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Diane Meur (Traducteur)
EAN : 9782714497482
368 pages
Belfond (17/05/2023)
3.5/5   9 notes
Résumé :
Sans les sept kilos de camomille, pas de manuels scolaires, sans lignes copiées ni lectures imposées, pas de bonnes notes en langue, pas de paix pendant toute l’année scolaire à venir.

À travers les souvenirs d’une jeune fille en vacances à la campagne chez ses grands-parents, c’est toute l’histoire de la Bulgarie communiste des années 1960 qui nous est contée, tiraillée entre la peur de la guerre froide, la tyrannie du régime soviétique et l’attache... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Ce sera une masse critique. Ma particuliere masse critique. Me promenant avec un ami, nous nous arretons devant une librairie. Moi je suis un curieux, lui un impulsif. Moi je regarde les bouquins, lui a besoin de les toucher. Une fois touches ils se collent a lui, et il ressort avec plus qu'il n'en peut porter. Je le deleste d'un, pour l'aider. – Je te l'emprunte, je t'en ferai un compte-rendu. Il me regarde drolement, ne sachant si c'est une blague ou si je suis devenu fou. Il n'est pas au courant, pour Babelio. Nos petites cachotteries d'amis. Il me cache ses amours, je lui cache mes addictions.

Un bouquin pris au hasard? Pas vraiment. Un auteur inconnu. La fascination de la decouverte.

Rumjana Zacharieva. Une bulgare exilee en Allemagne. Je ne suis pas sur que dans son cas exil soit le mot juste. Une bulgare vivant en Allemagne, ecrivant en allemand ses souvenirs d'enfance en Bulgarie. Elle a quitte la Bulgarie assez jeune, voulant surement fuir le communisme qui y regnait, mais ses souvenirs ne sont pas amers, loin de la. Son texte est impregne de tendresse, regorgeant d'un humour bon enfant, jamais cynique. Et on sent que ce sont ses vrais souvenirs, bien qu'evidemment romances.

C'est une fillette qui vit l'ete de ses douze ans avec ses grands-parents maternels dans un village, ses parents, enseignants dans une grande ville, venant la voir deux fois par mois. Elle les attend impatiemment a chaque fois et c'est a chaque fois un bonheur de rencontre. Sa mere est la plus belle et la plus elegante des femmes et son pere est le plus doue des hommes, un idealiste qui s'est forge tout seul, et surtout un merveilleux conteur. Elle reve de passer vivre avec eux en ville quand ils auront un appartement plus grand. Elle est pourtant heureuse avec sa grand-mere, Baba Vitsa, appelee simplement Maminka, qu'elle venere, et avec son grand-pere, Diado Ivan, qu'elle aime bien qu'elle ait un peu peur de lui, surtout quand il revient saoul, ce qui arrive pratiquement un jour sur deux.

Elle essaye de comprendre ce qu'elle voit, ce qu'elle entend, ce qu'on ne lui explique pas, ce qu'on lui cache. le haut-parleur de la place du village evogue la guerre froide et elle se voit en heros de cette guerre, comme le gosse partisan Mitko Palaouzov ou la jeune Zoia Kosmodemianskaia torturee par les nazis, dont on lui gave les oreilles et l'esprit a l'ecole. Elle reve de “mourir pour la liberte". Et qu'est ce qui differencie un communiste d'un capitaliste? Elle finira par noter dans un cahier les definitions apprises pendant l'ete, les definitions des mots qu'elle a fini par comprendre: “ATHEE : quelqu'un qui rale contre Dieu mais boit de l'eau-de-vie tous les dimanches avec le pope, comme Diado Ivan, mon grand-pere maternel. CAPITALISTE : ivrogne qui bat sa femme et n'a jamais un sou en poche, voir Diado Ivan. CHRETIEN : quelqu'un qui commence par frapper et ensuite seulement essuie le crachat sur sa figure. COMMUNISTE : quelqu'un qui croit au yoghourt tout en sachant que le lait etait deja tourne. HOMME SOCIALISTE : exproprie qui fait des heures supplementaires par necessite, attend les Americains et, d'ici là, s'approprie le bien commun, voir de nouveau mon diado Ivan. SAINTE : une communiste sans carte du Parti, voir Maminka.”

