Je l'ai écrit récemment, dans ma critique d'un autre bouquin, j'adore lire Zoyâ Pirzâd. Pas de grands drames, que le quotidien. Celui auquel n'importe quel lecteur peut se référer, s'identifier. Et cela malgré les différences culturelles. C'est exactement ce que l'on retrouve dans C'est moi qui éteins les lumières. Dans ce roman, Clarisse, la narratrice est mère de famille bourgeoise. Elle s'occupe de la maisonnée, de son mari et de ses enfants : les jumelles Arsineh et Armineh ainsi que de leur frère Armen. Cela inclut les activités de l'école des petits et de la communauté arménienne. Accessoirement, elle occupe la fonction de personne raisonnable pour sa soeur et sa mère.
Puis arrivent de nouveaux voisins. Émile Simonian, veuf et apparemment séduisant, avec sa fillette Émilie et sa vieille mère Elmira, impérieuse et capricieuse. Alors que d'autres auteurs auraient été tentés par un toride histoire d'amour illicite, Zoyâ Pirzâd évite la facilité. On plonge dans le psychée de la narratrice. Comment l'arrivée de ces voisins, qui aurait pu n'être qu'un événement anodin, change imperceptiblement le quotidien de Clarisse et de sa famille.
Quand la vieille Elmira se montre insistante et envahissante, la narratrice veut se tenir loin de voisins mais voilà que son mari s'est pris d'une amitié pour Émile, jouant régulièrement aux échecs avec lui. Les fillettes s'amusent avec Émilie (du moins, quand elles ne luttent pas entre elles pour obtenir son amitié exclusive) et même Armen, tombé amoureux, se bat contre les garçons témoignant de l'intérêt envers elle. Ainsi donc, les Simonian bouleversent son quotidien qui était si bien réglé. Mais l'était-il ? Des fissures apparaissent dans le couple mais il semble bien que ces fissures étaient là depuis un certain temps, mais cachées. Elles allaient apparaître un jour ou l'autre.
Mais tout n'est ni noir ni blanc. Par exemple, cette Elmira exigeante, on découvre son passé et on la prend en pitié. Cette Émilie n'est pas à blâmer si Armen s'est pris d'amour et est près à tout pour obtenir le sien. Et même son mari, alors qu'il pouvait sembler indifférent, magouillant dans son dos, sait se montrer prévenant et attentionné à d'autres moments. C'est une bonne leçon de vie, de ne rien prendre pour acquis et de ne pas se faire une opinion trop rapidement des gens qui nous entourent. J'écris cela mais le roman n'a rien d'un bouquin à morale.
Évidemment, la plume délicate et bienveillante de Zoyâ Pirzâd y est pour beaucoup. Elle déroule lentement son histoire (qui semblait si anodine, si tranquille), dévoilant petit à petit des pans du quotidien de cette famille, qui pourrait être n'importe quelle famille. La vôtre, la mienne, celle de mes voisins. Malgré qu'elle soit ancrée dans la réalité une communauté arménienne d'Iran, son histoire est vraiment universelle. Qui ne s'est pas posé des questions sur son couple, sur son but dans la vie. Sans aller jusqu'à parler de crise existencielle, je crois que tout le monde passe une période de questionnement et, dans C'est moi qui éteins les lumières, ça semble si naturel.
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Ce livre, acheté par hasard dans un vide-grenier, raconte le quotidien d'une femme au foyer arménienne en Iran.
En quatrième de couverture Clarisse est appelée la "femme invisible".
Cette appellation lui va comme un gant et montre et démontre, une fois de plus, le peu d'estime dont bénéficient les femmes, quel que soit le milieu ou la culture.
Il faut quand même signaler que l'action se passe vraisemblablement dans les années 60 ( référence au hula-hoop ) et avant la révolution islamique de 1979.
Raconté à la première personne, ce récit m'a interpellée. Je n'ai pas regretté cet achat impulsif car Clarisse est une personne très attachante et la vie de la communauté arménienne à Abadan très intéressante.
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Je ne connaissais absolument pas cette auteur et on m'a offert le roman. Je ne lis pas souvent des auteurs iraniens.
Nous sommes dans les années 1960 à Abadan, petite ville prospère grâce à la présence d'une compagnie pétrolière qui génère de nombreux emplois.
Clarisse est une femme de 40 ans, mariée à un ingénieur de la compagnie pétrolière, ils vivent heureux dans un lotissement assez aisé. Ils ont 3 enfants, l'aîné Armen entre dans l'adolescence et les filles sont des jumelles de 9 ans, un peu espiègles. Clarisse ne travaille pas, elle élève ses enfants et s'occupe de la maison. Elle est très entourée car sa mère et sa soeur, infirmière célibataire, viennent très souvent chez elle. Elle a aussi des amies, comme Nina, son ancienne voisine. Ils ne fréquentent pratiquement uniquement que des arméniens, comme eux.
