Bonne nouvelle,
La Manufacture de livres réédite le très controversé récit de
Francis Perez Lopez,
le Mexicain, qui alimente depuis des années de nombreux débats sur les forums, au même titre que A moment of war (
Instants de guerre 1937-1938) du britannique
Laurie Lee.
Ce témoignage d'un ancien officier d'une section de la mort de la XVème Brigade (mentionné dans les mémoires de
Ramon Rufat,
Espions de la République, et dans 'autres ouvrages, Ejercito XV, Div35, 11eBr, 41eBat, 1raC) évadé d'une prison franquiste après deux années de captivité et qui fait route vers la France à la tête d'une troupe de guerilleros serait, au mieux, un récit inspiré de faits réels à lire avec beaucoup de recul, au pire, un ouvrage bidon monté de toute pièce et cautionné par un historien, le bien nommé Victor Guerrier, inconnu au bataillon.
D'ailleurs, dans les corpus espagnols consacrés aux "Maquis",
le Mexicain est répertorié dans la section Narrativa, (romans et nouvelles) et non dans les Témoignages, Autobiographies et Mémoires.
Malheureusement le texte nous est donné à lire sans introduction ni note de l'éditeur. Il y a bien quelques rares notes de bas de page mais on ne sait pas de qui elles sont, ni de quand elles datent.
Tout ceci n'enlève rien au plaisir que j'ai eu à lire
le Mexicain, qui restera un de mes livres préférés sur les Brigades internationales, même si le style fleuri de Perez Lopez ne révolutionne pas le genre autobiographique. Son récit des combats de la bataille de l'Ebre a des allures de western; ça flingue à tout-va, et dans la fumée causée par les explosifs, les brigadistes sifflent l'Internationale pour se reconnaître.
Mais ma partie préférée est sans conteste celle consacrée à la guerilla (juillet 1940-Janvier 1941, ou février, les mois diffèrent à la fin de l'ouvrage, petite erreur d'impression qui s'ajoute à la coquille de la 4ème de couverture, il ne s'engage pas en 1933). A l'instar de Pélagie-la-Charrette,
le Mexicain dans son odyssée vers la France est suivi par des républicains rencontrés en route ou libérés par ses soins. La troupe progresse à travers le pays et profite de la clandestinité pour rendre la justice, non pas comme Saint-Louis sous son chêne mais à grandes rafales de mitraillettes. On assiste alors à un shoot'em up anti-fasciste digne d'un
Tarantino. Une maison de Castellon de la Plana sert de mess aux officiers franquistes?
le Mexicain l'éparpille façon puzzle. le maire de la ville de Tore de F. est un salaud? La bande du Mexicain l'exécute et laisse sur sa poitrine une pancarte "C'est ainsi que périssent les traitres à la République".
Finalement, après bien des péripéties et quelques cours de guerilla rurale, Perez Lopez arrive seul à la frontière, les autres sont morts ou ont disparu, et il n'y a plus personne pour corroborer les faits.
C'est vrai qu'on aimerait y croire, malgré cette vision manichéenne du conflit, ce déluge de feu et cette petite touche Far West. Il est plutôt sympathique,
le Mexicain, avec son cri de guerre. Les conflits fourmillent de trajectoires aussi incroyables qu'authentiques ( je pense pour los Maquis à Teresa Pla Mereguer, ou aux républicains de la Nueve, 2ème D.B.). Mais il y aussi de bons gros mensonges, comme celui de E. Marco, porte-parole pendant 25 ans d'une association de déportés espagnols, auteur de "Los cerdos del comandante" (in Memoria del infierno, Mémoires de l'enfer), qui non seulement n'avait jamais été déporté à Flossenburg, mais était parti comme volontaire pour travailler dans l'industrie allemande en 1941 (voir l'article de
Vargas Llosa "Espantoso y genial").
Il n'y a plus qu'à espérer que cette réédition inspire les historiens et que l'on puisse ENFIN savoir qui était vraiment ce Mexicain.