Une écriture poétique, épurée. Un livre succinct, marque de fabrique de l'auteur, d'où sortent, là, seulement quelques fils qui, s'ils ne sont pas le silence, ne reflètent peut-être pas exactement la brute réalité ?...
Doit-on deviner que les grands-parents, trop proches en âge du narrateur, sont les parents ? Ou que les parents, le cas échéant extrêmement jeunes, invisibilisés, sont la cause du mal ? Ou d'autres choses encore ?... le mystère est insondable. Non publiable, a dit l'éditeur. Mais des choses sont dites, comme une infime poignée de pièces d'un puzzle de mille pièces jetées là. L'on y distingue seulement de l'ombre, l'ombre du mal.
Ce livre m'a touchée, pour sa description du vide, du manque, de la rupture familiale totale, du chaos, de l'impossibilité de résoudre ce chaos, de l'obligation de fuir, de s'exiler, se protéger, survivre, réussir à trouver de la beauté dans la vie, la solitude... Tout en subtilité. Tel un effleurement. Il pourrait être dit mille fois plus, en mille fois plus de mots, tout aussi jolis et sensibles, et tout aussi essentiels, que je ne saurais m'en lasser. Mais le monde, aujourd'hui, aime le peu. Pas trop de détails, ne pas s'attarder sur un coucher de soleil, aller à l'essentiel ; les maisons l'intiment, les écrivains se l'approprient, et les lecteurs s'habituent à aimer, à se contenter de ce peu de mots, épurés (mais toujours profonds et justes), pour ce qui est de la littérature contemporaine (la vraie comme celle de
Marc Pautrel ; pas la littérature de boulevard, 90% des publications de ce siècle).
La raison du mal est effacée, suggérée, mais pouvant mener à mille fausses pistes. Ne demeure que l'après-chaos. L'on ne garde que le souvenir du vide abyssal de la perte – voulue, subie ou forcée –, une nostalgie de l'enfance, un chagrin, un désespoir, l'impuissance perpétuelle à réparer le mal.
D'une rare sensibilité.