Tout ce qui a rapport au sexe l'intrigue evidemment beaucoup, elle lit en cachette un livre de vulgarisation, elle jalouse une amie dont les seins commencent a pointer, et quand elle recoit ses premieres regles elle court montrer sa superiorite a son amie: “Maintenant que je suis devenue une vraie femme, elle peut toujours frimer, avec son malheureux petit poil au-dessus de sa fente : « Moi, j'ai deja des vraies regles ! » Quand je lui montre ma serviette des le jour de mon arrivee, elle se pame presque d'envie. Elle en reste sans voix ! Elle ne peut que tirailler sa jupette plissee et deglutir avec peine, sans parvenir à sortir un mot. Elle est au supplice, je le vois bien”.

Et il y a ces sept kilos de camomille qu'elle doit cueillir pendant l'ete pour avoir droit a ses livres de classe a la rentree. Elle n'est pas tres degourdie pour le travail, ce sont ses reves qui la travaillent, elle. Reussira-t-elle a remplir sa corvee?

Zacharieva arrive, en de courts chapitres, a representer la vie dans la Bulgarie communiste des annees 50-60 du dernier siecle, a la campagne et en general. Et elle reussit a camper des personnages plus vrais que vraisemblables, dans leurs merites et leurs travers, dans leurs joies, leurs peines, leurs reussites et leurs echecs, vus par une petite fille mais aussi apprecies et juges par elle, quand elle ecrit ce livre, melangeant le souvenir et son compte-rendu. “La coquille du temps se brise. Malgre cela, je parviens quelquefois a ne pas glisser hors de l'oeuf du passe mais a retourner en son coeur. Alors je dis : Maintenant ! Je vais a l'essentiel, je me depouille du present qui est absorbe dans la masse molle du passe, je ne sais plus ou est la limite entre moi et mon enfance. La plupart des gens ont cesse de traverser sans effort les frontieres entre aujourd'hui et autrefois, aussi exigent-ils une coherence dans la perspective narrative : le narrateur dans l'« aujourd'hui », l'enfant dans l'« autrefois » ; mais le langage ne sera jamais a la mesure du temps. Et quand la coquille du temps se brise, moi, la femme d'aujourd'hui, je penetre a l'interieur, et quelques secondes apres je me glisserai a nouveau dehors et je serai le cimetiere d'autrefois, que longeront les enfants apres la decouverte de la maison abandonnee, je serai mon actuelle table de travail, je serai ma mere, je serai Maminka et le village, le parfum de camomille et tous ces sept kilos d'ete, la guerre froide et l'envie de mourir pour la liberte, Raina la reine qui vecut au XIXe siecle, et Zoia Kosmodemianskaia…”

Zacharieva m'a rendu moi aussi enfant, le temps d'une lecture. J'ai savoure les jours d'ete de l'heroine, ses reves et ses doutes, les crepes de sa Maminka, dont les jupes et le foulard sur la tete m'ont rappele la mienne, j'ai ete jaloux parce qu'elle a eu deux diados, deux grands-peres, moi qui n'en ai connu aucun, deux grands-peres aventuriers: “Je m'avise aussi que Diado Kosta a beaucoup en commun avec mon autre grand-pere. Tous deux sont partis à l'etranger pour y chercher de l'or ; tous deux ont prefere rentrer, en en rapportant autre chose que de l'or : Diado Kosta des livres americains, Diado Ivan des poux allemands. Je complete en pensee la notion de « patriote » pendant ma descente du bus : un patriote, c'est un idiot plein de fierte qui, ou qu'il aille pour s'enrichir, en revient pauvre par amour pour son pays, et ne rapporte au mieux que des livres ou des poux”.

