Vertige de l'eau

D'une beauté prodigieuse, « Vestige de l'eau » de Zinaïda Polimenova est un récit dont il faut prendre soin. C'est une chance inestimable que de lire ce poignant qui s'élève à l'instar d'une myriade d'oiseaux en plein ciel. L'ampleur est une boussole, un chemin existentiel. L'heure est grave, puissante et régénératrice. « Ça se passe toujours lors du solstice d'hiver, la nuit la plus profonde de l'année. » L'écriture n'est plus. Nous sommes dans les entrailles, dans cette eau certaine et volontaire, dans ces croisements où les destinées affrontent les traversées des miroirs générationnels. « Qui a vu la scène trouve sur les pierres, une clé. » Prenez là en main, et lisez ce grand livre ! Trois femmes, Théa dix-huit ans, Dora quarante et un ans, Sia soixante- cinq ans vont nager ensemble dans une piscine. L'eau est matrice, grotte abyssale, symbole dont le fluide s'épanche jusqu'au doute qui insiste et perce les questions, introspection glacée et majeure. On aime par-dessus tout, les courants qui glissent dans « Vestige de l'eau » les histoires de vie de ces trois femmes, le lien vif entre la gestuelle d'un quotidien lourd empreint des difficultés sociales, coupures d'électricité, régime politique qui creuse leurs épaules par le poids d'un manteau gorgé de pluie. Les retrouvailles pavloviennes dans une piscine qui semble une spirale. Ce vestige de l'eau, profondeur d'un puits de quête qui va oeuvrer. Leurs vies sont gerbes de blé, broyées par les affres de secrets trop lourds. Enchaînées par les remous et les algues intestines d'un régime politique qui a été une tempête en pleine mer, une rivière charriant la boue des regrets infinis. « Vont-ils suspendre le régime d'électricité pour le réveillon ? Juste un jour, une nuit. Tu imagines, tous ces gens engloutis dans le noir, un jour de fête ? » Ici, c'est le visible. Les souffrances sont plus anciennes, plus ancrées. Un pays qui force le barrage, qui ploie ses enfants. Dans ce sublime récit règne une douceur de ton qui apaise. Le charme littéraire d'un précis hors norme qui semble le duvet pâle d'une plume d'oiseau restée à la surface de l'eau. « Elles restent dans l'eau et regardent, toutes les trois, le profond de verre, à travers lequel s'étend, en profondeur le centre d'un deuxième lieu enfoui, quelque part, dans la nuit glacée. » « Vestige de l'eau » est une rencontre nécessaire pour avancer soi-même. Une histoire olympienne, initiatique, où le hasard n'est pas. le tracé des rivières est inscrit dans le mémoriel. C'est une fusion d'un élément vital, l'eau et les mains de ces femmes qui se scellent entre elles. Les illustrations de Armelle de Sainte Marie sont des points d'appui, des rappels et des larmes qui coulent de trop de souffrances à creuser sa voie et chercher la lumière au fond du gouffre. Elles sont sources expressives et intuitives. C'est un vestige tremblant de vérité, de ce rare qui fait vibrer les roches gorgées d'eau qui claque, annonce et donne les réponses. Publié par les majeures Les éditions du Chemin de Fer.

Sia, Dora, Théa. Trois femmes, trois âges, dont les silhouettes glissent dans l'ondée d'une piscine municipale. La neige tombe et recouvre les paysages, étouffant les bruits. A quelques jours de Noël, chacune va voir son destin basculer par une information questionnant ses origines.
Sia, vieille femme au milieu de ses livres, qui n'a eu de cesse de porter la parole d'un jeune écrivain au destin fulgurant, Dora, mère de famille fatiguée mais dévouée et la jeune Théa dont la fougue la porte dans ses différentes vies entre université, vie familiale et l'hôpital où sa grand-mère meurt doucement.
La plume de Zinaïda Polimenova trace ces trois destins qui s'entremêlent finement et l'ondée colorée d'Armelle de Sainte Marie emporte en vague, trouble la perception de ces vies en des moments d'aquarelles parfois griffés. Un nouveau petit bijou aux éditions du chemin de fer.

Elles sont trois femmes, Théa une jeune fille tout juste majeure, Dora mère de deux garçons et Sia, une éditrice à la retraite d'une soixantaine d'années. Toutes les trois vivent dans la capitale d'un pays de l'est de l'Europe, une ville où la rivière qui la traverse, curieusement, est souterraine, où l'eau n'apparaît jamais, et toutes les trois habitent sur son trajet, une sorte de ligne invisible qui engendre, dit-on, des événements particuliers. Elles se retrouvent tous les jours à la piscine mais ne se connaissent pas. Nous sommes à la veille de Noël, et dans cette semaine du solstice d'hiver, une légende annonce des changements étonnants.
Nous allons suivre la vie de ces trois femmes au fil des jours de cette semaine particulière, jusqu'à la découverte de secrets qui feront basculer leurs destinées. du lundi au dimanche, nous apprenons à mieux les connaître, découvrons leur vie quotidienne, leurs habitudes et surtout leurs réflexions sur le cours de leur vie.
Zinaïda Polimenova nous donne à savourer un récit captivant, rythmé par des mots mis en exergue au sein de certaines phrases, comme un temps privilégié dans la lecture, qui force le lecteur à ralentir pour mieux s'imprégner du passage où chaque femme existe dans son quotidien. Très vite ce rythme nous devient indispensable, les mots ainsi isolés résonnent étrangement. Les préparatifs de Noël auxquels ces trois femmes se prêtent les conduisent à modifier leurs habitudes et nous pressentons que la légende va cette fois encore apporter un bouleversement pour elles trois.
Des secrets de famille, des fragments de contes, des pensées introspectives, des révélations, tout est fascinant dans ce court roman où le temps semble distendu. Vertige de l'eau, celle de la rivière souterraine, celle de la neige, celle de la piscine, l'eau fait miroiter les illustrations de Armelle de Sainte-Marie qui ponctuent le roman. Un roman intrigant, étonnant, envoûtant, édité dans une magnifique maison d'édition qui en fait un objet délicat, à lire et relire absolument.

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