Elle se consacre entièrement à sa famille et aux tâches ménagères en oubliant de penser à elle. Son mari est gentil mais pas très attentionné.
Parfois, elle se sent seule et incomprise.
Sa tranquilité va être interrompue par l'arrivée de nouveaux voisins dans la maison d'en face. Il s'agit d'un veuf Emile Simonian qui élève seul sa fille Emilie, 12 ans et ils habitent avec la grand-mère, naine au caractère impossible.
Emilie va devenir amie avec les jumelles et troubler le jeun Armen à qui elle fera faire des bêtises. Emile va se rapprocher de Clarisse, ils vont jardiner ensemble et parler littérature. Sa présence et son écoute vont causer chez Clarisse une sorte de remise en question de sa vie actuelle.
C'est un joli roman, très lent, très descriptif. L'auteur excelle dans la description du quotidien, elle parle beaucoup de nourriture, de petites choses de la vie. Il n'y a pas de grands événements, pas d'action à proprement parler, ce sont plus des petites touches, des réflexions sur la vie. Les personnages sont bien décrits, l'aspect psychologique est très développé. J'ai passé un agréable moment en compagnie de Clarisse et ce portrait de femme a finalement une portée universelle. Il manque un tout petit quelque chose pour que ce soit génial : peut-être un peu de rythme ?
Une belle découverte néanmoins.
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Un drôle de roman persan, perçant les mystères d'une femme « invisible ».
Lire la critique sur le site : LesEchos
"J'ai fait tes quatre volontés. Vivre dans le quartier de Beyrem, c'est pour les bourgeois. OK ! On n'a pas besoin d'une voiture de luxe.OK ! J'ai des invités.OK ! J'aime jouer aux échecs. OK ! Je suis passé voir Shahandek. OK ! Et maintenant... Maintenant, on se sert de ma amison pour distribuer des tracts et monsieur le maître de maison dit : " Je n'étais pas au courant. Ils l'ont fait sans m'en parler ! " Si tu es bête au point de ne pas savoir ce qui se passe chez toi, alors..."
Je ne pus finir ma phrase. Devant mes yeux médusés, Artosh souleva le couvercle du sucrier et, comme pour arroser les fleurs, se mit à saupoudrer de sucre la table, les chaises et le sol de la cuisine avant de remettre le couvercle sur le sucrier, de le reposer sur la table de la cuisine et de sortir.
Si tu veux mon avis, ils disent tous les deux des imbécillités. Moi, je dis toujours à Garnik, qu'il a raison. Toi aussi, tu devrais dire à Artush : " Bien sûr mon chéri, c'est toi qui a raison. (...) Les hommes sont persuadés que s'ils ne parlent pas politique, ils ne sont pas tout fait des hommes ! "
Nous retrouvâmes nos deux chaises l'une en face de l'autre. " Tu n'avais encore jamais entendu parler du phénomène ? " Je fis signe que non. " Les sauterelles émigrent. " Son visage touchait presque le mien. " Elles volent parfois pendant des kilomètres et des kilomètres. " Je remarquai la cicatrice d'une petite coupure sur le menton. " Quand elles commencent à se fatiguer, elles se divisent en deux groupes. L'un des deux se place sous le deuxième pour lui permettre de se reposer. " La cicatrice était à peine visible. " Le groupe du dessous, épuisé, meurt en tombant . " Il jeta un regard par la fenêtre. Le ciel était encore sombre. " La scission des deux groupes se fait en général au-dessus des mers et des océans, ou parfois au-dessus des villes. "
Emile m'avait remerciée avant de partir:"Pour le café et pour toute cette belle conversation".Il disait cela sans doute pour se moquer. Il se moquait certainement, et je le méritais. Ma mère frappa sur la table avec la salière.
"Mais enfin, ne comprends-tu pas que ce salaud cherche une pauvre souillonsans ressources?".
Alice frappa un coup encore plus fort avec son couteau à fruits.
"C'est vous qui ne comprenez rien!".
Je plaçai les aubergines dans la passoire. Mon mauvais côté caracolait: ne cherche pas à te vanter. Je saupoudrai les aubergines avec du sel.Mon bon côté vint à mon secours: elle ne se vantait pas, elle parlait de ce qu'elle aimait.
Chaque fois que j'allais mal, je pensais à lui. Et dès que j'allais bien, je pensais encore à lui. Par exemple, quand je voyais pousser des racines à la branche que j'avais mise à l'eau. Ou bien lorsque je réussissais un plat que je faisais pour la première fois. Ou encore, quand Armen rapportait de bonnes notes. Je me mis à déchiqueter le mouchoir en papier en me demandant pourquoi je pensais toujours à mon père dans ces moments de joie ou de peine.