa famille face aux informations annonçant la pollution irrémédiable des îles. le récit est très bien construit, partant des faits concrets : l'origine du pesticide, son utilisation et son rôle dans la culture de la banane, les conséquences de son épandage massif et étendant petit à petit la réflexion à la protection de l'environnement, à l'histoire particulière des Antilles et du colonialisme, à la recherche des responsabilités dans ce scandale et enfin aux solutions possibles.

Même si je connaissais déjà un peu cette affaire, j'ai été horrifiée par ce que l'auteure décrit : des terres et des mers irrémédiablement polluées et impropres à la culture ou à la pêche, entraînant la mise en place de contrôles et de règles ubuesques pour essayer de diminuer (car il serait illusoire d'espérer la rendre nulle) la dose de chlordécone absorbée au quotidien par la population. Population antillaise qui de toute manière est déjà contaminée : une campagne de dépistage massif du chlordécone a prouvé que 90% des habitants avaient déjà des taux anormaux de chlordécone dans le sang ! Et l'éternelle valse écoeurante des procès ou enquêtes, chacun se renvoyant la balle, personne n'étant coupable, les institutions normalement dédiées à la protection des personnes, de leur santé et de l'environnement ayant chacune à leur manière failli et échoué dans leur mission sans qu'aucun coupable ne puisse être désigné. C'est un livre qui se lit par petits bouts tant on est horrifié par ce qu'on y découvre mais qui reste malgré tout passionnant et plein d'espoir, l'auteure essayant d'aller plus loin et d'analyser aussi l'évolution de la règlementation et les solutions possibles.

Côté dessin et graphisme, j'ai d'abord été un peu surprise par le dessin de Nicola Gobbi, assez atypique, mais j'ai finalement trouvé qu'il illustrait à merveille les propos de l'auteure. Les portraits sont très réussis, chaque personnage ainsi que les paysages de l'île prennent vie sous nos yeux et l'insertion de photos rend aussi le propos plus touchant en nous permettant de voir "en vrai" les personnes décrites (impressionnant d'ailleurs comme le dessin et la photo se confondent souvent nous donnant une idée du talent du dessinateur). Malgré le propos sérieux, la forme du roman graphique en BD m'a paru particulièrement adaptée rendant la lecture facile et agréable même sur des sujets assez complexes.

Un magnifique travail qu'il faut saluer et un vrai plaisir de lecture permettant d'apprendre plein de choses tout en passant un excellent moment. Je n'ai pas pu lâcher cette BD une fois commencée et j'espère qu'elle sera lue et partagée pour que chacun soit mieux informé face au scandale du chlordécone et surtout, de manière plus large, aux choix que nous sommes amenés à faire concernant notre environnement.
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Dans ce roman graphique, Jessica Oublié nous fait part d'un immense scandale sanitaire et environnemental, celui du chlordécone, pesticide utilisé très largement dans les bananeraies des Antilles françaises entre les années 70 à 90, malgré sa toxicité connue, et des conséquences qui en découlent (pollution environnementale persistante pour plusieurs siècles, eaux contaminées signant la mort de l'aquaculture antillaise, augmentation considérable de certains cancers, etc.).

Enfin, « un scandale », non, pas vraiment… puisque, comme l'indique Cyril Lemieux, sociologue et spécialiste des médias : « Un scandale ne naît qu'à condition qu'une personne en accuse publiquement une autre d'avoir transgressé certaines normes. [Ici], le président Macron parle de scandale, mais sans accuser nommément personne. Or, sans un accusé désigné au public, pas de scandale. Et sans scandale, pas d'affaire. »

Jessica Oublié retrace l'histoire du chlordécone avec précision et minutie : l'antécédent américain avec la pollution de la ville d'Hopewell et de la James River, par quel mécanisme cette molécule a pu bénéficier d'une autorisation en France malgré tout, son utilisation dans d'autres parties du monde, le rôle des lobbies industriels, des politiques, des bananiers, des instances de l'Etat et des scientifiques dans les différentes étapes de son utilisation, les connaissances scientifiques toujours plus précises sur les effets du chlordécone sur la santé et sur l'environnement, des extraits de la commission d'enquête parlementaire… le graphisme et les couleurs sont très agréables et permettent de suivre avec fluidité ce sujet pourtant complexe.

Tout au long des planches, ses sources sont constamment citées - et donc vérifiables - soit par un renvoi vers les notes de fin de livre, soit en nommant la personne à l'origine de l'information donnée (chercheur, scientifique, personnalité politique, fonctionnaire d'une instance de gestion du risque…). En fin de livre, une chronologie détaillée permet si besoin de s'y retrouver et d'avoir des compléments d'informations.

