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Rauda Jamis (Traducteur)Claude Fell (Éditeur scientifique)
EAN : 9782742700110
80 pages
Actes Sud (16/03/1993)
3.57/5   56 notes
Résumé :

En soixante pages d'une pudeur et d'une discrétion exemplaires, Elena Poniatowska évoque ici la dévastation provoquée dans la vie d'Angelina Beloff par le départ de son amant, le peintre mexicain Diego Rivera. Dans ce récit épistolaire à une voix, c'est l'autre voix, celle de l'absent, qui par son silence donne à la solitude d'Angelina les dimensions du tragique. Ce petit joyau romanesque, quoique d'une essence... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Un classique du roman épistolaire, 12 lettres d'amour adressées à Diego Rivera par sa compagne, la peintre russe Angelina Petrovna Belova. C'est en lisant la biographie consacrée au Mexicain par Bertram-David Wolfe qu'Elena Poniatowska prend connaissance d'une lettre datée de juillet 1922 dans laquelle une femme abandonnée souffre du silence de Rivera et lui demande une dernière fois de ces nouvelles. La "princesse rouge" s'attelle dès lors à l'élaboration d'un long monologue en rédigeant onze lettres fictives envoyées de Paris par une Angelina désespérée. "Je t'aime, Diego, à l'instant je sens une douleur presque insupportable dans la poitrine. Dans la rue il m'est arrivé la même chose, le souvenir de toi me frappe et je ne peux plus marcher, cela me fait si mal que je dois m'appuyer contre un mur."
Belova a consacré sa vie à aimer d'un amour impossible un artiste égoïste obsédé par la création artistique. En lisant Cher Diego, Quiela t'embrasse, on pense à Lettre d'une inconnue de Zweig, et pourtant cette passion n'était pas fictive. Arrivée à Paris pour exercer son art, elle rencontre Rivera en 1910, met sa carrière entre parenthèses, se consacre à leur fils Miguel Angel qui décède rapidement. Les années parisiennes sont matériellement difficiles, la première guerre mondiale semant à l'arrière son lot de contraintes et de privations. De plus Rivera vit une liaison avec une autre peintre russe Marie Vorobev Stebelska avec laquelle il aura une fille. Rappelé au Mexique par Jose Vasconcelos pour peindre la Révolution, Rivera s'y rend seul pour des raisons économiques et ne lui donnera plus jamais de nouvelles, se contentant de lui faire parvenir de l'argent de temps en temps. Angelina reste seule à Paris, dans l'attente d'un mot, d'un geste.
Solitude, abandon, douleur de la perte d'un enfant, obsession amoureuse, mais aussi vie culturelle bouillonnante et création artistique transparaissent au fil des pages. Un portrait terrifiant de Diego Rivera se dessine, un ogre génial et écrasant , uniquement passionné par sa peinture: "(...) malgré ton silence que j'attribue à un excès de travail, au changement, aux projets en route, aux longues discussions que tu suscites à la tombée du soir; je t'imagine autour d'une table, échangeant des idées, secouant les esprits, les obligeant à penser, les enflammant avec ta passion, les irritant aussi, puis explosant toi-même de colère de la même façon que tu explosas lorsque je t'appris que j'étais enceinte vociférant, menaçant de te jeter du septième étage, devenant fou et me criant, tout en ouvrant les deux volets: "Si cet enfant me dérange, je le jetterai par la fenêtre."
En s'appuyant sur le travail de Wolfe, Elena Poniatowska qui excelle dans les portraits de femmes (Tinisima, Leonora...) a tiré de l'oubli cette passion dévastatrice qui occulta le travail de Angelina Beloff. Celle qui fut influencée par Cezanne et Matisse vit son oeuvre reléguée au second plan, loin derrière son mariage malheureux avec Rivera. Cher Diego, Quiela t'embrasse dit si bien la douleur de l'amour non partagé que Beloff est devenue le symbole de toutes les épouses d'artistes phagocytées par leur géniaux compagnons.
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Pauvre Angelina, Diego est reparti au Mexique et ne répond pas à ses lettres. Parfois, il lui envoie de l'argent pour vivre, mais aussi, comble de chagrin, pour son ancienne maîtresse dont il a une fille. Ce sont des années de souffrance à attendre en vain que son grand amour lui dise de le rejoindre, et qui ne la reconnaît pas, quand leurs chemins se croisent.