Et j'ai aussi ete un peu jaloux de l'ecriture bucolique, solaire, de l'ecrivaine adulte. Ce livre m'a ete un feel-good, dans le meilleur sens de l'expression. Un livre qui amene en ses pages l'ete et le beau temps.
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Une lecture plaisir comme on aimerait en rencontrer plus souvent ! Une biographique romancée de l'année des 12 ans de l'autrice, au début des années 1960, chez ses grands-parents maternels.

Sur les rives de la Mer Noire, à la frontière de la Turquie, la Bulgarie a été sous domination ottomane pendant des siècles, puis indépendante à la fin du 18ème siècle, avec son propre tsar qui s'alliera à l'Allemagne pour la 2ème Guerre mondiale. A l'époque concernée, la Bulgarie faisait partie du Bloc de l'Est soviétique.

La fillette vit chez sa grand-mère, Maminka et son grand-père, Diado, dans un petit village, ses parents n'ayant qu'un studio en ville, de toute façon elle n'aime pas la ville et la place manque chez eux.

La vie et le travail sont réglés pour le plan quinquennal à réaliser en quatre ans ! Chacun doit donner de lui-même, l'oisiveté, même estivale et enfantine, n'est pas de mise ! Pour recevoir leurs manuels scolaires, les élèves doivent cueillir 7 kilos de camomille pendant les vacances. Notre future héroïne (dans sa tête), rechigne, traine la savate et rêve tout éveillée !

Entre enfance et adolescence, la fillette se pose plein de questions, en pose beaucoup moins aux adultes qui d'ailleurs l'écartent lors de discussions "sérieuses” !

Qu'est-ce que la Guerre froide, dont la radio leur rebat les oreilles ? Doit-elle tricoter des gants ? Où est-elle ? Sera-t 'elle une héroïne qui mourra, après avoir été torturée, pour la patrie ? L'amour et le sexe sont des sujets d'importance et ses définitions de tout ce qu'elle appréhende dans l'été sont des monuments de drôlerie pour nous mais reflète ce qu'elle en a perçu.

Son imagination est sans limite et chaque situation ainsi créée est irrésistible de drôlerie et de tendresse ! J'ai ri bien souvent, un peu par souvenir de cet âge et beaucoup par la fin qui s'emballait chaque fois de façon folle !

Une écriture bucolique et solaire comme l'a si bien dit un précédent lecteur, les images et les odeurs sont bien présentes mais enrobées de douceur malgré les duretés de la vie en Bulgarie à cette époque !

J'ai réussi à lire en plusieurs jours pour profiter plus longtemps de cette parenthèse optimiste ! Un coup de coeur que je vous invite à lire !

#Septkilosdecamomille #NetGalleyFrance

Jeux en Foli...ttéraire XVI
Challenge Féminin 2022/2023
Challenge Multi-Défis 2023
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Mila, 12 ans, passe l'été dans un petit village de Bulgarie chez ses grands parents, sa Maminka chérie et son grand père colérique et imprévisible, Diado Ivan. Dans ces années 60 communistes, la vie de la petite fille n'est pas de tout repos : il lui faut cueillir sept kilos de camomille avant la rentrée pour avoir droit à ses manuels scolaires gratuits, comprendre les mystères des adultes avec toutes ces choses qui tournent autour de la manière dont on fait les bébés et que personne ne veut lui expliquer et savoir quelle est cette Guerre Froide dont la radio lui rabat les oreilles (alors que pourtant on est en été et pas en hiver et que donc il ne fait pas froid). Soixante pour cents et une boutonnière de fichue (juron favori de Mila), cet été s'annonce bien compliqué !

