Ouvrez le
Canzoniere et entrez dans la splendeur.
Vous vous maintiendrez sur les hauteurs de l'amour brûlant, mais chaste, et de la mélancolie.
Trois cent soixante-six poèmes, autant que les jours de l'année. La traversée est longue, mais elle est sublime.
A chaque nouveau poème, l'on se demande comment le même sujet peut générer autant de variations, et d'aussi captivantes.
François est amoureux. le 6 avril 1327, en l'église Sainte-Claire d'Avignon, il rencontre Laure de Noves, mariée à Hugues de
Sade, un ancêtre de Donatien, le divin marquis, et en tombe éperdument (comme on dit) amoureux. Elle se refusera toujours a lui et François entreprend de mettre en vers (
sonnets, chansons essentiellement) sa passion amoureuse malheureuse et la mélancolie qui règne alors sur sa vie. Il y travailla jusqu'à sa mort.
Mais les poètes sont menteurs, pour notre plus grand bonheur. Il faut éviter de donner une allure strictement biographique à un recueil poétique. C'est avant tout une construction littéraire.
François Pétrarque en effet est un ecclésiastique, diplomate, grand voyageur, qui eut deux enfants de mères inconnues. Ce n'est pas le portrait qui se dégage du
Canzoniere mais la poésie n'est-elle pas l'expression de l'intériorité?
Les poèmes sont donc consacrés à un amour malheureux, aux sentiments de l'amant éconduit, qui se morfond dans la mélancolie. Dis ainsi, cela pourrait ne pas donner envie, mais le poète sait explorer toutes les nuances de cette situation amoureuse, tous les miroitements de la mélancolie.
Les références mythologiques servent à multiplier les points de vue sur la femme aimée: Laure renvoie à Daphné (le laurier) aimée d'Apollon, mais elle est aussi l'or ou l'aurore, entre autres.
À la douleur de la passion non assouvie succède petit à petit la mélancolie, puis l'amour de cette mélancolie même. Et quand Laure décède de la peste en 1348, François ne peut s'empêcher de continuer à l'aimer, quelque douleur que cela lui cause encore. Cet amour, après vingt ans, est de plus en plus épuré. Les visions de Laure sont comme des visites qu'elle lui rend du ciel qu'elle illumine désormais.
Tout cela est mélancolique et beau, mais pas romantique. L'on songe plutôt à l'amour courtois et à l'adoration de la Dame.
La postérité du
Canzoniere est immense: depuis les Français
Ronsard et
Du Bellay, jusqu'à
Pasolini en passant par les
sonnets de
Shakespeare, parmi beaucoup d'autres.
J'ai lu le
Canzoniere dans la traduction récente de René de Ceccatty (2018). J'ai beaucoup apprécié son effort de rendre cette poésie ancienne en français contemporain, sans trop d'archaïsme. Juste un souci, les traductions ne comportent aucune note, ce qui rend incertaine la compréhension de certains passages. Alors j'ai quelquefois plongé dans l'édition commentée de Marco Santagata. Si on lit un peu d'italien, on y trouve une foule d'informations qui enrichissent la compréhension.
Si l'aventure vous tente, n'hésitez pas, la traversée vaut le voyage.