Elena Poniatowska raconte, sous forme épistolaire, l'histoire d'amour et de misère entre le peintre mexicain Diego Rivera et le peintre russe Angelina Beloff. Une rencontre qui s'est faite à Paris dans les années 10 et a abouti à un mariage qui a duré dix ans. Dix années de bonheur, de vaches maigres et de douleur. Diego était volage et fantasque, Angelina trop sérieuse, trop amoureuse.

Ces lettres fictives traduisent toute la détresse d'Angelina qui, après le départ de Diego, doit affronter seule une vie misérable, privée de l'essentiel. Angelina qui pleure un enfant mort et un amant qui lui impose son silence, le silence. Car elle ne confie à personne son dénuement matériel et affectif, même si elle travaille et rencontre quelquefois ses amis célèbres.

Un petit livre d'une force inouïe et d'une grande beauté qui rend hommage à une femme émouvante, une artiste malheureuse mais pas résignée devant l'absence d'un Diego Rivera, égocentrique, excessif et magistral.
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"La Poniatowska" vient de feter ses 90 ans.
"La Princesse Rouge": Une princesse polonaise nee a Paris que les parents emmenent precipitamment au Mexique lors de la deuxieme guerre mondiale. Une princesse engagee a la cause du petit peuple.
" La Belle Helene": Quand elle assistait a une reunion litteraire tous les yeux etaient rives sur ses jambes, mais des qu'elle ouvrait la bouche c'etait au tour des oreilles d'etre rivees aux sons de sa bouche.
Pour ses 90 printemps je deterre un vieux billet (de 2017!), sans y rien changer:

Diego Rivera est un peintre celebre.
Diego Rivera est un monstre sacre.
Diego Rivera est un monstre. Un ogre cannibale qui engloutit la substance vitale de ceux qui l'entourent et n'en laisse que les os.

C'est du moins comme ca qu'il apparait dans ce petit livre de Poniatowska. Un livre qui imagine les lettres que lui aurait ecrit sa premiere femme, abandonnee sur le vieux continent apres dix ans de mariage, quand il repart, seul, pour le Mexique. Lachee, jetee comme du lest, oubliee. Loin des yeux loin du coeur? Rivera a de tres bons yeux de peintre, mais a-t-il du coeur?

Un roman epistolaire emouvant, parce qu'il soumet a notre lecture des lettres auxquelles ne repond qu'un silence humiliant, avilissant. Des lettres d'une femme desemparee par sa solitude. Sans lui, elle est seule et esseulee, et aucun des amis qui l'entourent et essayent de la soutenir n'arrivera a remplir le vide qui s'est empare d'elle. Elle est inconsolable. Elle continue a aimer, elle aimera toujours, tout en sachant qu'elle ne peut esperer ni amour, ni aucun sentiment en retour, de celui qui l'a delaissee. Ses lettres exhibent la passion obsessive d'une femme, peintre elle aussi, qui pendant dix ans avait laisse son art en arriere, deperir, pour mieux servir l'objet de son amour. Des lettres qui pleurent l'enfant qu'elle a eu de Rivera et qui est mort bebe, parce qu'il ne lui reste donc rien de lui. Des lettres de desarroi: sans lui, quel avenir? Pourquoi un avenir? Avant elle etait Quiela, comme lui l'appelait. Maintenant elle n'est plus qu'Angelina Beloff, ou La Bielova, comme la denomment les autres.
Les lettres sont datees de 1921-1922. Entre les lignes on sent que, si en amour elle n'arrivera jamais a se remettre, son art, renouvele, lui permettra de respire, de continuer a vivre. de s'accepter comme La Bielova. Dans une sorte de courte postface, Poniatowska nous dit qu'en 1935 elle reussit a rejoindre le Mexique, sans essayer d'importuner Rivera. Se rencontrant dans un concert, il passera a cote d'elle, sans meme la reconnaitre.