Je ressors un peu déçue de ma lecture de cet intriguant Sept kilos de camomille. le point fort de ce livre a été de me faire découvrir de l'intérieur un pays dont on parle si peu, la Bulgarie, vue ici à l'époque du régime communiste, de l'éternel conflit entre capitalistes et rouges, des pénuries et des queues dans les magasins et du grand Plan avec ses corvées agricoles pour augmenter la production. Par petites touches, l'auteure entremêle au récit de Mila des détails sur la vie quotidienne ainsi que les récits de ses parents ou amis sur l'histoire de la Bulgarie, nous permettant d'en savoir un peu plus sur ce pays. Malgré le ton plein d'humour et la forme du récit, avec des chapitres courts et un peu décousus comme autant de souvenirs d'enfance juxtaposés, j'ai eu beaucoup de mal à rentrer dans ce livre. L'auteure nous plonge dans son récit sans contextualiser et j'ai trouvé difficile de comprendre qui est qui, qui parle et à quels événements ou membres de la famille Mila fait référence. Heureusement tout s'éclaircit peu à peu au fur et à mesure qu'on entre dans l'histoire mais le début de lecture a été laborieux.

Plus gênant, j'ai aussi trouvé le roman très répétitif avec des scènes qui se répètent et reviennent sans cesse, la cuisine de Maminka, les travaux agricoles, les parents absents qui arrivent par le bus pour passer la journée au village. Il ne se passe pas grand chose pendant cet été à la campagne et ces répétitions ont un peu émoussé mon intérêt pour le récit. Et enfin, dernier reproche, j'ai trouvé que l'histoire racontée du point de vue de Mila n'était pas très cohérente avec l'âge de la jeune fille (qu'on apprend à la fin du roman : bientôt 12 ans). Je sais bien que l'histoire se situe dans les années 60, dans un pays un peu coupé du monde et dans un tout petit village mais les réactions de l'héroïne m'ont souvent fait penser à une enfant beaucoup plus jeune : Mila semble tout ignorer de l'histoire ou de la politique, aborde tous les événements avec une naïveté absolue, mélangeant allègrement concepts et bribes de phrases entendues et tente désespérément d'avoir la réponse à la seule et unique question : comment fait-on les bébés ? du coup, les bons mots et les incompréhensions prêtées à la jeune fille m'ont paru peu vraisemblables, comme si l'auteure voulait à tout prix se (re)mettre dans la peau de l'enfant naïve qu'elle était alors en en rajoutant pour créer des situations cocasses.

Au final, une lecture que j'ai trouvée intéressante, ne serait-ce que parce que ce n'est pas tous les jours qu'on lit un roman bulgare (même si l'auteure a émigré en Allemagne et écrit en allemand) mais pas totalement aboutie. Et surtout un roman que j'ai eu du mal à finir, trop de passages trop lents, trop de baisses de rythme ou de rebondissements pas toujours passionnants. A découvrir par curiosité mais pas totalement convaincant !
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Bulgarie, années 60. Mila passe l'été chez sa grand-mère. Pour avoir ses manuels scolaires à la rentrée, elle doit cueillir 7 kilos de camomille pour la coopérative. Mais, alors qu'elle va avoir douze ans, ses préoccupations sont différentes.
Je m'attendais à autre chose avant d'ouvrir ce roman. La quatrième de couverture évoque la domination soviétique, la peur de la guerre froide et le communisme, mais je trouve qu'on ne ressent presque jamais ce contexte, sauf quand à jeune fille est confrontée à l'administration (école, hôpital,...). le reste du temps, elle oscille entre l'enfance et l'adolescence dans ses préoccupations et ses jeux : ses parents lui manquent, que vont penser d'elle ses amis, ... Bref, des vacances assez banales dans la campagne des années 60, d'à peu près n'importe où, où l'insouciance enfantine l'emporte sur le reste. Parce qu'à par vouloir mourir en héroïne, Mila ne s'inquiète par vraiment de la société dans laquelle elle évolue : la guerre froide, elle ne sait pas ce que c'est. L'Union Soviétique ou le communisme, on n'en parle jamais. D'ailleurs, on voit bien dans son inventaires des mots qu'elle a appris que la jeune fille ne comprend rien à tout çà.
Reste une chronique d'enfance assez banale, où s'intercalent les souvenirs de sa famille, qu'évoquent les adultes devant elle et qu'elle interprète souvent à sa manière, ne comprenant pas trop ceux qu'ils racontent.
J'ai fini par trouver le temps long, comme la langueur d'un été qui ne finit pas.
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La collection Belfond Vintage a mis à l'honneur en ce mois de mai une autrice d'origine bulgare Rumjana Zacharieva. Ce roman écrit en allemand, sa langue d'adoption, est pourtant profondément bulgare, la couverture très vintage, qui correspond finalement très bien à la couverture et à la ligne éditoriale de la collection, est là pour en attester. On trouve très peu d'informations en français sur l'autrice, qui a immigré à Bonn en 1970 à l'âge de vingt ans après son mariage avec un Allemand. Il lui a fallu à peine cinq années pour utiliser l'allemand comme langue d'écriture !