Un livre très riche en informations, très dense, mais d'une clarté surprenante. On imagine l'ampleur du travail qu'il a nécessité, aussi bien en termes d'enquête, de temps d'interviews, d'étude de documents… qu'en termes d'exploitation et de compilation des données, puis de mise en forme pour arriver à ce format final.

Franchement, un grand bravo à l'auteure !
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critiques presse (1)
BoDoi
21 octobre 2021
Par leur travail de fourmis, ils donnent au lecteur toutes les clefs de réflexions possibles pour se forger un avis. Ainsi, ils remettent en perspective l’utilisation de pesticides ainsi que notre façon de concevoir l’agriculture. Seul petit bémol : le lecteur peut se sentir submergé par les informations complexes et accablantes. Une lecture séquencée permet de mieux saisir les enjeux et de les digérer. Entre aberration écologique et opportunisme économique, cette bande dessinée se veut être l’écho de l’action citoyenne. Et si un monde sans pesticide était possible ?
Lire la critique sur le site : BoDoi
Citations et extraits (34) Voir plus Ajouter une citation
Tout au long du XXe siècle, notre état de santé n’a eu de cesse de s’améliorer. Mais nous pourrions prochainement assister à sa régression, notamment en raison des expositions environnementales.
Les dizaines de molécules auxquelles nous sommes tous exposés à très bas bruit, combinées aux caractéristiques génétiques de certains d’entre nous, sont en train de favoriser des maladies chroniques et notamment dans la sphère hormonale.
Nous avons su résoudre le problème des expositions à fortes doses pendant une courte durée. Aujourd’hui, nous sommes face à un défi nouveau. Gérer des expositions à faibles niveaux, complexes, multirésiduelles, rémanentes et donc diffuses dans le temps.
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L’ANTHROPOCÈNE . C’est cette période de l’histoire du monde où, pour la première fois, l’influence de l’homme sur la nature est telle qu’elle est quasiment devenue une force géologique capable d’imprégner la Terre de façon indélébile et irréversible.
10 % des plus riches émettent 50 % des gaz à effet de serre. Vivre de façon dispendieuse n’est plus possible, car ce mode d’existence détruit les conditions actuelles et futures d’habitabilité de la planète.
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L’enquête se poursuit à ce jour. Des infractions ont été identifiées et il est pratiquement établi que des intérêts mercantiles ont prévalu sur la santé des populations.
L’État a failli dans sa mission de protection de la santé publique. Et même si les personnes qui le représentaient à l’époque ne sont plus en fonction, l’État, lui, est pérenne et la continuité de ses devoirs l’engage à assumer les événements passés dont il a été l’auteur.
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L’industrie des produits chimiques, qui est le socle de notre société, représente 3 200 milliards d’euros annuels de chiffre d’affaires (selon l’Union des Industries Chimiques). Et plus on produit de produits chimiques, plus on en a besoin. C’est dire comme notre économie mondiale repose sur la production de pollutions.
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Résultat, en vingt-cinq ans, à cause de la généralisation de certains produits de synthèse, l’Europe occidentale a perdu les trois quarts de sa biomasse d’insectes et d’arthropodes. Et c’est notre actuel système d’évaluation des risques qui a rendu possible ce genre de catastrophes.
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Videos de Jessica Oublié (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jessica Oublié
La banane. L'un des principaux fleurons de l'économie des Antilles françaises, la Guadeloupe et la Martinique. Afin d'en assurer le rendement, un pesticide au nom particulier – le chlordécone – y a été utilisé très largement entre 1972 et 1993. Aujourd'hui, le cancer de la prostate s'y développe de façon exponentielle. Et la molécule est présente dans les corps des 800 000 personnes qui y vivent. Scandale environnemental ? Sanitaire ? Ou d'État ? Les débats sur cette molécule passionnent et opposent régulièrement par voie de presse : politiques, producteurs de bananes, chercheurs, avocats et acteurs de la société civile. Si la question de la responsabilité doit encore être tranchée devant les tribunaux, les Antillais doivent eux résoudre une question tout aussi essentielle : comment vivre dans un environnement à jamais pollué ?
Ce teaser a été réalisé par Marie-Ange ROUSSEAU, illustratrice et co-autrice (avec Jessica Oublié) de "Péyi an nou" (Steinkis, 2017).
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