Elena Poniatowska, La Poniatowska, La Belle Poniatowska, La Princesse Poniatowska, a reussi un livre emouvant. Un roman, un livre de fiction, qui restitue une vraie histoire et qui m'a semble plus veridique que tout ce qui aurait pu etre dans la vraie vie. Elle a ecrit de nombreux livres sur des femmes, et elle arrive a exprimer toute une palette de sentiments, d'emotions, que peut-etre seule une femme aurait pu traduire en mots. Elle le fait magistralement.

P.S. J'ai lu les autres critiques sur Babelio. Ce livre a rappele a certains la Lettre d'une inconnue, de Zweig. Moi je le rapproche plutot de A la hauteur de Grand Central Station je me suis assise et j'ai pleure, d'Elizabeth Smart. le meme amour inconditionnel que rien ne pourra jamais remplacer.
D'autres se sont revoltes face a l'effacement, voulu, de la protagoniste derriere l'homme qu'elle a admire et aime, au nom du feminisme. Et moi je me dis que l'amour se developpe dans une autre dimension que la politique ou le social. Qu'en amour il n'y a peut-etre de place ni pour du machisme ni pour du feminisme. Ces notions rendent les armes devant l'amour. Et de toutes facons, je crois que l'ecriture de Poniatowska est en soi feministe. Et c'est tres bien comme cela.
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C'est un court mais magnifique roman épistolaire.
Elena Poniatowska prête sa plume à Angelina Beloff qui, de Paris, envoie des lettres à son mari, le célèbre peintre mexicain Diego Rivera, reparti dans son pays.
Mais ces lettres restent sans réponses.
Elles crient la passion totale, dévorante et désespérée.
Au fil des mois, ni la colère, ni la solitude, ni l'incompréhension de ce silence, ne ternissent cet amour inconditionnel.
L'écriture est très belle, l'histoire d'amour bouleversante.
En réalité, Angelina Beloff ne croisera son mari au Mexique que bien des années plus tard, mais il ne la reconnaîtra pas. Etre temps elle aura continué sa carrière personnelle de peintre et lui se sera remarié.
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Angelina Beloff, artiste peintre russe, évoque dix ans de vie commune avec Diego Rivera qui la surnomme affectueusement Quiela. C'est par la rédaction d'une vingtaine de lettres imaginées par Elena Poniatowska qui restent de fait, sans réponse, que l'artiste russe depeint leur vie de 1911 à 1921 à Paris, une période de vaches maigres pendant laquelle Quiela fait vivre leur couple, met au monde leur fils qui ne vivra qu'un peu plus d'un an, une période néanmoins extrêmement valorisante avec les amitiés artistiques comme celles avec Matisse et Picasso. Toujours dévouée à Rivera - qu'elle adore et porte aux nues -, le laissant créer et lui épargnant tous soucis domestiques, elle accepte la séparation quand l'artiste mexicain retourne dans son pays natal. C'est alors le début du delitement de la relation qui verra la fin de cet amour, avec la demande divorce de Rivera.
Des lettres imaginaires qui permettent à Elena Poniatowska de mettre la lumière sur une relation peu connue de Rivera, sa première épouse et, au gré des lettres, de dresser le portrait de Rivera, artiste encore méconnu dans les années vingt en France et qui ne brille pas vraiment par son empathie ou son amour pour sa femme et son fils. Une vision, qui, si elle est réelle, ne flatte pas la personnalité de Rivera, une sorte d'ogre qui se nourrit de l'abnégation de sa femme, faisant preuve d'un égoïsme créateur, certes génial, mais surtout destructeur pour sa femme Quiela.
Un récit intéressant, tres éclairant sur deux personnalités, témoins de la vie artistique, une vie de bohème au début du vingtième siècle à Paris.
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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
Je t'aime, Diego, à l'instant je sens une douleur presque insupportable dans la poitrine. Dans la rue il m'est arrivé la même chose, le souvenir de toi me frappe et je ne peux plus marcher, cela me fait si mal que je dois m'appuyer contre un mur. L'autre jour un gendarme s'est approché de moi : " Madame vous êtes malade ? "
J'ai hoché la tête d'un côté, de l'autre, j'allais lui répondre que c'était l'amour, tu vois, je suis russe, je suis sentimentale et je suis femme, mais j'ai pensé que mon accent me trahirait et les fonctionnaires français n'aiment pas les étrangers. Je poursuivis donc mon chemin, je le poursuis tous les jours, je sors du lit et je pense que chaque pas que je fais me rapproche de toi, que les mois - oh ! combien nombreux - de ton installation passeront vite, que tu m'enverras bientôt chercher pour que je sois toujours à tes côtés.
Je te couvre de baisers,