Sept kilos de camomille, c'est quelques pages de l'histoire de Mila, jeune bulgare adolescente, dans la Bulgarie soviétique des années cinquante et soixante, en pleine Guerre Froide. Une jeune fille élevée par sa grand-mère Maminka, l'appartement des parents, professeurs de gym l'un et l'autre, est à peine assez grand pour héberger la fille. L'histoire de Mila est filée par le ramassage de ces sept kilos exactement de camomille, quantité exigée par la coopérative l'encadrement scolaire pour pouvoir être fournie des livres scolaires pour la rentrée prochaine. le système exigeait en outre, de compléter vingt-deux livres de lecture obligatoire, pratiquer la calligraphie tous les jours et écrire la "liste estivale des mots inconnus" sans l'aide du dictionnaire.La camomille, le symbole portée par cette administration socialiste qui exige à ce que chacune et chacun paie son dû à la société. La cueillette de cette camomille c'est le leitmotiv de Mila, leitmotiv qui est celui qu'on leur assène continuellement, qui devient une obsession, et dont la litanie revient à tempo réguliers, accompagné de son juron aussi étrange que favori "Soixante pour cent, et une boutonnière de fichue !"

Parcourir le récit de Mila sur ce passage de l'enfance à l'adolescence, c'est l'occasion pour elle de revenir sur des pans d'histoire familiale, et de l'identité de ce pays, dont l'une et l'autre sont aussi contrastées. C'est sous ses yeux d'enfant que l'on y lit l'histoire d'une Bulgarie captive d'une autorité sans concession et sans faiblesse, où les enfants y sont redevables de leur quota de besogne. Où les règles sont aussi dénuées de sens que la quantité astronomique de camomille que les élèves bulgares, en fidèles et obéissants apprentis ouvriers, sont tributaires. Maminka, la grand-mère complice, tient une grande part dans ce folklore bulgare, dont les différents épisodes de cette épopée familiale sont témoins. 

C'est une jeune fille qui navigue entre plusieurs eaux : l'imagination débordante de l'enfance, passée entre autres chez ces fameux scouts slaves Les Pionniers, l'aspiration à imiter les héros et résistants instaurés par l'imagerie nationale, dont soviétique - Zoïa Kosmodémianskaïa - et combattre les fascistes - nazis - ou Raïna Popguéorguiéva et la maturité qui s'annonce d'une adolescente qui pressent la lourdeur du passé familial, aussi bien paternel et maternelle, et qui a du mal à accepter le schéma socialiste et communiste qu'on lui impose dans sa vie sociale, journalière. Entre le schéma familial de la femme entièrement dévolue au foyer, sous l'emprise totale du pater familial, et l'autre schéma que lui propose sa mère, femme indépendante alors. Une Mila qui ne se sait pas la plus enthousiaste à l'idée d'être présentée comme travailleuse modèle à la rentrée des classes. 

