Livre intéressant qui permet de redéfinir le concept d'utopie à travers l'histoire de l'utilisation du mot puis sa vulgarisation.
L'auteur propose ainsi une réflexion sur notre vision des choses en termes de questionnement sur la nature des sociétés, sur leur éthique et sur leurs fondements. le lien avec son premier ouvrage qui est une fiction sur l'importance de la cartographie d'un territoire pour y aposer ce qu'on souhaite comme société est également pertinent.
Seul bémol c'est beaucoup, beaucoup, beaucoup trop court et c'est dommage car c'est très bien écrit et c'est assez clair.
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Complexe. C'est le seul mot qui me vienne pour qualifier ce court essai. Et heureusement qu'il est court car c'est en m'accrochant à cette promesse que j'ai pu aller jusqu'au bout.
La succession des étapes de réflexion est assez claire en soi, bien expliquée mais la question que je me suis posée tout du long était de savoir où l'auteur voulait en venir.
On finit par le savoir mais en fin de compte, la première remarque qui m'est venue en fermant cet ouvrage a été : "d'accord, et alors ?" -pourquoi se pose-t-on de telles questions ? Où cela nous mène -t-il ? Pourquoi ? Finalement, quel intérêt tire-t-on des conclusions obtenues dans ce livre ?
Bref, je crois que je ne suis pas encore prête pour d'autres livres de recherches philosophiques ^^'
[Livre reçu dans le cadre d'une opération Masse Critique]
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L’impossible réalisation de l’utopie du moment présent est devenue plus apparente encore avec l’avènement des téléphones portables. Lorsque vous êtes en face de quelqu’un qui pianote sur un tel appareil, vous savez qu’il n’est pas complètement avec vous ; ce qui n’est pas tragique ; de fait, il ne l’a jamais été. Mais là, ça devient visible et son pianotage met fin à l’utopie de la contemplation, c’est-à-dire à l’idée d’une réunion parfaite d’un groupe d’humains dans le même temple, en train de regarder le même objet, dans une union parfaite de l’entre-soi.
Des siècles ont coulé sous les ponts de la Tamise. On a tellement parlé d’utopie qu’elle a cessé d’être une île. Entrée dans le langage courant, l’utopie évoque surtout le futur, maintenant, un futur possible et idéal dont on rêve et où l’on souhaiterait vivre. Le mot « utopie » sous-entend aussi que ce futur n’adviendra jamais.
Un mot d’ordre émanant du marketing qui traverse aujourd’hui les institutions publiques et les grands médias, veut que l’on suppose un déficit cognitif chronique chez ceux à qui l’on s’adresse. Le « grand public » serait incapable de s’abstraire de son quotidien pour se figurer une réalité radicalement différente. Tel l’enfant, on devrait le guider à travers les platitudes des références admises pour l’introduire à quelconque chose. A force, ce public devient bel et bien cet enfant, pour qui le scientifique incarne un savant fou et l’artiste une créature hors-sol arrosée aux hallucinogènes.
L’utopie est […] d’abord un non-lieu, d’où le fait qu’on la regrettera toujours un peu, car elle n’existe pas, ou plus. Thomas [More] conclut à son sujet : « je la souhaite plus que je ne l’espère ».
Mais il y a d’autres lectures possibles du terme utopie. En considérant sa prononciation en anglais – le u se dit comme « you » -, le mot pourrait s’écrire aussi bien utopia que eutopia, orthographe que Thomas utilise d’ailleurs dans l’une de ses éditions. Le u- privatif devient alors le préfixe mélioratif eu- (bien) comme dans les mots eulogy (eulogie) […] et qui veut dire « la belle parole » et euphory (euphorie) qui […] signifie « bien se porter », « être bien portant ». L’utopie désigne donc aussi « le bon lieu », « le lieu où il fait bon être ».
C’est aussi ça, l’hypertopie : l’ici et maintenant superlatif, qui ne laisse plus d’espace pour devenir quelqu’un d’autre, trop plein de ses ailleurs, trop plein de ses passés ; un trou noir où le futur s’effondre. Il faut retrouver un moyen de fabriquer le temps !
Salon du livre romand 2016, table ronde du samedi 19 nov. : La loyauté
Avec Sabine Dormond, Denise Campiche, Anne Bottani, Hélène Dormond, André Ourednik
Modération : Daniel Bernard