Déjà, je tiens à remercier chaleureusement Gwen21 qui, grâce à son challenge solidaire, m'a poussée à lire Proust, sinon, je crois que je serais encore à me dire « Proust, oui, oui, bien sûr que je le lirai un jour ».
Je pense, comme beaucoup, que je craignais de m'attaquer à la montagne que représente cet auteur, appréhendant les phrases alambiquées et, surtout, interminables. Car, sans en avoir lu une seule ligne, si ce n'est la fameuse « Longtemps, je me suis couché de bonne heure », je me faisais une idée très arrêtée de ce qu'il représentait, à savoir surtout un auteur que ne pouvaient lire, et comprendre, que les lettrés au sens le plus strict du mot.
Une de mes amies, qui a lu l'intégralité d'A la recherche du temps perdu, avait bien déjà essayé de m'inciter à lire l'auteur, me disant « tu verras, c'est Dynastie en bien écrit ». Oui, enfin, je ne suis pas sûre qu'il y ait véritablement du Dallas dans l'oeuvre de Proust.
Et ? J'ai opté pour un compromis en acquérant ce petit livre de moins de 100 pages qui raconte la relation particulière qu'entretient le narrateur avec sa grand-mère, notamment depuis que cette dernière est décédée. Alors oui, dit comme ça, c'est bizarre, mais le narrateur revient sur les souvenirs, ses regrets, ce qu'il aurait pu faire mieux. Et, comme je l'imaginais, ça digresse beaucoup sans pour autant rendre la lecture pénible.
Alors, ai-je aimé ? Et bien je répondrai oui, assez. La plume est riche et non dépourvue d'humour, le phrasé surtout est agréable, j'ai lu quelques passage à voix haute, ce qui a permis de me rendre compte à quel point la langue était belle, car qu'elle est belle notre langue française.
Voudrais-je lire pour autant le monument qu'est A la recherche du temps perdu ? Ptêt bien oui, ptêt bien que non. Désormais, je vois cela comme possible alors que j'imaginais cela inatteignable il y a peu. Courrais-je pour autant acheter le premier tome ? Non, faut pas pousser quand même.
Je pensais que Les intermittences du coeur était une oeuvre à part entière, une nouvelle écrite par Marcel Proust à ses débuts ou entre deux volumes de sa titanesque aventure. J'ai appris ensuite qu'il s'agissait d'un extrait du volet numéro quatre intitulé Sodome et Gomorrhe d'A la recherche du temps perdu et qu'à l'origine le roman aurait dû ou pu s'appeler, justement, Les intermittences du coeur.
Alors, me voici doublement comblée, non seulement je peux dire aujourd'hui que j'ai lu du Proust mais aussi que j'ai lu un morceau de son incroyable roman.
Challenge solidaire 2019
Challenge Riquiqui 2019
Challenge XXème siècle 2019
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Le premier président et la veuve du bâtonnier se firent présenter à elle. Et tout ce qui avait rapport à ma grand-mère lui était si sensible qu'elle fut touchée infiniment, garda toujours le souvenir et la reconnaissance de ce que lui dit le premier président, comme elle souffrit avec indignation de ce qu'au contraire la femme du bâtonnier n'eût pas une parole de souvenir pour la morte. En réalité, le premier président ne se souciait pas plus d'elle que la femme du bâtonnier. Les paroles émues de l'un et le silence de l'autre, bien que ma mère mît entre eux une distance telle, n'étaient qu'une façon diverse d'exprimer cette indifférence que nous inspirent les morts.
Mais dis-moi, toi qui sais, ce n'est pas vrai que les morts ne vivent plus. Ce n'est pas vrai tout de même, malgré ce qu'on dit, puisque grand-mère vit encore.
(...) car comme les morts n'existent plus qu'en nous, c'est nous-mêmes que nous frappons sans relâche quand nous nous obstinons à nous souvenir des coups que nous leur avons assenés.
MARCEL PROUST / DU CÔTÉ DE CHEZ SWANN / LA P'TITE LIBRAIRIE