On se régale à la lecture de ses souvenirs d'enfant, confits entre l'odeur des crêpes chaudes de sa Maminka, davantage mère pour elle que la sienne propre, et les appels froids impersonnels du haut-parleur de la place du village qui annone régulièrement les dernières nouvelles de la coopérative, de la guerre froide. Parce que Mila est de cette génération qui vient juste après celle qui a particulièrement souffert à travers deux guerres, une souffrance dont elle est dépositaire, transposée à travers les histoires extraordinaires, que ses oreilles et yeux d'enfant filtrent, des aïeux. Le personnage de Maminka est la clef du récit, le symbole d'un pays, de la résistance de ses femmes, soumises à une multitude d'autorités, le père, le mari, le pays, parmi celles qui ont contribué à tenir le pays, comme leur famille, à bout de bras à côté des époux imbibés d'alcool au bistrot passant leur temps à "tamiser la politique" : le refuge ultime pour Mila, la chaleur et la tendresse maternelle alors que la mère est lointaine et distante, toujours au second plan du récit. Une grand-mère qui a la carrure d'une héroïne de conte, un peu mythique, qui sait tenir tête à l'époux qui la bat, la trame du panier.

Merci aux Éditions Belfond de nous donner cet accès liminaire à Rumjana Zacharieva, et ce récit à dimension autobiographique, qui contribue à apporter une autre vision du peuple, des familles, dont le régime les a davantage privés que pourvus, et surtout de la femme, socle du pays. Un texte d'une jeune fille qui se découvre peu à peu adulte, avec un corps qui le lui fait savoir, des secrets épiés de ce qui ne se dit pas de ces faiseuses d'anges et de leurs patientes. Une jeune Mila qui s'initie à la littérature, également, découvrant le pouvoir, mais également la démagogie des mots, leur puissance comme leur inanité, leur décalage de la réalité, à l'image de son petit lexique personnel constitué pendant cet été de ces nouveaux mots appris avec une ironie juvénile qui n'est pas pour déplaire. Petit extrait :

Communiste : Quelqu'un qui croit au yoghourt tout en sachant que le lait était déjà tourné.

Homme socialiste : exproprié qui fait des heures supplémentaires par nécessité, attend les Américains et, d'ici là, s'approprie le bien commun, voir de nouveau mon diado Ivan.

Défilé : concours de prof de gym.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Le dimanche, quand les cloches sonnaient et que Mita Maneva menait paitre sa vache a lait, les vieux allaient a l’eglise. Parfois ils en revenaient plus tot que prévu, car il s’etait trouve que le pope – l’ami de Diado, qui s’appelait Ivan comme lui – n’etait pas encore rentre du bistrot. Ou alors ils revenaient plus tard que prevu, parce qu’il avait d’abord fallu passer la-bas chercher Sa Saintete et le remettre a sa femme, qui l’avait tant bien que mal habille derriere l’autel, lui avait fourre la croix et la lampe dans les mains, avant de l’abandonner à son sort et aux fideles dans cet etat problematique. […] Notre pope n’etait pas a envier. C’etait un homme pauvre. Il ne possedait que Dieu, une vieille chevre grise et sa femme, Baba Popadiya, à qui il arrivait de devoir dire la messe quand il s’était trop attarde au bistrot avec mon grand-pere et le mari de Baba Pena. Dieu, s’il existait malgre tant de moqueries et si peu de fideles, n’avait pas non plus la tache facile avec notre pope. « Je porte Dieu en moi », avait fierement declare le pope a table, par un debut d’apres-midi d’ete, apres une troisieme slivova qui lui etait aussitôt montee à la tete. « Où que j’aille, quoi que je fasse, le Seigneur est avec moi ! » Si c’etait bien vrai, le sort echu au bon Dieu n’etait pas rose : devoir chaque jour trainer des heures au bistrot avec Sa Saintete, se laisser regulierement souler comme une barrique, enfourcher la motocyclette deglinguee du pope, que la vieille chevre grise tirait au bout d’une corde, ou passer sous un camion quelconque avec chevre, motocyclette et bonnet de pope, ce qui L’obligeait ensuite a souffler dans le ballon de la milice populaire. Comme mon diado, le mari de Baba Pena et le pope, Dieu faisait partie des leses. Je ne m’etonnais donc pas qu’Il cherche precisement refuge aupres de ces trois-la, meme si Grand-pere se proclamait un athee pur et dur. « Alors tu es un communiste ! Ce sont tous des athees, l’invectivait le pope. — Ta Saintete devrait avoir un peu honte de me mettre dans le meme sac que les Rouges, repliquait Diado en lui reversant un verre de prune. — Bah ! De toute façon tu rotiras a petit feu dans le meme chaudron que tous les mecreants et les pecheurs », affirmait son ami.
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La liste n’a pas besoin d’être calligraphiée : ce sont les mots qui comptent !

