«
Lilus Kikus » est un petit roman de
Elena Poniatowska traduit par
Françoise Léziart (2006, Les Perséides, 68 p.) avec des illustrations en noir et blanc de
Leonora Carrington. C'était déjà le cas de l'édition originale en espagnol (1954, University of New Mexico Press, 135 p.), mais la réédition récente (2020, Recrea Libros, 76 p.) utilise les illustrations de Maria Fernanda Piderit, ce qui est dommage.
C'est le premier roman de
Elena Poniatowska. Elle a écrit une intéressante biographie de
Leonora Carrington «
Leonora » traduite par
Claude Fell (2012,
Actes Sud, 448 p.).
En fait de roman, ce sont une douzaine de petites histoires qui mettent en scène
Lilus Kikus, une fillette rêveuse et anticonformiste qui vont de « le jeu de Lilus » à « le pensionnat », en passant par « le concert », « les élections », « la procession », « la maladie » et « le mur ». On le constate, une progression dans son enfance et son adolescence dans le Mexique des années 1950. On pense donc à un roman en grande partie autobiographique.
De fait,
Elena Poniatowska (1913- ), de son vrai nom princesse Hélène Elizabeth Louise Amélie Paula Dolores Poniatowska Amor est la fille du prince Jean Joseph Evremond Sperry Poniatowski, descendant direct du roi Stanislas II de Pologne, et d'une mère mexicaine d'ascendance française au doux nom d'Amor. Elle vit tout d'abord à Paris, mais en 1942, elle s'exile au Mexique avec sa mère et sa soeur. On la surnomme « Princesa Roja » (Princesse rouge). Son père ne rentrera qu'après avoir participé à la victoire des Alliés. Elle est destinée à épouser un prince européen, mais ne se mariera qu'en 1968, avec un astrophysicien mexicain Guillermo Haro. En 1953, elle commence à travailler auprès du quotidien « Excelsior », puis à « Novedades ». E lle s'engage politiquement et publie des récits sur le massacre des étudiants à Mexico en 1968 « La noche de Tlatelolco » (2002, Guillermo Escolar Editor, 328 p.) traduit en «
La Nuit de Tlatelolco » par Ana Touati (2014, Cmde, 327 p.) et du tremblement de terre de 1985 « Nada, nadie : Las voces del temblor » (2004, Ediciones Era S.A. de C.V., 310 p.). On lui doit aussi un superbe «
Vie de Jesusa » (1980, Gallimard, 396 p.) dans lequel elle narre la
vie de Jesusa Palancares, mariée très jeune et enrôlée dans les troupes de Pancho Villa. Description de la misère qui était le lot des Indiennes et des métis mexicaines et le début de la lutte pour la dignité des femmes mexicaines pour
Elena Poniatowska.
A Mexico, à la fin de la guerre, elle se lie avec
Leonora Carrington, qui lui illustre son livre «
Lilus Kikus » avec une douzaine dessins en noir et blanc. C'est la raison pour laquelle je me suis procuré le livre.
C'est l'histoire de
Lilus Kikus, une fille quelque peu agitée, rêveuse, imaginative, surtout curieuse qui veut comprendre tout ce qui l'entoure, le monde en gros. Et de cette appréhension, se l'approprier et en imaginer des aspects fantastiques.
Tout commence avec « Les jeux de Lilus ». il y aura 12 chapitres comme cela, donc de 4 à 6 pages chacun, compte tenu des illustrations.
Lilus Kikus est une petite fille « absorbée par une mouche » plus que par « les cris de sa maman ».
C'est Lilus en tant que petite fille et le livre va la suivre jusqu'à ce qu'elle soit jeune fille. C'est le passage à l'âge adulte, mais ce n'est pas un livre d'initiation. Lilus ne joue pas avec ses poupées parce qu'elles meurent toutes sur elle. Donc Lilus « croit aux sorcières », et à des tas d'autres choses. Elle a d'ailleurs « cousu à l'intérieur de sa culotte » des poches où elle garde « des plants aromatiques, du romarin et quelques brins d'herbe, un cheveu de Napoléon, un de ceux qu'on vend en classe pour dix centimes. Et une dent ». On voit que c'est un commerce très diversifié. Elle garde aussi « un ruban noir de deuil, deux petits bouts de l'ongle d'un orteil de son papa, un trèfle à trois feuilles et de la poussière ramassée au pied de la statue du Christ dans l'église Notre-Dame de la Pitié ».
Sa mère l'emmène un jour « au concert au Palais des Beaux Arts ». Il faut dire qu'elle a trois disques, dont « La Passion selon Saint
Mathieu », qu'elle écoute en faisant des grimaces. A Acapulco, il faut dire que l'action se passe au Mexique, Lilus rêve qu'elle possède un château « La Casillane lointaine », alors qu'elle observe les hommes, « maigrichons comme des souris », dont on dirait de « grands poissons rouges ».
Dans « sa chambre de quatre mètres carrés, le soleil entre sans prévenir ». Elle aimerait bien « avoir des ongles de soleil ». Surprenant que dans l'illustration correspondant,
Leonora Carrington a fait cohabiter un soleil rayonnant et des escargots. Les hommes de la plage étaient déjà des souris, plutôt obèses que maigrichonnes. Par contre, on distingue bien « la Moutonne » lors de la procession, avec les fillettes en mousselines vaporeuses, pendant que Lilus chante « Qu'est-ce que ça peut faire ? / Je ne suis plus vierge / Bzzzrumba Mamma la Rumba »
« Les petites filles bien élevées ne grimpent pas sur les murs », de là elle observe les gens, dont « le Monsieur du Numéro Quatre ».
Et en toile de fond la rigueur imposée par les soeurs de l‘
Eglise Catholique, la rigidité sous le voile, et l'enfance confisquée. « Les amours de jeunesse sont celles qui attendent au coin de la rue pour les voir passer puis s'en vont rêver. Ce sont des amours qui ne se touchent pas mais qui évoquent beaucoup »