Quelle est la différence entre une femme et un homme qui se retrouvent derrière des barreaux ? Les menus détails de la vie quotidienne : une détenue guette dans la cour de promenade la fille qui a les jambes les plus lisses, avant de négocier discrètement avec elle l’emprunt de la pince à épiler (interdite) qui lui permettra de se présenter comme elle le souhaite devant son homme au parloir. Une autre repère celle qui arbore les cheveux les plus raides pour lui demander de lui faire un brushing. Pour le reste, toutes les prisons se valent et les réflexes sont les mêmes partout.
Aujourd’hui, les filles des cités dites « sensibles » qui ont choisi l’argent facile se sont principalement investies dans la drogue, activité criminelle la plus lucrative du moment : elles sont dealeuses, passeuses, blanchisseuses ou nourrices, sans pour autant laisser tomber les bonnes vieilles recettes, à commencer par tout ce qui se rapporte au commerce du sexe. Certes, les garçons qui montent en grade dans l’échelle de la grande délinquance laissent peu d’espace au sexe dit faible, mais ils ont plus que jamais besoin de son énergie. Hier au cœur des faubourgs, aujourd’hui tout se joue dans ces quartiers des cités où hommes comme femmes évoluent souvent en mode survie.
« Pour se faire une place, il faut la gagner, et pour la gagner, il faut s’attaquer aux hommes en place », observe l’avocat pénaliste Yassine Bouzrou. Que l’on soit homme ou femme, la loi est la même : on avance en doublant son prochain, et pourquoi pas en l’éliminant. Une femme aura évidemment plus d’aptitude si elle a grandi dans cet univers, vu évoluer des voyous depuis sa petite enfance, rendu visite au parloir à un père ou à un frère, la famille restant le noyau de toute dérive criminelle, comme le rappelle si bien la Sudiste Aurélie Merlini : « Quand tu n’as plus confiance en personne, il te reste ton fils, ta femme et ta fille. »
« Un voyou doit être capable de tenir les équipes par la peur et de faire le ménage, y compris à coups de calibre. C’est un prédateur sans état d’âme, souvenez-vous de ceux qui mettaient les filles sur le trottoir. Immatriculer une voiture, louer un box, prendre un portable, c’est bien sûr à la portée d’une femme qui aurait grandi là-dedans. Faire un peu de fric, un peu de came, pourquoi pas, mais je ne vois pas un bandit manouche, black ou maghrébin recevoir un ordre d’une femme ! Et puis, une femme, ça parle beaucoup. C’est moins taiseux qu’un homme. »
Les femmes ne sont plus seulement figurantes ou petites mains, elles sont désormais actrices de premier plan, comme nous le révélons ici, au terme de quatre années d’une enquête d’autant plus difficile à mener que les bandits ont une tendance naturelle à se croire seuls au monde et à vouloir contrôler leur image autant que celle de leurs proches.
Mariée de force, elle parvient à s'échapper et décide de témoigner par l'écriture.
Devenue une romancière célèbre dans le monde entier (prix Goncourt des lycéens en France en 2020 pour « Les Impatientes »), Djaïli Amadou Amal lutte pour obtenir l'abolition de ces pratiques barbares et l'émancipation des filles.
Dans son roman « DJAÏLI AMADOU AMAL, NON AUX MARIAGES FORCÉS », Maria Poblete nous fait découvrir de l'intérieur le combat de cette révoltée qui ose braver cette inadmissible pratique.
Publié dans la collection CEUX QUI ONT DIT NON, dirigée par Murielle Szac. Dès 12 ans.
ACTES SUD jeunesse, mars 2024.
Interview réalisée avec Guila Clara Kessous, ambassadrice pour la paix auprès de l'UNESCO.
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