Liste des nouveaux mots appris pendant l’été :
ATHÉE : quelqu’un qui râle contre Dieu mais boit de l’eau-de-vie tous les dimanches avec le pope, comme Diado Ivan, mon grand-père maternel.
CAPITALISTE : ivrogne qui bat sa femme et n’a jamais un sou en poche, voir Diado Ivan.
CHRÉTIEN : quelqu’un qui commence par frapper et ensuite seulement essuie le crachat sur sa figure.
COMMUNISTE : quelqu’un qui croit au yoghourt tout en sachant que le lait était déjà tourné.
DÉFILÉ : concours de profs de gym.
DIPLOMATE : quelqu’un qui se débrouille pour être nommé à l’étranger avant d’être renvoyé prématurément chez lui.
DOBROVOLETZ, « VOLONTAIRE » : feignant qui préfère aller faire la guerre plutôt que de rester labourer au pays, comme Tchitcho Koïo, le frère de Maminka.
FASCISTE : quelqu’un qui tue des gens et réclame ensuite un œuf pour son petit déjeuner.
FONCTIONNAIRE : quelqu’un dont les ciseaux ne s’enrayent jamais quand il s’agit de couper par exemple des pantalons bouffants indésirables. Voir Tchitcho Dimitar, le frère de Père.
GUERRE FROIDE : c’est quand on entend toujours la même chose en allumant la radio. Ce peut être aussi bien l’hiver que l’été.
HÉROS : quelqu’un qui a peur de mourir avant chaque offensive parce qu’il ne veut pas perdre ses privilèges. Sans ça il ne lui reste plus que son monument.
HOMME SOCIALISTE : exproprié qui fait des heures supplémentaires par nécessité, attend les Américains et, d’ici là, s’approprie le bien commun, voir de nouveau mon diado Ivan.
INTERNÉ : un prisonnier qui a le droit d’aller et venir mais doit chaque jour signer un papier pour prouver qu’il ne s’est pas enfui.
MAL, MAUVAIS, MÉCHANT : En soi, toute chose est bonne. C’est seulement en quittant la tête de l’être humain qu’elle devient généralement mauvaise. Le mal fait mal, c’est à ça qu’on le reconnaît du bien. Moi, je suis toujours bonne. Seul un autre peut être méchant. C’est seulement en devenant quelqu’un d’autre qu’on mélange le bien et le mal. Alors il faut tout reprendre du début.
OPPOSITION : c’est quand on met exprès trop de sel dans la soupe rien que pour ennuyer l’autre ; le plus souvent on finit pourtant par rajouter de l’eau ensuite, pour pouvoir soi-même en manger.
PACIFISTE : homme qui se fait boire son eau-de-vie par tout le monde et s’en commande chaque fois une autre, ou se ressert lui-même.
PATRIOTE : homme qui – où qu’il aille pour s’enrichir – revient toujours pauvre par amour de son pays et ne rapporte au mieux que des livres ou des poux, comme mon diado Ivan et mon diado Kosta.
PRINCIPE : c’est quand on fait des œufs brouillés, comme Mère, par exemple : pendant des années et toujours de la même façon.
PRIVILÈGES : les qualités et mérites des parents, qu’on intègre dans le dossier scolaire des enfants pour améliorer leur note globale aux examens d’entrée.
SAINTE : une communiste sans carte du Parti, voir Maminka.
J’ai oublié GÂTÉE. Ce n’était pas un joli mot, et enfin mon front en est débarrassé. Tout en moi semble désormais aller très bien. Qu’en diront donc les paysans quand ils verront la différence ? Qu’en penseront-ils ? Il faut absolument que je tire ça au clair ! « Soixante pour cent et une boutonnière de fichue ! »