Ta Quiela
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Je ne vivais qu'en fonction de la peinture ; je voyais tout sous la forme d'un dessin, le tournoiement d'une jupe sur le trottoir, les mains rugueuses d'un ouvrier mangeant non loin de moi, le pain, la bouteille de vin, les reflets auburn dans la chevelure d'une femme, les feuilles, les ramages du premier arbre. Par exemple, je ne m'arrêtais jamais à regarder un enfant dans la rue pour l'enfant en soi. Je le voyais déjà comme un tracé sur le papier ; je devais capter avec exactitude la pureté du menton, l'arrondi de la petite tête, le nez presque toujours minuscule, la bouche douce, jamais immobile.
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Toi, tu soulèves des tourbillons sur ton passage et je me souviens d'une fois où Zadkine m'avait demandé : "Il est saoul ?" Ton ivresse venait de tes images, des mots, des couleurs ; tu parlais et nous t'écoutions tous, incrédules ; pour moi, tu étais un tourbillon en chair et en os, et, en plus de l'extase dans laquelle je tombais en ta présence, auprès de toi le monde m'appartenait un peu. L'autre jour, Elie Faure m'a dit que depuis que tu es parti une source de légendes d'un monde surnaturel s'était tarie et que nous autres Européens avions besoin de cette mythologie nouvelle, parce que, en Europe, la poésie, la fantaisie, l'intelligence sensitive et le dynamisme de l'esprit était morts.

A propos de Diego Rivera
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"Je crois que la peinture c'est cela, on oublie tout, on perd la notion du temps, des autres, des obligations, de la vie quotidienne qui se déroule à côté de soi sans même qu'on la remarque."
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Ils me fréquentent entre-temps, le temps que tu reviennes et, en attendant, ils ne viennent me trouver que pour avoir des nouvelles. J’accepte qu’ils ne le fassent pas pour moi-même; après tout, sans toi je suis bien peu de chose, ma valeur est déterminée par l’amour que tu me portes et pour les autres je n’existe que dans la mesure où tu m’aimes. Si tu cesses de le faire, ni eux ni moi ne pourront m’aimer.
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Videos de Elena Poniatowska (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Elena Poniatowska
Jérémy Chaponneau, chargé de collection au département Philosophie, histoire et sciences humaines, vous propose un programme de lectures autour des voyages d'Henri Cartier-Bresson : « le Musée du peuple mexicain », Pedro Ramirez Vazquez, Vilo, 1968 https://c.bnf.fr/NKm « La Nuit de Tlateloco », Elena Poniatowska, Éditions CMDE, 2014 https://c.bnf.fr/NKp « Autobiographie ou Mes expériences de vérité », Gandhi, PUF, 1982 https://c.bnf.fr/NKs « Gandhi : la biographie illustrée », Kapoor Pramod, Chêne, 2017 https://c.bnf.fr/NKv « Gandhi, athlète de la liberté », Catherine Clément, Découvertes Gallimard, 2008 https://c.bnf.fr/NKy « Mahatma Gandhi », Romain Rolland, Stock, 1924 https://c.bnf.fr/NKB « Mahatma Gandhi : a biography », Bal Ram Nanda, Oxford India paperbacks, 1959 https://c.bnf.fr/NKE « Histoire de l'U.R.S.S. », Nicolas Werth, Que sais-je ?, 2020 https://c.bnf.fr/NKH « Staline », Oleg Khlevniuk, Gallimard, 2018 https://c.bnf.fr/NKK « U.R.S.S. », Jean Marabini, le Seuil, 1976 https://c.bnf.fr/NKN
En savoir plus sur l'exposition Henri Cartier-Bresson. le Grand Jeu : https://www.bnf.fr/fr/agenda/henri-cartier-bresson
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