Quel beau projet des éditions Soleil ! Quatre équipes d'auteurs, quatre récits complets, un seul thème : l'androïde.
Une belle épigraphe d'
Isaac Asimov, commune aux quatre tomes, sur les trois lois de la robotique…
Une superbe collection de BD dans laquelle je me suis plongée avec grand intérêt. Dans l'univers des intelligences artificielles, l'androïde est la seule machine à forme humaine, construite à l'image de l'homme avec un physique et des caractéristiques apparentées…
Heureux qui comme Ulysse est le deuxième opus de la série…
Avec un titre porteur d'un tel univers référentiel, mon horizon d'attente de littéraire était donc d'emblée plutôt exigeant.
Au XVIème siècle,
Joachim du Bellay écrivait un poème que celles et ceux de ma génération ont appris : « Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d'usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge ! …»
L'Odyssée d'
Homère est le récit du retour d'Ulysse à Ithaque, une longue errance pleine de tours, de détours et de rencontres variées au cours de laquelle Ulysse va se révéler à la fois inventif, rusé, capable de se cacher sous différentes identités. Il y a deux narrateurs qui racontent l'histoire, centrée sur la seule action du retour, mais avec deux départs différents, celui d'Ulysse pour revenir chez lui et celui de son fils, parti à sa recherche : un aède aveugle et Ulysse lui-même mêlent des récits enchâssés.
Voilà pour l'introduction de ma chronique et un avant-goût de ce que je pensais trouver dans cet album.
Le scénario d'
Oliver Peru mêle également plusieurs récits, celui de l'l'histoire mise en abyme qu'un androïde raconte à l'unique passager, endormi en stase, d'un immense navire d'exploration spatiale dont le voyage dure depuis plus de six cents ans et celui que nous sommes en train de lire qui raconte le retour sur terre de ce dernier survivant, plus de mille ans après le départ de la mission. L'Androïde se révèlera d'ailleurs un excellent conteur tout au long de l'aventure.
Deux intelligences artificielles rivalisent de logique et d'ingéniosité pour mener à bien cet improbable retour, l'une aux commandes du vaisseau et l'autre élevant de son mieux un enfant humain né au cours du voyage ; cette opposition collaborative continue après l'amerrissage car la terre retrouvée révèle bien des surprises quant au devenir de la planète au quatrième millénaire.
La trame narrative reprend le schéma des rencontres homériques nous offrant, entres autres, de nouveaux homo-sapiens, un robot de guerre capable de contourner les lois fondamentales d'
Asimov…
J'ai trouvé certains passages techniques un peu longs et, naturellement, préféré les références mythologiques, humoristiques, ironiques quand la réalité et le discours sont en décalage.
L'androïde est vraiment le personnage principal de l'album et il est assez exemplair et fascinant, sans tomber dans les topos du genre. Les dessins de Geyser et les couleurs de
Sébastien Lamirand donnent réellement vie à son visage dont les traits sont souvent plus expressifs que ceux des humains ; le scénario le place dans des postures empathiques, patientes, intuitives, presque émotionnelles…
Quant au contrat de départ, je dirais qu'il est en partie respecté…
Du Bellay était en filigrane pour nous parler du retour au pays, quels que soient les sacrifices à faire pour y parvenir et y vivre la fin de sa vie.
Homère n'était pas loin mais il m'a peut-être manqué une réelle présence féminine, une part plus belle à des alter ego des déesses, sirènes ou simples mortelles largement mises en lumières dans L'Odyssée… Je suis sans doute trop proche de mes classiques…
Enfin, celui qui rappelle le plus le personnage d'Ulysse dans cette BD n'est pas, selon moi, celui qui porte son nom, mais bien AC7+, l'androïde.
Un bel album.
À découvrir.
https://www.facebook.com/piratedespal/