page 311
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Pourvu que personne ne nous voie ! Les rues du village sont pavées de lune, les toits sont magnifiquement enlunés, les coings, encore petits et verts au grand jour, luisent à travers le feuillage. De peur et d’émotion, j’éprouve l’envie irrésistible de m’accroupir au pied du premier mur venu et de faire pipi, mais je n’ose pas. J’ai déjà lâché quelques gouttes et je me trouve ridiculement trouillarde. Est-ce que les partisans avaient peur, eux aussi ? Impossible ! Enfin, qui sait : au moment d’y aller, je veux dire au moment d’affronter les fascistes… mais ça, on n’en parle pas. J’en viens à me dire que si on voulait m’ériger un monument de mon vivant pour mes actes incroyablement héroïques, après une nuit comme celle-ci je supplierais les camarades d’attendre ma mort. Car jamais je ne pourrais passer devant mon propre monument sans penser aux quelques gouttes que je viens de lâcher !

page 149
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Tout le monde mentait : les adultes mentaient aux enfants en leur taisant sans arrêt des choses, et les enfants mentaient aux adultes en leur en taisant d’autres ou en leur racontant simplement des bobards. L’organisation des Pionniers mentait aux vieux en leur faisant croire que c’était aux enfants de cueillir la camomille, et les enfants mentaient à l’organisation en prétendant l’avoir cueillie de leurs mains alors qu’ils mettaient à contribution leurs mémés et leurs parents. D’ailleurs, l’État se moquait bien de savoir qui mentait à qui, puisqu’il n’arrivait jamais rien d’irrémédiable, me semblait-il. Le quota était toujours bouclé. Timour et sa brigade faisaient des émules, et je voulais quand même mourir pour la liberté !

page 147
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Chaque jour, copier cinq lignes en s'appliquant bien et en y ajoutant la date : notre professeur de langue et de littérature s'était mis en tête de faire de nous tous des calligraphes... J'allais maintenant devoir m'asseoir et rattraper tout ça, copier cinq lignes par jour déjà manqué et continuer ensuite jusqu'à la fin des vacances. Sans les sept kilos de camomille, pas de manuels scolaires, sans lignes copiées ni lectures imposées, pas de bonnes notes en langue, pas de paix pendant toute l'année scolaire à venir. Ma mauvaise conscience, la pauvre, s'était déjà assise à la table et copiait avec zèle tandis que je maudissais le professeur, le chef de section et ces longs mois d'été. Parfois je voulais mourir, mourir, mourir pour la liberté... Et je n'avais plus envie de parler à personne, de quoi que ce soit, sans ça je risquais de penser encore à une chose que la camomille m'aurait fait oublier, et pas question d'aller au-devant de nouveaux ennuis. La camomille, les lectures imposées, les lignes d'écriture. C'était sans doute assez pour toute une vie.

Et moi, je n'avais que les vacances d'été.
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